Le barman du Lafayette regardait « Teigneux » Boucher boire, et il secoua la tête. Whisky et verres de bière – de quoi terrasser un homme pour toujours, et en tout cas pour l’après-midi.
N’importe quel autre consommateur et il aurait flanqué le type à la porte depuis longtemps. Mais celui-là était flic, et on ne lourde pas un flic, même s’il est complètement rétamé, même s’il tient des propos injurieux. Pas question, si vous voulez exercer votre commerce sans être harcelé par ses potes et lui jusqu’à la Saint-Glinglin.
Au moins il s’était calmé, maintenant. Il s’était arrêté de crier après les autres clients – il en avait fait fuir la moitié – et il était assis dans le coin. Il regardait la télé mais ne la voyait pas, piqua du nez et posa finalement la tête sur ses bras.
Ouais, c’est ça, dors un coup, pensa le barman. Fais un petit roupillon, t’en as besoin.
Il secoua la tête à nouveau et songea au surnom du type. Teigneux ? Une foutue couille molle, oui !
Il alla servir une bière pression à un autre consommateur. Un instant plus tard, lorsqu’il regarda vers le coin où Boucher s’était assoupi, le type n’était plus là.
Parti aux gogues pour pisser un coup, pensa le barman, mais Boucher ne revenait toujours pas. Au bout d’un moment, il alla jeter un coup d’œil dans les toilettes, juste pour s’assurer que ce trou du cul n’était pas tombé dans les pommes, affalé dans un urinoir, mais il n’y avait personne dans la petite pièce. Boucher avait dû sortir du bar par ses propres moyens.
Comme il regagnait le comptoir pour essuyer des verres, le barman se dit qu’il aurait bien voulu que tous ses emmerdements soient réglés aussi facilement.