28.

Assisté de cinq mercenaires d'élite rompus à tous les modes de combat, Menk interrogeait longuement les fonctionnaires du port de Memphis chargés de la rotation des bateaux.

L'organisateur des fêtes de Saïs n'avait qu'une idée en tête : retrouver la belle Nitis et supprimer le scribe Kel. Les autorités l'encenseraient, le pharaon lui offrirait un poste majeur à la cour et il épouserait une femme sublime qui apprendrait à l'aimer.

Les scribes égyptiens n'usurpaient pas leur réputation.

Les dossiers administratifs étaient remarquablement tenus et permettaient une consultation rapide. Nom de chaque bateau, destination, heure de départ, noms des membres d'équipage, des passagers et de l'officier de police chargé de les contrôler, liste détaillée des marchandises embarquées, escales.

Une anomalie attira l'attention de Menk.

Un bateau de luxe, le Scarabée, semblait avoir bénéficié d'un passe-droit.

— Il manque le nom du policier, dit-il au chef de service.

— En effet, reconnut le fonctionnaire.

— Simple oubli ?

— Pas tout à fait.

— Expliquez-vous.

— C'est un peu délicat...

121

LA VENGEANCE DES DIEUX

— J'enquête sur ordre du directeur du palais, rappela Menk, et j'exige votre collaboration pleine et entière.

Mieux valait ne pas mécontenter les émissaires de Hénat.

— Le Scarabée ne transporte que des personnes de qualité et le capitaine, un parfait honnête homme, se porte garant de leur honorabilité. Un contrôle formel n'a pas paru nécessaire.

Vous disposez néanmoins de la liste des passagers. Un inspecteur des digues, et quatre grandes dames dont une maîtresse de domaine accompagnée de son intendant et d'un porte-sandales.

Apparemment, rien d'anormal. De plus, le bateau n'allait pas jusqu'à Thèbes.

Pourtant, Menk eut envie d'interroger le capitaine du Scarabée.

***

La capitale du Fayoum, Shédit', était un gros bourg agricole vivant paisiblement au rythme des saisons et des récoltes. On y mangeait bien et l'on y buvait de l'excellente bière. Cette halte réconforta Bébon qui avait modérément apprécié la rencontre du cobra et du gardien du labyrinthe.

il préférait l'atmosphère d'une chaleureuse auberge à celle d'un temple refermé sur lui-même. Difficile, cependant, de se détendre en songeant que le juge Gem ne cesserait pas de les pourchasser !

— J'aimerais voir le lac de Sobek, dit le comédien à l'aubergiste.

— Ce n'est pas loin d'ici, mon garçon, mais sois prudent !

Le dieu n'aime guère être dérangé. Il n'apprécie ni les Intrus ni les nouvelles têtes. Nous, à Shédit, on se contente de sa protection et on ne tient pas à l'observer de près.

— Merci du conseil.

Munis des indications nécessaires, Nitis, Kel et Bébon 1. La Crocodilopolis des Grecs.

122

LA DIVINE ADORATRICE

trouvèrent aisément le chemin du lac de Sobek. Alors qu'ils apercevaient le plan d'eau, entouré de sycomores, d'acacias et de jujubiers, un prêtre leur barra la route.

— Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

— Je suis une prêtresse de la déesse Neit de Saïs, accompagnée de deux ritualistes. Nous venons rendre hommage à Sobek qu'elle a allaité pour qu'il dispose de la puissance des origines.

Méfiant, le prêtre posa une série de questions théologiques à la jeune femme. La qualité de ses réponses le rassura.

— Vous devrez patienter. Le dieu se repose, et nous ne le nourrissons qu'à la huitième heure du jour.

Les visiteurs s'assirent au bord du lac. Vent du Nord dégusta de l'herbe fraîche.

Le prêtre, lui, s'entretint avec ses collègues.

— Une prêtresse de Neit et deux hommes... L'un d'eux serait peut-être le scribe Kel !

— D'après la dernière mise en garde de la police, rappela le doyen, elle recherche un couple.

— Un acolyte les aide ! Ce trio de criminels est particuliè-

rement redoutable. Nous sommes en danger!

— II faut prévenir les autorités.

— S'ils voient l'un de nous s'enfuir, ils le tueront !

— Que proposes-tu ?

— Le dieu Sobek nous aidera.

— Tu penses à...

— II nous débarrassera d'au moins l'un des trois. Ébranlés, ses complices deviendront vulnérables. Nous les assommerons à coups de bâton.

Les collègues approuvèrent.

— Restez cachés, je m'occupe de nos hôtes.

Le prêtre apporta de la viande, des gâteaux, du pain et du vin.

— Le dieu ne tardera pas à apparaître, dit-il à Nitis. Désirez-vous nourrir Celui-au-beau-visage et lui rendre hommage au nom de la déesse Neit ?

123

LA VENGEANCE DES DIEUX

La jeune femme prit le plateau d'offrandes et se plaça à l'endroit indiqué par le serviteur de Sobek, qui récita une litanie.

À la dernière invocation apparut un énorme crocodile. Sa taille impressionna Bébon, et la beauté de sa tête hideuse, aux yeux cruels, ne l'éblouit pas.

Soudain, les mâchoires s'ouvrirent, menaçantes.

— Approchez-vous sans crainte, recommanda le prêtre à Nitis. Parlez-lui et versez la nourriture dans sa gueule.

L'homme avait oublié de préciser un détail : reconnaissant ses bienfaiteurs à leur voix, le monstre ne les dévorait pas. Les intrus, en revanche, formaient d'excellentes proies.

La nervosité du prêtre intrigua Kel. Impatient, il semblait pressé d'en finir.

— Attends, Nitis !

Trop tard.

Elle était à portée de Sobek.

— Je suis venue te demander ton aide, dit-elle avec un calme incroyable. Toi que Neit a allaité, donne-moi l'arme nécessaire pour continuer ma route.

La gueule s'ouvrit encore plus grande, les mâchoires allaient se refermer sur les jambes de l'inconnue.

D'un geste élégant et précis, Nitis nourrit le dieu.

Abasourdi, le prêtre recula et se heurta à Bébon.

— Reste ici, ordonna-t-il. Tu n'aurais pas cherché à nous piéger, petit malin ?

Rassasié, le crocodile plongea.

— Que manigances-tu ? demanda le comédien à son prisonnier, en proie à une crise de nerfs.

— Impossible... Le crocodile... Il aurait dû...

— Dévorer la prêtresse, c'est ça ? Je vais te fracasser le crâne, mon bonhomme !

Armés de bâtons, les autres prêtres surgirent.

— Et voilà le reste de la bande !

— Rendez-vous, exigea le doyen, ou vous périrez sous le nombre.

124

LA DIVINE ADORATRICE

Dans une gerbe d'eau, le crocodile remonta à la surface, revint vers Nitis, ouvrit sa gueule et déposa sur la berge un arc en bois d'acacia et deux flèches, symboles de la déesse Neit.

La prêtresse tendit l'arc et visa les prêtres.

Épouvantés, ils détalèrent.

La divine adoratrice - Tome 2
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