Le téléphone le réveilla. Il ne le décrocha qu’à la cinquième sonnerie.
— Jack ?
— Ouais.
— C’est Anna.
— Je sais. J’ai vaguement reconnu ta voix.
— Pourquoi es-tu parti d’aussi bonne heure ?
— J’avais besoin d’être seul. Pour faire le point.
(Que fais-tu quand tu as l’impression de perdre la boule, petite sœur ?)
— Tu as appelé les parents de la fille ?
— Non. Je veux le leur dire en personne…
(Je veux les regarder dans les yeux et les obliger à me dire qu’ils n’ont pas chassé leur fille de chez eux.)
— … mais je dois parler à Ned d’abord.
— Il ne m’a pas encore téléphoné.
— Il est probablement très occupé, Anna. Mais tu auras de ses nouvelles.
— Tu sembles si lointain.
(C’est parce que je suis sur une autre putain de planète.)
— Ce doit être la liaison.
— Tu es sûr que ça va, Jack ?
— On ne peut pas dire que je suis en pleine forme, mais je fais avec.
— Ce n’était pas de ta faute… ce qui est arrivé, je veux dire.
— Je sais.
(Ce n’est jamais la faute de quelqu’un, pas vrai ?)
— Je t’aime, Jack.
— Je sais que tu m’aimes. Parfois, c’est ce qui m’aide à tenir le coup.
— Surtout ne m’exclus pas de ta vie.
Il y eut un léger déclic, puis le bourdonnement de la tonalité. Il reposa le combiné sur son socle et fixa le mur de sa chambre à coucher. Il était un peu surpris de se trouver toujours chez lui. Dans son lit.
Dans ce cas, il n’avait pas rêvé.
Pas après la première fois.
Autant qu’il s’en souvienne.
Il tourna la tête. Près du téléphone et de son réveil à affichage digital – il l’avait reçu gratuitement après avoir souscrit à un abonnement à Newsweek pour six mois – il y avait une petite sculpture d’Anna en pâte à modeler. Un autoportrait. Un cadeau à l’occasion de son dernier anniversaire.
— Je t’aime, moi aussi, murmura-t-il.
Puis il se leva et commença sa journée.