Jim, stupéfait, bouleversé, se tourna vers sa mère. C’était elle qui, par son acte abominable, avait créé cette situation sans issue… Il allait lui crier sa colère et son désespoir, mais il la vit si ravagée qu’il se tut…
Elle ne savait pas… Elle venait d’apprendre en même temps que lui… Elle était submergée par l’horreur. Elle s’était dressée près du divan, elle regardait Jim comme s’il était son juge, mais c’était elle qui les avait condamnés à mort. Elle ne savait pas… Sa mâchoire tremblait, elle ouvrait et refermait ses mains. Elle voulait revenir en arrière, elle voulait, elle voulait ! Que cela ne se soit pas produit ! Qu’elle n’ait jamais fait cela !…
— Ce qui… est fait… est fait… dit M. Jonas. Elle… ne… savait pas… Pardonne… lui…
Mme Jonas s’était mise en marche, comme hallucinée. Elle marchait vers le Distributeur, il lui était venu une idée. C’était peut-être possible. Il fallait essayer.
Faire revenir M. Gé !…
Elle frappa, lettre à lettre, sur le clavier : M.O.N.S.I.E.U.R. G.É.
Mais pendant qu’elle tapait elle savait que ça ne pouvait pas réussir. La substance vivante de M. Gé,
Sainte-Anna l’avait utilisée pour fabriquer le poulet cru, le poulet à plumes, puis le gros poulet, et l’oeuf. M. Gé ne pesait pas lourd, il ne devait pas rester grand-chose de disponible de lui, dans le circuit fermé…
Elle appuya quand même sur le Bouton.
Le mur s’ouvrit lentement. Dès que sa fente s’amorça, le salon fut empli par le parfum de la rose. Puis la fente s’élargit, mais sa hauteur était bien insuffisante pour la taille d’un homme, même assis. Et quand l’ouverture eut atteint son maximum, Mme Jonas, et Jim, qui avait deviné et qui regardait aussi, virent dans la niche un plateau d’argent, un peu plus grand que celui du poulet rôti.
Sur le plateau éclatait la blancheur des vêtements de M. Gé, soigneusement repassés et pliés, sa veste sur son pantalon, et, sur celle-ci, comme une délicate fleur funéraire, un petit slip bleu ciel.
Mme Jonas s’effondra. Jim se cacha le visage dans les mains.
Le mur se referma : Sainte-Anna reprenait ce qu’elle avait offert. C’était la première fois qu’elle agissait ainsi. Cela signifiait : « Je ne peux pas vous donner ce que vous m’avez demandé. Voici ce que je peux faire de plus approchant. Je sais parfaitement que cela ne peut pas vous donner satisfaction. Excusez-moi… »
Et le parfum de la rose s’évanouit.