29.

— Agent spécial Menk, mandaté par le chef du palais Hénat. J'ai des questions à vous poser.

L'agressivité de cet homme élégant, plutôt sympathique, surprit le capitaine du Scarabée. Faisant escale à deux journées de navigation de Memphis, il ne s'attendait pas à ce contrôle inopiné. Après avoir déposé l'ensemble de ses passagers en Moyenne-Égypte et embarqué trois hauts fonctionnaires pressés de regagner le centre économique du pays, il songeait déjà à son prochain voyage.

— Je vous écoute.

— Lors de votre dernier déplacement, vous aviez plusieurs personnalités à votre bord.

— En effet, un inspecteur des digues et quatre nobles dames, dont une riche maîtresse de domaine, assistée de son intendant et de son porteur de sandales.

— Son nom ?

— La dame Néféret.

— La connaissiez-vous ?

— Non, je la voyais pour la première fois. Elle possède son propre bateau, mais voulait goûter aux charmes d'une agréable compagnie.

— Des incidents?

— Si peu...

— Précisez !

126

LA DIVINE ADORATRICE

— La dame Néféret et ses serviteurs ont quitté mon bateau à l'escale du Fayoum, avant leur destination prévue.

— Explication?

— Des problèmes de gestion, à Memphis. Néféret souhaitait revoir l'une de ses propriétés dans la région.

Menk en était persuadé : Nitis voyageait sous un faux nom.

Le scribe Kel et un complice l'accompagnaient.

— À l'avenir, capitaine, soumettez-vous aux contrôles de police obligatoires. Sinon, vous aurez de graves ennuis.

Shédit, capitale de la province du Fayoum, Menk espé-

rait retrouver la trace des fuyards. Il ne fut pas déçu. Les habitants ne parlaient que du grave incident survenu au lac de Sobek.

Menk se rendit au temple où le grand prêtre, à l'étrange visage évoquant celui d'un reptile, le reçut fort courtoisement.

— Je suis au service du chef du palais royal et je souhaite vous aider. Que s'est-il passé ?

— Les ritualistes chargés de veiller au bien-être du crocodile sacré ont été sauvagement agressés par une bande de malfaiteurs. Seuls leur courage et la protection du dieu leur permirent d'échapper à la mort.

— J'aimerais les interroger.

— Ils sont encore bien faibles et...

— Leur témoignage est capital. Il faut arrêter au plus vite ces bandits, avant qu'ils n'agressent d'autres innocents.

Menk eut droit à un pénible concert de plaintes et de gémissements. Heureusement, le prêtre qui avait été au contact des malfaiteurs retrouva son calme et donna des précisions.

— Très belle, la femme prétendait être une prêtresse de Neit. Elle voulait solliciter l'aide de Sobek.

— Autorisation accordée ?

— Impossible ! Nous seuls nourrissons le grand poisson 1

aucun profane ne saurait l'approcher.

1. Pour les Égyptiens, le crocodile appartenait à cette espèce 127

LA VENGEANCE DES DIEUX

— Une prêtresse de Neit n'est pas une profane.

— Certes, certes... Néanmoins, impossible. Face à mon refus inflexible, cette femme diabolique a ordonné à ses deux serviteurs de me frapper à coups de bâton !

— Décrivez-les-moi.

— Deux géants, des démons surgis des ténèbres ! Même à vingt, nous n'aurions pas réussi à les terrasser.

— C'est curieux, vous ne semblez pas blessé.

— Le dieu les a empêchés de nuire ! Quand le crocodile est venu à mon secours, les agresseurs se sont éloignés.

— Vos collègues n'ont-ils pas essayé de les intercepter?

— Vaine tentative ! En dépit de leur bravoure, les deux géants les ont terrassés. Nous demandons au palais de fortes indemnités. Notre domaine a été saccagé, et plusieurs prêtres souffriront longtemps de leurs plaies. Le grand prêtre de Shédit rédigera un rapport circonstancié.

— Il sera soigneusement étudié, promit Menk.

L'affabulateur continua à divaguer, insistant sur son extraordinaire vaillance et le montant de sa nécessaire rétribution.

Menk ne l'écoutait plus, certain que cette prêtresse de Neit était bien Nitis, aux ordres du scribe Kel S'étaient-ils réfugiés au Fayoum ? Peu probable, puisqu'ils devaient atteindre Thèbes au plus vite et contacter la Divine Adoratrice.

L'enquêteur se rendit donc au port afin d'y interroger dockers, marins et marchands. Ceux-ci se montrèrent peu coopératifs, et il ne recueillit aucun renseignement digne d'in-térêt. L'arrogance d'un capitaine de bateau de marchandises lui mit les nerfs à vif.

— Toi, mon gaillard, tu en sais long. Emparez-vous de lui, ordonna Menk aux mercenaires.

— C'est illégal ! Vous n'avez pas le droit de...

— J'ai tous les droits.

Le marin fut ceinturé, ligoté et plaqué au sol.

— Je veux la vérité, exigea Menk avec une froideur 128

LA DIVINE ADORATRICE

impressionnante. Si tu refuses de parler, tu finiras au fond du Nil.

Le capitaine prit la menace au sérieux.

— J'ai vu une femme, deux hommes et un âne, en effet.

— T'ont-ils parlé ?

— Pas longtemps.

— Que t'ont-ils demandé ?

— Ils souhaitaient aller vers le sud. Moi, je ne prends jamais de passagers. La conversation s'est arrêtée là.

Furieux, Menk serra la gorge du prisonnier.

— Tu mens ! Tu les as aidés, n'est-ce pas ?

— Ils... ils m'ont offert un lapis-lazuli ! Alors, comment refuser ? Je leur ai vendu une grande barque, équipée d'une voile. Grande, mais pourrie. lis n'iront pas très loin. Maintenant, vous savez tout.

Terrorisé, le marin suait à grosses gouttes.

Ce fou mettrait-il sa menace à exécution?

— Si tu t'es moqué de moi, dit Menk d'une voix coupante, nous reviendrons. Et tu n'auras plus jamais l'occasion de mentir.

La divine adoratrice - Tome 2
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