Tu penses que je devrais me tuer?

Si tu en as le courage. Cela vaudra mieux que les vautours. Sers-toi de la dague, Blade.

Elle le laissa. Blade resta un moment plongé dans ses pensées avant de se servir de la dague. Mais pas comme Lisma l'avait suggéré.

Il prit une longue perche, arrachée à l'armature de son lit de camp, et y fixa la dague avec des lanières de cuir. Cela formait une lance rudimentaire.

Il ranima son feu et y jeta du bois. Quand il eut bien pris, il le recouvrit de bois vert, pour faire de la fumée, et sortit sur le plateau rocheux. Le vent était vif, soufflant du nord comme d'ordinaire, et le jour commençait à baisser. Il n'y avait plus qu'une heure avant le coucher du soleil. Un homme de cuir plana tout près et le scruta de ses yeux durs avant de disparaître sous le rebord du précipice.

Au-delà de ces sommets s'étendait la côte, la mer Etroite avec ses criques et ses plages, et Blade savait qu'il y trouverait des cadavres. Donc une cuirasse et des armes. Les Hitts ne se donnaient pas la peine d'enterrer les gens du commun. S'il parvenait à gagner la côte, ou même à s'en rapprocher, il serait sauvé, peut-être. Il aurait une chance. Mais il devait partir immédiatement. D'un instant à l'autre Loth Bloodax risquait d'interrompre ses réflexions et de passer à l'action.

Alors que le soleil allait disparaître, la trappe s'ouvrit. Blade sentit son estomac se crisper et il retint sa respiration. Venaient-ils le chercher? Il tendit une main vers sa lance de fortune. S'ils venaient, il les combattrait, car une fois ligoté et impuissant il ne serait plus que de la pâture à vautours.

Une main apparut, qui poussa une écuelle et un pichet d'eau sur le rocher et disparut. La trappe claqua. Blade respira. Il but l'eau et dévora le repas, ne sachant trop quand il pourrait de nouveau manger et boire. La lune était difforme et semblait gratter sa bosse contre un pic pointu. Il devait partir avant que le clair de lune devienne trop brillant. A sa connaissance, les hommes de cuir ne volaient jamais de nuit, mais il ne pouvait en être certain.

Il se mit au travail. Le ballon était terminé, cousu aussi serré qu'il l'avait pu, et s'il devait fatalement y avoir quelques fuites, il pensait qu'il s'élèverait. Il l'espérait. Il le faudrait. Le piton, ce phallus de grès sur lequel il se trouvait, tombait à pic sur cent cinquante mètres. Une bien longue chute!