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Organisateur des fêtes de Saïs, capitale d'une dynastie brillante, Menk mourait d'inquiétude. Lui d'ordinaire charmeur et affable affichait une triste mine. Pourtant, il menait à bien la mission confiée par le roi : parfaire le déroulement des grands rituels de Memphis en compagnie des prêtres de Ptah et de Hathor. Évitant de les heurter, Menk trouvait les mots justes et s'attirait leur sympathie. Ensemble, ils travaillaient à satisfaire les dieux et le souverain. D'aucuns lui promettaient une prochaine promotion.

En temps ordinaire, Menk aurait pleinement joui de cette réussite professionnelle. Mais la disparition de la ravissante Nitis, une prêtresse dont il était tombé amoureux et qu'il comptait épouser, gâchait son plaisir.

Certes, la jeune femme ne lui avait pas encore donné son consentement. Simple question de temps, car elle comprendrait fatalement qu'un mari comme Menk ne se refusait pas. L'in-dépendance et la liberté de choix des Égyptiennes posaient parfois de graves problèmes. Les Grecs, eux, savaient imposer les décisions des mâles.

Nitis ne possédait pas un caractère facile. Intelligente et cultivée, elle aurait dû devenir la grande prêtresse du temple de Neit à la suite du décès de son maître. Le roi avait choisi un obscur courtisan, sans doute en raison des imprudences de la belle ritualiste. Ne la soupçonnait-on pas d'avoir cru à l'inno-23

LA VENGEANCE DES DIEUX

cence du scribe Kel, ce monstre coupable d'un nombre incal-culable de crimes ?

Sur sa demande, Menk s'était aventuré à parler au roi d'un trafic d'armes imaginaire, fable destinée à disculper l'assassin.

Cette démarche aurait pu ruiner la carrière du courtisan, mais il n'éprouvait pas de rancune envers la trop crédule Nitis.

Détrompée, elle ne reverrait pas ce redoutable meurtrier et ne prendrait plus sa défense.

Hélas ! ce regrettable impair valait à la jeune femme une disgrâce temporaire. En épousant Menk, elle recouvrerait son honorabilité et prétendrait de nouveau à de hautes fonctions.

Encore fallait-il la retrouver !

Où se cachait-elle ?

Menk se rendit au temple de Ptah et interrogea plusieurs ritualistes. Personne n'avait croisé Nitis depuis quelques jours.

On le pria de vérifier la qualité de l'encens récemment livré et la quantité d'huiles sacrées. L'esprit ailleurs, il s'acquitta de ces tâches.

— Du courrier à votre intention, annonça le facteur du temple en lui remettant une missive en provenance de Saïs.

Menk brisa nerveusement le sceau fermant le petit papyrus. Le texte le consterna.

D'après le grand prêtre, Nitis n'était pas revenue au temple de Saïs. Et nulle trace de sa présence dans la capitale.

Affolé, Menk prétexta un accès de fatigue, abandonna sa vérification et courut au bureau du vizir. Toujours chargé d'ar-rêter le scribe Kel et de mener une enquête approfondie, le juge Gem s'y était installé provisoirement.

Le haut magistrat ne fit pas attendre le dignitaire.

— Vous semblez bouleversé, Menk !

— La prêtresse Nitis a disparut.

— Comme vous y allez !

— Elle ne se trouve ni à Memphis ni à Saïs, et voilà longtemps que personne ne l'a revue !

Le juge grommela.

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LA DIVINE ADORATRICE

— Bizarre, je vous le concède... Serait-elle partie en voyage?

— Nitis devait remplir une mission précise, rappela Menk : m'aider à préparer les prochaines fêtes de Ptah et de Hathor.

Sa connaissance des rituels anciens aurait été précieuse. Elle n'avait aucune raison de s'absenter, surtout si elle désirait reconquérir la confiance du roi.

— Songeriez-vous... à une fuite ?

— Une fuite? Certes non ! Je redoute un enlèvement.

Le juge parut stupéfait.

— Qui aurait commis un pareil délit?

— Je l'ignore. Je redoute...

— Soupçonneriez-vous quelqu'un ?

— Pourquoi pas le scribe Kel ? Peut-être a-t-il voulu se venger de Nitis ?

— Que lui reprocherait-il ?

— De ne pas l'avoir aidé !

— Intéressant... Des indices concrets?

— De simples suppositions ! La situation me paraît grave.

— Ne dramatisons pas, Menk. L'imagination nous joue souvent de mauvais tours.

— Nitis a bel et bien disparu! Ne négligez pas les faits, je vous en prie.

— Ce n'est pas mon habitude.

— Comment comptez-vous agir?

— En nommant des enquêteurs chargés d'interroger le personnel des temples, les capitaines de bateaux et les surveillants des routes.

— Cela prendra un temps fou!

— Je promettrai une forte récompense à qui me donnera des renseignements sur la prêtresse, et des courriers officiels alerteront mes collègues dans chaque province. Ensuite, il faudra espérer et attendre.

— Espérer, oui... Mais attendre !

— Vu le caractère exceptionnel de l'événement, j'utiliserai tous les moyens dont je dispose.

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LA VENGEANCE DES DIEUX

— Merci, juge Gem.

— Ne commettez pas d'imprudence, Menk. Si Nitis a réellement été enlevée et si l'auteur du rapt est le scribe Kel, le terrain s'annonce dangereux. Mener une enquête parallèle vous conduirait au désastre. Laissez agir les professionnels.

— Je vous le promets.

Les épaules basses, Menk sortit du bureau du juge.

Gem était perplexe.

À l'affaire Kel, qu'il ne parvenait pas à résoudre, s'ajoutait maintenant la disparition d'une prêtresse de Neit, un incroyable événement susceptible de déclencher la colère des dieux ! Jusqu'alors, en dépit des difficultés à rendre une justice équitable, la carrière du magistrat s'était déroulée de manière paisible. A l'orée de la vieillesse et d'une retraite méritée, un épouvantable assassin, doublé d'un séditieux décidé à renverser le trône d'Amasis, défiait l'État et la loi ! Et il revenait au juge Gem de lui briser les reins.

En raison des circonstances nouvelles, il devait interroger l'un des principaux dignitaires du royaume qui en savait peut-

être long.