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Clarté

Minuit, à la morgue.

Maul s’était retrouvé ici après le dernier match. Personne n’avait essayé de l’aborder en chemin. Quelque chose avait changé au cours des quelques heures qui s’étaient écoulées après l’exécution de Novi – la polarité de la population carcérale avait changé du tout au tout. Les autres détenus, les membres de gangs compris, même les gardes, l’évitaient complètement. Pas tant par peur ou par respect que par instinct de survie, exactement comme un troupeau d’animaux se tient à l’écart de celui ou celle qui porte une infection mortelle. On aurait dit qu’ils sentaient ce que Maul avait fait et que ce choix l’avait condamné à une mort certaine.

Cela lui était égal. Son geste lui permettrait de se rapprocher de Radique, rien d’autre n’avait d’importance.

Il s’agenouilla devant l’image de l’holoprojecteur et inclina la tête face à son Maître.

— Mon Seigneur, j’ai continué à m’efforcer…

— Ça suffit, l’interrompit Sidious, irrité. Pourquoi mets-tu ma patience à l’épreuve, mon Apprenti ? Pourquoi persistes-tu à t’humilier en me faisant attendre des réponses que tu aurais dû obtenir il y a des jours de cela ?

Maul plissa les yeux pour tenter d’y voir plus clair. Via l’holoprojecteur bricolé, Sidious donnait l’impression de se tenir à des kilomètres au-dessus de lui. Pourtant, sa présence était écrasante, un poids impossible à soulever. La question était apparemment rhétorique.

— J’essaie, Maître. Le chemin est semé d’embûches.

— Tu oses faire appel à des prétextes pour te justifier ? gronda la voix de Sidious dans la tête de Maul. Après les années que j’ai passées à te former ? À affûter tes compétences, à te préparer à toutes les éventualités, à t’entraîner à la survie, à l’endurance et au combat ? Combien de fois m’as-tu supplié de te laisser une chance de jouer un rôle dans le Grand Plan ?

— Et je vous en suis très reconnaissant. Ma loyauté est indéfectible, je la garantis de ma vie…

— Les déclarations de loyauté ne valent rien sans victoire.

Les paroles de Sidious exsudaient la cruauté.

— La théorie ne m’intéresse pas, reprit-il. Le temps est compté. Est-ce clair ?

— Oui, Maître.

— Je n’en ai pas l’impression. Je me demande aussi si le moment n’est pas venu pour moi de me trouver un autre Apprenti qui se montrerait à la hauteur de l’honneur qui lui est accordé.

Maul se raidit et se redressa.

— Non !

— Alors, prouve-moi que tu es digne de la tâche. Cesse de me faire perdre mon temps avec des promesses creuses et accomplis la mission que je t’ai confiée.

— Maître, si seulement j’avais l’autorisation d’invoquer le pouvoir du Côté Obscur…

Sa pensée fut arrêtée net. Maul sentit une main invisible lui serrer la gorge et bloquer sa trachée. Il tituba et tomba à genoux sur le sol glacé de la morgue.

— Je t’ai donné tout ce qu’il te fallait et plus encore. Tu bénéficies d’avantages physiques incomparables dont rêveraient les combattants inférieurs. Et tu sais parfaitement qu’elles seraient les conséquences si tu révélais tes véritables aptitudes du Côté Obscur, surtout à ce stade. Énormément de regards sont braqués sur toi. Tu n’es pas le seul sur Engrenage Sept à chercher Radique.

— Bien, Maître.

— Ne me fais pas attendre plus longtemps. Trouve-le et prends les arrangements nécessaires.

Maul réussit juste à faire un signe de tête étranglé pour montrer qu’il avait compris et la pression se relâcha d’un coup. Aussi vite qu’elle s’était matérialisée, l’image de l’holoprojecteur s’éteignit et Sidious disparut, dévoré par le vide au milieu duquel il était apparu.

Maul tomba au sol et posa le front sur l’acier froid. Jamais il n’avait senti de la part du Seigneur Noir une telle urgence, une telle détermination écrasante, alimentée par… par quoi ? Son Maître était-il inquiet pour une autre raison, un danger que le Seigneur Sidious n’avait pas partagé avec Maul ? L’idée le mettait mal à l’aise, comme toujours.

Il garda la tête baissée, attendant des réponses qui ne venaient pas. Il resta dans cette position longtemps, tandis que la tension s’accumulait dans ses muscles profonds. Il serra les poings et la mâchoire, raidit tout son corps. La rage bouillonnait déjà en lui. Et comme toujours, il l’accueillit à bras ouverts en aspirant des bouffées d’air frais dans ses poumons. Quand tout le reste le trahissait, la rage était là, compagne solitaire.

Il se releva et se tint bien droit. Sa poitrine le brûlait, ses muscles étaient douloureux, sa tête cognait et un râle s’échappait de ses poumons.

Maître, je me consacre à vous.

L’écoutille coulissa. Maul la franchit. C’était là qu’ils l’attendaient, dans le couloir. Il était pris complètement au dépourvu et eut à peine le temps de comprendre ce qui lui arrivait.

Qu’est-ce que… ?

Une violente explosion noire et rouge détona sous ses yeux et il perdit connaissance.