Blade devina alors la vérité, et il l'exprima car cela venait à point et convenait parfaitement à son plan. Il instilla du dédain dans sa voix :
— Bloodax et toi, vous êtes à peu près du même âge. Tu étais jeune alors, et sans aucun doute le fils d'un chef. Comment se fait-il que tu n'aies pas sauté, Galligantus?
Blade perçut derrière lui une exclamation étouffée, dépitée. L'homme était très près de lui. Il attendit le coup d'épée, mais il ne vint pas. Il reprit précipitamment la parole. Il était engagé, maintenant, l'occasion était trop belle, mais il devait prendre garde de ne pas être blessé. Sinon il ne vivrait pas pour raconter son mensonge.
— Je te comprends, dit-il avec juste ce qu'il fallait de dérision. C'est un bond effroyable.
Je ne m'y risquerais pas. Mais les lâches vivent plus longtemps que les braves. Cependant, la rancœur a dû te ronger pendant toutes ces années...
Une sourde exclamation jaillit de la gorge du Hitt. Il bondit en levant son épée.
— Aucun homme et aucun dieu ne peuvent me parler ainsi! Je vais...
Blade se baissa brusquement et saisit les jambes de Galligantus entre la cheville et le genou. L'épée siffla au-dessus de lui. Il se redressa comme un ressort et balança le Hitt par-dessus ses épaules dans le gouffre.
Galligantus poussa un seul cri affreux, qui ne rendit aucun écho. Blade attendit, tendit l'oreille mais n'entendit pas le moindre son.
Il s'examina avec soin à la lueur de la torche. Il ne portait aucune blessure, à part celle de la bataille, qui était maintenant cicatrisée et que l'on connaissait. Lisma elle-même l'avait baignée et ointe. Il repartit dans le souterrain, mais s'arrêta bientôt et revint sur ses pas pour contempler à nouveau la femme nue sur son socle.
Janina... Elle n'était pas morte. Elle vivait. Pour Blade, elle était vivante, et il la désirait plus que jamais. Comment il l'aurait il n'en savait rien, ni comment ni quand, mais il devait l'avoir. Elle le contemplait, au-delà du sombre abîme en tendant les bras. Ce fut alors qu'il la
vit bouger et lui faire signe. Ses lèvres s'écartèrent. Les mots lui parvinrent, d'une douceur ineffable :
— Viens à moi.
Blade leva sa torche pour la saluer.
— Avec le temps, Janina. Avec le temps.