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Les nombres les plus bas
Porter la caisse jusqu’à l’entrée du réfectoire prit plus de temps que Maul ne l’avait prévu.
Ils devaient enjamber les cadavres.
Le sol en était jonché. Partout où ils posaient les yeux, des détenus d’Engrenage Sept agonisaient, leurs visages se relâchaient, la vie les abandonnait et ils tombaient sans cérémonie sur les prisonniers qui avaient déjà succombé aux charges électrostatiques. Une odeur de mort flottait dans le pénitencier, qui se transformait peu à peu en crypte flottante. Le faucon griffu qui les guidait s’arrêtait de temps en temps sur un cadavre pour picorer un œil.
Le pénitencier n’était pas entièrement silencieux. Au fond des longs corridors qui menaient aux cellules, Maul entendait parfois monter un cri ou un appel au secours. C’étaient peut-être les hurlements de ceux qui n’étaient pas encore morts ou les cris de guerre des nouveaux détenus que Jabba avait libérés de la barge, ceux qui n’avaient pas de bombe dans le cœur. À un croisement, ils avaient entendu un déluge de tirs de blaster, aussi vif que bref, suivi par une symphonie de rires lunatiques.
La folie triomphait pour célébrer les dernières heures d’Engrenage Sept. À vingt mètres à peine, un groupe de prisonniers déboucha du réfectoire en portant une énorme cuve fumante de nourriture volée. C’étaient les derniers survivants des Rois des os et de Gravité massive, réunis en fin de parcours. Ils passèrent devant Maul et Eogan sans même leur jeter un regard. Personne ne les arrêta. Les derniers gardiens devaient s’être retranchés quelque part.
À moins que les hurlements ne soient les leurs ? Maul se demanda si les nouveaux arrivants détenaient le personnel et le torturaient lentement.
Ou ils avaient croisé la route du ver.
Tandis qu’ils traversaient l’espace dégagé, Eogan tentait de déchiffrer les numéros inscrits sur les uniformes des victimes pour avoir une idée de l’avancement du processus de destruction. Maul, tout en restant concentré sur sa tâche, se demandait aussi de combien de temps ils disposaient encore. Plus aucun match ne viendrait le sauver.
— L’infirmerie est par ici. Il n’est pas trop tard, le droïde chirurgical peut…
Maul s’arrêta pour invoquer ses sens et déterminer où se trouvait le Bando Gora à cet instant précis. Aux confins de sa sensibilité, il ressentit un malaise associé aux moments qu’il avait passés au sommet de la Tour LiMerge, quand il observait le Temple Jedi au loin.
Vosa est ici. Elle est très proche.
Il voulait à tout prix achever la mission de son Maître, mais la possibilité de mourir à cause d’une stupide décharge électrostatique dans ses cœurs, avant d’avoir l’occasion d’affronter la maudite ex-Jedi était insupportable, même pour Maul.
Au final, cette idée pesa plus lourd que tous les autres arguments.
— Allons à l’infirmerie alors, décréta-t-il avec un hochement de tête, ignorant le soulagement visible du garçon. Vite !