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Hangar

— Slipher, hein ? Depuis combien de temps travaillez-vous pour le CBI ?

Vesto Slipher jeta un œil au gardien de prison qui se tenait devant lui, en poste à la sortie du hangar principal d’Engrenage Sept. Slipher n’avait pas particulièrement envie d’engager la conversation avec cet homme, dont le badge annonçait qu’il s’appelait Dawson. Mais il ne semblait guère avoir le choix. Le gardien s’ennuyait et avait envie de faire causette. Son crâne était dégarni et une fine moustache grise formait un contraste détonant avec ses sourcils broussailleux, dont les poils rebelles semblaient préhensiles.

Slipher décida de lui faire plaisir.

— Cela fait longtemps que je suis au Clan Bancaire. Depuis que la banque détient la dette de votre pénitencier. C’est pour ça que j’inspecte les installations.

Il indiqua d’un mouvement du menton l’écoutille qui menait à la baie de chargement.

— Maintenant, si ça ne vous ennuie pas ?

— Attendez.

Dawson passa son badge devant le lecteur et entra un code d’accès. L’écoutille coulissa.

— Faites attention où vous mettez les pieds. L’équipe au sol prépare une arrivée de viande fraîche qui devrait être ici dans une heure environ, va falloir que vous fassiez vite.

— Pas de problème.

— Appelez-moi dès que vous voulez ressortir.

Quand Slipher passa près de lui, Dawson saisit le Muun par l’épaule.

— Oh et…

Slipher s’arrêta, un peu surpris.

— Oui ?

— Vous avez vu le dernier combat ? demanda le gardien avec un immense sourire. Jagannath qui s’attaquait à ce Weequay et son faucon griffu ?

— Je l’ai raté, malheureusement.

— Malheureusement, c’est le mot. C’est le meilleur match que j’ai vu depuis longtemps. J’ai gagné trois cents crédits grâce à ce salopard à peau rouge.

Il était ravi.

— J’vais vous dire, c’est peut-être un boulot dangereux, mais il y a de chouettes à-côtés.

Une pensée vint à Slipher.

— Vous êtes joueur, monsieur Dawson ?

— Moi ? ricana le gardien. C’est une blague ? Est-ce que le sarlacc vit dans un puits ?

— Peut-être qu’un amateur de sport comme vous ne dirait pas non à un petit extra de temps en temps ? Je pourrais vous dédommager.

Dawson lui jeta un regard méfiant.

— De quoi est-ce qu’on parle ?

— Rien qui risque de vous attirer des ennuis, bien sûr.

Simplement garder certaines informations pour vous et me rendre un service plus tard, si vous avez le temps.

— Quel genre de service ?

— Je vous le dirai en temps voulu, répondit Slipher en balayant la question d’un geste. À quelle fréquence recevez-vous des marchandises ici ? Toutes les semaines ?

— Habituellement, oui. Ils les déchargent avec les nouveaux détenus.

— Et les droïdes de levage binaires qui s’en occupent sont tous connectés en réseau avec le centre de données principal de la prison ?

Dawson passa une main sous sa casquette pour se gratter la tête.

— Ben, oui. On a quelques CLL-8 remis à neuf auxquels l’équipe du hangar doit accéder en direct, mais tout le reste est géré à distance depuis les étages supérieurs.

Il examina Slipher en plissant les yeux.

— Pourquoi ?

— J’essaie juste de mieux comprendre comment les choses sont gérées au jour le jour, prétexta Slipher en franchissant l’écoutille. Merci, gardien, vous avez été très utile. Je vous recontacterai.

— OK.

La baie de chargement s’étendait devant Slipher, véritable caverne d’acier. Slipher avança et dut s’écarter pour laisser passer l’opérateur de portique et divers membres de l’équipage au sol qui s’affairaient pour préparer l’arrivée imminente. Son haleine formait de petits nuages de brume. Il faisait nettement moins chaud ici, un froid glacé semblait s’élever du sol en acier. Slipher boutonna sa tunique autour de son cou et poursuivit sa progression. Les travailleurs regardaient dans sa direction, mais personne ne remit sa présence en question. Ils étaient sans doute déjà informés qu’un consultant du CBI réalisait un audit. Ce genre d’interférence était généralement accueilli par autant d’indifférence que d’anxiété.

Il lui fallut près de cinq minutes pour traverser la baie. Les imposants droïdes de levage binaires qu’avait mentionnés Dawson se tenaient sur le côté sans rien faire. Deux d’entre eux, de trois mètres de haut, étaient rangés contre le mur du fond en attendant les instructions. Ces modèles ne semblaient pas neufs, même si Slipher n’avait qu’une expérience limitée de ces unités.

Il s’arrêta devant celui qui paraissait le moins endommagé et leva la tête vers son unique photorécepteur.

— Es-tu équipé d’un programme analytique standard ?

Le droïde de levage émit un grognement d’assentiment.

— J’attends un paquet spécial qui arrivera avec la livraison d’aujourd’hui. Il me sera adressé directement : Vesto Slipher. Son contenu est strictement confidentiel et ne peut être soumis à aucun examen de routine ou processus de sécurité. Je te demande de m’avertir immédiatement de son arrivée. C’est compris ?

Le droïde émit un nouveau grognement digital.

— Tu garderas cette information pour toi et tu n’en feras pas rapport à ton superviseur. Cet ordre est autorisé par la carte de sécurité du CBI référence 377055. C’est compris ?

Le droïde se redressa d’un coup. Quelque chose cliqueta dans son circuit et ses photorécepteurs s’illuminèrent. La voix automatisée du programme d’articulation de l’appareil était légèrement rouillée.

— Affirmatif.

— Très bien. J’attends de tes nouvelles rapidement.