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LiMerge

— Lève-toi, mon Apprenti.

Quand Maul entendit cette voix, son pouls s’accéléra. Il se mit debout et regarda l’image holographique de son Maître.

Zéro avait tenu promesse. Moins de deux heures après que Maul avait réglé leur compte aux gangs, il avait reçu un message codé lui recommandant de se rendre dans un coin reculé de la morgue pénitentiaire, dans une pièce où les cadavres des détenus étaient stockés avant que l’on s’en débarrasse.

L’appareil l’attendait là.

Un transmetteur, monté et en état de marche.

Et, à présent…

L’image de Sidious se dressait devant lui. Les yeux jaunes du Seigneur Sith l’observaient sous le capuchon de sa cape. Quand il leva la main, ses robes en tissu de zeyd balayèrent le sol avec un froissement. En arrière-plan, de petits détails de l’intérieur de la Tour de LiMerge étaient reconnaissables. Maul était impressionné par l’excellente résolution de l’image. De seconde main ou non, la technologie de Zéro était de qualité supérieure.

— Maître.

Il prononça ces mots à haute voix, ou du moins tenta de le faire, mais sa voix resta coincée dans sa gorge.

— Tu as l’air en forme, mon Apprenti. J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt ton évolution parmi les résidents d’Engrenage Sept.

— Oui, Maître.

— J’ai constaté que, malgré les circonstances, au cours des affrontements avec les détenus, tu as bien pris soin de ne pas révéler tes véritables pouvoirs de Sith.

Maul décelait-il une pointe de sarcasme dans sa voix.

— C’est très clair, reprit Sidious.

— Vous voulez parler de l’affrontement le plus récent, hésita Maul. Le wampa…

— C’était un véritable défi, oui, je l’ai vu. L’envie d’invoquer sans réserve le pouvoir du Côté Obscur t’a sans doute traversé l’esprit ? Ou d’utiliser ton bâton de Force ?

Pressentant un piège, Maul nia poliment.

— Ma force vient de l’intérieur.

— Vraiment ? Je me pose la question…

Sidious l’étudia longuement avec une expression indéchiffrable.

— Maître…

— La fierté et l’estime de soi ne sont pas des récompenses qui se méritent une fois pour toutes. Le pouvoir des Sith doit se renforcer à chaque épreuve. Si tu te reposes sur tes exploits, tu inhiberas ta capacité à exploiter pleinement les ressources de colère et de discipline qui sont en toi.

— Oui, Maître.

— Dissimuler l’objectif de ta mission ne servira à rien, si tu meurs avant de l’accomplir.

Sidious se tut et l’examina d’un regard perçant.

— Mes mots sont-ils blessants ? Trouves-tu mon jugement injuste ?

— Non.

Le Seigneur Sith eut un mouvement de recul.

— J’attends beaucoup de toi, Dark Maul, parce que je suis le seul à comprendre le véritable potentiel du Côté Obscur.

— Merci, Maître. Mon seul souhait…

— Ça suffit.

Le visage de Sidious afficha une froideur glacée.

— Ta retenue, ton entraînement et ta discipline ont des limites. Quels progrès as-tu fait pour localiser Iram Radique ?

— J’ai intensifié mes recherches. J’ai mis au pas les gangs de la prison et j’ai accompli quelques avancées : j’ai découvert comment les membres des gangs servent Radique.

Maul soutint le regard de son Maître.

— Ce ne sera plus très long.

Il se tut un instant avant de poursuivre.

— Peut-être que si vous pouviez me confier le véritable enjeu de nos plans…

Sidious leva une main pour l’interrompre.

— Tu as toutes les informations nécessaires pour accomplir ta mission. Pour le moment, tout ce que tu dois savoir, c’est que nous continuons notre travail pour déstabiliser la Bordure Extérieure, encourager l’insurrection et les séparatismes.

Le Seigneur Sith prit une inspiration tout en soutenant le regard de Maul. Son air aurait pu passer pour de la compassion.

— Ta réputation de loyauté envers notre cause est fermement établie. Je suis conscient que jusqu’à présent tu es déçu du rôle que tu joues dans nos plans… Je sais que tu aurais préféré prendre une part plus cruciale dans l’opération Eriadu, par exemple.

Maul ne parvint pas à dissimuler sa surprise. Comment Sidious savait-il cela ? Son Maître s’était servi de droïdes de sécurité pour orchestrer en secret l’assassinat de six membres du Directoire lors du Sommet d’Eriadu et tenter de tuer le Chancelier Valorum. Maul n’avait pas compris pourquoi Sidious ne l’avait pas impliqué personnellement dans l’opération. Il croyait avoir bien caché sa déception, l’avoir enfouie si profondément que lui-même l’avait oubliée. Pourtant, son Maître avait vu clair.

— Je peux t’assurer que ce que tu es en train d’accomplir avec Iram Radique surpassera de loin toutes les tâches mineures que j’aurais pu te confier.

— Oui, Maître.

— Très bien, alors. Continue. Prends ce qui nous revient de droit. Le Côté Obscur est avec toi.

Maul voulut répondre, mais la vision de son Maître et du soi jonché de débris de la Tour de LiMerge commençait déjà à disparaître.

 

Dark Sidious s’éloigna de l’holotransmetteur, ouvrit les yeux et traversa l’étage pour se rendre au turbo-ascenseur de la Tour de LiMerge. Des pensées se bousculaient dans son esprit.

Comme toute mission impliquant Maul, la situation que Sidious créait sur Engrenage Sept était instable. Le Seigneur Sith ne se faisait aucune illusion sur l’ambition ou la fierté de son Apprenti. Il savait que ces éléments alimentaient la colère qui bouillonnait sans cesse en Maul et qui fermentait à mesure que son pouvoir augmentait.

Enfermé dans une allégeance indéfectible à leur cause, le cœur du Zabrak était un réacteur de rage pure.

Et cette rage allait bien lui servir.

Oui. Quand Sidious repensait aux années d’entraînement que Maul avait endurées, prouvant sans cesse sa valeur face au pire de ce que la galaxie avait à offrir, il était fier de la ténacité et du courage de son Apprenti. Par définition, Engrenage Sept était un environnement dans lequel personne ne pouvait survivre. Pourtant, sans recourir à la Force, Maul avait déjà conquis une place dominante. Malgré ce que Sidious avait dit à Maul, il ressentait de plus en plus de respect pour les exploits de son Apprenti. Avec le temps, ses capacités continueraient à servir Sidious mieux qu’il ne pouvait l’imaginer.

Il sortit du bâtiment pour héler un speeder afin de rejoindre le quartier du Sénat. Ses inquiétudes étaient déjà retombées. Il était encore tôt et son agenda pour la journée, en tant que Palpatine, était plein.

Le taxi aérien fonça droit vers lui, s’arrêta net et, quand l’écoutille s’ouvrit, Sidious réalisa, surpris, qu’il n’était pas vide. Hego Damask l’attendait à l’intérieur.

— Dark Sidious, lança-t-il en lui indiquant le siège libre à côté de lui. Voulez-vous vous joindre à moi ?

Palpatine jeta un œil en direction du cockpit du taxi, mais Damask lui adressa un hochement de tête rassurant.

— J’ai mis hors-service l’équipement de surveillance, nous pouvons donc parler librement. D’égal à égal.

— Cela va de soi.

Dark Sidious se glissa sans hésiter à côté du Muun, affichant une expression de surprise ravie.

— C’est toujours un plaisir de vous retrouver, quelles que soient les circonstances.

— Oui.

À travers son masque, Dark Plagueis esquissa un sourire.

— Je sais que nous avions prévu de nous retrouver plus tard sur la place des Monuments pour notre promenade habituelle, mais j’ai dû changer mon emploi du temps à la dernière minute. J’ai pensé qu’il valait mieux que nous nous voyions maintenant.

Il se tourna vers Sidious pour jeter un bref regard en direction de la Tour de LiMerge.

— J’imagine que vous avez été en contact avec le Zabrak ?

— En fait, je viens de…

— Vous m’avez confié que vous l’aviez envoyé sur Engrenage Sept pour trouver ce marchand d’armes insaisissable…

— Iram Radique, oui.

Sidious prenait garde à paraître le plus détendu possible, même s’il était intrigué. Dark Plagueis n’était au courant que des grandes lignes du travail actuel de Dark Sidious visant à déstabiliser les planètes de la Bordure Extérieure et à orchestrer une Guerre Civile Galactique. Il posait rarement des questions spécifiques sur la provenance des armes ou sur la manière dont Sidious comptait s’en servir pour mettre à exécution le Grand Plan.

— Ce Radique, poursuivit Plagueis du même ton détaché en regardant par la fenêtre l’avenue des Fondateurs du Noyau, on dit que c’est l’un des marchands d’armes les plus puissants de la galaxie. C’est bien ça ?

Sidious sentit une chaleur inopportune irradier de sa nuque pour gagner ses joues et son front.

— Radique est aussi dangereux qu’imprévisible. C’est pourquoi j’ai envoyé Maul l’assassiner.

— Je vois.

Sidious se pencha légèrement en avant pour tenter de croiser le regard de Plagueis.

— Je voulais vous en informer. Ma mission là-bas…

— J’ai une confiance absolue en votre capacité à la mener à bien, compléta Plagueis en posant une main sur l’épaule de Sidious. Je dois vous féliciter pour votre prévoyance et votre engagement envers notre objectif final, Dark Sidious. Comme vous l’avez sans doute deviné, avec mes propres obligations qui ne cessent d’augmenter… mes projets personnels sur Sojourn… Cela me soulage grandement de ne pas devoir surveiller les moyens précis que vous utilisez pour atteindre notre objectif commun.

— Oui, bien sûr.

Sidious l’observa, intrigué. Qu’est-ce que Plagueis cherchait à lui dire exactement ? Le Muun avait-il des soupçons au sujet de ce que Sidious espérait accomplir en envoyant Maul sur Engrenage Sept ? Ou Plagueis cherchait-il simplement à le sonder pour obtenir plus de détails ?

Plagueis se laissa retomber contre la banquette avec un soupir.

— Eh bien, au revoir, alors.

Le taxi aérien se posa et Sidious réalisa qu’ils avaient rejoint la Rotonde du Sénat. L’écoutille se déverrouilla avec un léger chuintement et, alors qu’il sortait, Plagueis le retint par le poignet.

— Encore une chose, dit-il avec le même détachement cordial. Je voulais ajouter que tout ce que vous avez dit sur Engrenage Sept a piqué mon intérêt.

Sidious sentit sa gorge se serrer.

— Ah bon ? Comment ça ?

— J’ai parlé à un de mes contacts du CBI et je lui ai demandé d’envoyer un consultant financier là-bas, sous prétexte d’un audit trimestriel de routine : un certain Vesto Slipher. Il me fera rapport directement.

Derrière son masque, le sourire de Plagueis n’était qu’amabilité diplomatique.

— Peut-être pourrai-je vous aider à débusquer ce marchand d’armes insaisissable, au final.

La gorge de Sidious se serra un peu plus.

— C’est… très prévenant de votre part.

— Je sais que nous travaillons ensemble sur ce projet, d’égal à égal.

Plagueis retira sa main.

Il examinait encore Sidious quand l’écoutille du taxi se referma et que le véhicule s’éleva, laissant Sidious seul sur la place du Sénat.