Thane reprit brusquement son sérieux. Il examina Blade, puis il sourit et abattit son poing sur la table, ce qui fit jaillir le vin des coupes.

— Deux pontons, hein? Un qui sera une ruse, un leurre, et l'autre sous l'eau? Par tous les dieux, je n'avais jamais pensé à ça ! Cela pourrait marcher. Ce sera difficile, mais c'est faisable. C'est un défi et je le relèverai... dès que je serai dégrisé.

— Quand?

Thane leva son hanap.

— Dans un jour ou deux. Je bois à la mémoire de l'Izmir dont je porte le deuil.

Blade sourit.

— Le prétexte en vaut un autre.

— Oui. Quand le moment viendra, je te construirai tes deux pontons. Mais il y aura un prix à payer.

— Nomme-le, Thane.

Le Hitt posa les deux coudes sur la table et se pencha vers Blade. Son haleine était empuantie par le vin. Il cligna des yeux.

— Est-ce qu'Ogier t'a dit pourquoi j'ai fui mon pays?

— Comment l'aurais-je pu? intervint le capitaine. Tu ne me l'as jamais raconté !

Thane parut perplexe et gratta sa crinière

jaune.

— Ah non? Non, sans doute pas. J'étais trop occupé à sauver ma tête. Enfin, peu importe... Voici la vérité. Il y avait une femme. Elle s'appelait Trosa et elle était l'épouse de Galligantus, le premier capitaine de Loth Bloodax. Mais elle était d'abord à moi, et elle m'aimait comme je l'aimais. Mais quand Galligantus l'a voulue et l'a demandée, elle lui a été donnée. Je n'ai rien eu à dire. Loth Bloodax règne sur les Hitts. J'ai proposé de me battre pour elle, mais Bloodax n'a pas voulu le permettre parce que, bien entendu, il savait que je tuerais Galligantus et qu'il perdrait un grand capitaine. Alors j'ai dû renoncer à ma bien-aimée Trosa. Mais en apparence seulement, si vous me comprenez bien.

Blade et Ogier échangèrent un regard. Blade hocha la tête.

— Je crois te comprendre, Thane. L'histoire est quelque peu familière.

— Ah oui? C'est possible, mais elle ne l'était pas pour moi. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas totalement renoncé à ma Trosa. Chaque fois que Galligantus s'absentait, j'étais dans son lit. Je ne sais pourquoi, mais c'était plus doux ainsi.