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Salle de garde

Hootkins était un gardien ventripotent et Smight sentait l’odeur de sa transpiration.

— Alors ? Qu’est-ce qui se passe ?

Hootkins ne répondit pas. Il reposa violemment son verre de jus de Rancor et appuya une de ses grosses paluches contre le mur dans son dos. Smight trépignait d’impatience. Il faisait de plus en plus chaud dans cette salle, il y avait trop de corps dans un espace confiné : pourquoi la directrice les avait-elle tous réunis ?

Il attendit en faisant de petits bonds nerveux, tandis que Hootkins jetait un œil au collègue à sa droite, Logovik, une catastrophe ambulante, plus nerveux que jamais. Smight ne connaissait le nom que de ceux qui travaillaient en même temps que lui : Stubens, Merrill, Glant. Il n’avait pas encore retenu ceux des autres. Cela n’avait pas d’importance de toute façon, personne ne lui adressait la parole.

Pas encore.

Quand la directrice les avait convoqués dans cette salle, en précisant que les uniformes et les armes n’étaient pas nécessaires, Smight avait pris le temps de sniffer un demi-gramme de glitterstim de sa réserve privée. Le stim renforçait sa confiance et lui donnait une sorte d’énergie télépathique qui amplifiait tout, comme si – dzing ! – un sabre invisible était dégainé et enfoncé dans ses narines. Sans parler du courage que ça lui donnait pour les aspects moins légaux de son boulot, du genre aller rencontrer le détenu à peau rouge, 11240, seul à seul dans sa cellule, par exemple. Ou la mission qu’ils venaient d’accomplir dans l’usine. Cela lui donnait l’impression d’être le roi de la galaxie.

En réalité, Smight adorait les épices. Faire passer sa réserve à l’intérieur d’Engrenage Sept avait été plus facile qu’il ne l’aurait cru et il avait même réussi à en revendre un peu aux autres gardiens. Ça lui avait permis de se faire rapidement des amis. Dommage qu’il n’avait pas eu l’occasion d’en proposer à Hootkins, le stim aurait pu aider ce gros loser à perdre du poids.

Smight tambourina des doigts sur la table. L’un des effets secondaires du stim était la nervosité. Il était prêt à foncer, alors que tout semblait prendre du temps.

— C’est quoi le problème, les gars ? Vous ne croyez quand même pas que…

— La ferme, l’interrompit Hootkins sans même le regarder.

Le gros lard avait l’oreille collée contre le mur. Il écouta un long moment, puis se tourna vers Logovik.

— Ouais, ça aura lieu. C’est pas majeur, mais c’est en train de se passer en ce moment.

— Qu’est-ce qui aura lieu ? voulut savoir Smight. Qu’est-ce qui est en train de se passer ?

— La directrice reconfigure la prison.

— Quoi, maintenant ? s’étonna Smight en jetant un œil à son chrono. Le prochain match n’est pas prévu avant…

L’écoutille principale coulissa dans un bourdonnement et Blirr entra, suivie de près par son droïde administratif. Elle s’arrêta, observa les visages et sourit.

— Bonjour, messieurs. Je voudrais vous remercier d’être venus si vite.

Les gardiens se redressèrent. Logovik émit un grognement et quelques autres offrirent des salutations enthousiastes. Sadiki Blirr n’était pas particulièrement populaire auprès de ses hommes. Certains la trouvaient séduisante, mais elle laissait Smight indifférent. Les épices avaient éteint cet interrupteur dans son cerveau, pour le moment du moins. Il en était ravi. À l’intérieur d’un pénitencier, moins on a de distractions, mieux on se porte.

— Je suis sûre que vous vous demandez ce que vous faites ici, commença Sadiki, je ne vais donc pas vous faire perdre de temps.

Elle se tourna vers le droïde.

— 3D, est-ce que la communication est établie ?

— Oui, directrice.

— Eh bien, vas-y.

Elle adressa un signe aux gardiens rassemblés au fond de la pièce.

— Si ça ne vous dérange pas de vous écarter un peu, je pense que nous allons avoir besoin d’un maximum d’espace.

Ils dégagèrent tout un coin de la pièce, tandis que l’holoprojecteur du droïde s’allumait en vacillant.

Smight se demanda pendant un moment si ce qu’il avait sous les yeux était réel ou un effet secondaire du stim. L’énorme masse de son employeur prenait forme dans un coin de la pièce, à quelques mètres à peine. Smight regarda bouche bée l’immense queue de Jabba Desilijic Tiure tandis que le Hutt balayait l’assemblée du regard.

— Bonjour, Jabba, déclara Sadiki, je vous remercie de me consacrer une partie de votre emploi du temps chargé.

— Sadiki Blirr…

La bouche du baron du crime s’ouvrit juste assez pour permettre à sa langue de glisser sur sa lèvre supérieure d’un air lascif.

— Le jour où vous en aurez assez de diriger cette prison, je serais ravi de faire de vous une de mes esclaves !

— Quelle généreuse proposition, répliqua Sadiki avec amabilité. Malheureusement, je vais devoir la décliner, pour le moment.

— Que me vaut cet honneur ?

Sadiki indiqua d’un geste les gardiens qui s’étaient rangés d’un coup au garde-à-vous.

— Je pense que certains de vos hommes sont ici.