Gendarmerie Nationale, Brigade Territoriale de Proximité d’Etretat, Seine-Maritime, le 13 juillet 2014
De Monsieur le lieutenant Bertrand Donnadieu
A destination de M. Gérard Calmette, directeur de l’Unité Gendarmerie d’Identification des Victimes de Catastrophes (UGIVC), Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN), Rosny-sous-Bois
Monsieur le directeur,
dans la nuit du 12 juillet 2014, vers 2 h 45, en amont du lieu-dit de la Valleuse d’Etigues, trois kilomètres à l’ouest de la commune d’Yport, un pan de falaise d’environ 45 000 mètres cubes s’est effondré. Ce type d’éboulement n’est pas rare sur notre côte. Les secours parvenus sur place à peine une heure plus tard ont pu établir avec certitude que l’accident n’a fait aucune victime.
Cependant, et c’est ce qui motive ce courrier, si aucun corps de promeneur n’a été trouvé dans les décombres, les secouristes ont été confrontés à une étrange découverte. Les os de trois squelettes gisaient parmi les blocs de craie dispersés sur la plage.
Les forces de gendarmerie dépêchées sur les lieux n’ont retrouvé aucun vêtement à proximité de ces ossements, ni aucun autre effet personnel permettant de les identifier. On peut faire l’hypothèse qu’il s’agit de spéléologues piégés dans la falaise, le relief karstique de ces côtes crayeuses étant un terrain de jeu fréquent pour les amateurs de randonnée souterraine. Cependant, aucune disparition de spéléologues ne nous a été signalée ces derniers mois, ni même ces dernières années. Les squelettes sont peut-être plus anciens encore, mais autant qu’on puisse les analyser sans matériel adéquat, ils ne le paraissent pas.
Je tiens dès à présent à vous préciser que les os ont été dispersés sur environ quarante mètres de plage lors de l’effondrement. La Brigade Départementale de Renseignement et d'Investigations Judiciaires, mandatée par le colonel Bredin, a procédé au relevé des différentes parties des squelettes. Leur première analyse confirme la nôtre : tous les os ne paraissent pas avoir atteint le même niveau de décomposition, comme si, aussi surprenant que cela puisse paraître, les individus avaient trouvé la mort dans cette cavité de la falaise à des dates différentes, sans doute à plusieurs années d’écart. La cause de leur décès nous est tout autant inconnue : l’observation superficielle des os et des crânes ne révèle aucun coup mortel ayant pu entraîner leur mort.
Sans le moindre indice probant ni point de départ pour orienter l’enquête, il nous est impossible de nous lancer sur une quelconque piste d’identification ante ou post mortem. Les questions demeurent donc ouvertes : qui sont ces trois individus ? Quand sont-ils morts ? Quelle est la cause de leur décès ?
Il va sans dire que cette découverte excite beaucoup la curiosité des habitants de la région, déjà touchée ces derniers mois par une actualité macabre, cependant a priori sans rapport avec l’exhumation de ces trois corps inconnus.
C’est pourquoi, monsieur le directeur, même si je suis conscient du volume d’affaires plus urgentes dont vous avez la responsabilité et de la peine des familles qui attendent l’identification formelle de proches récemment décédés, je me permets d’insister auprès de vous pour qu’à titre exceptionnel vos services puissent traiter ce dossier de façon prioritaire afin de procéder avec la plus grande diligence à l’identification de ces trois squelettes.
Veuillez agréer, monsieur le directeur, l’expression de mes salutations les plus distinguées.
Lieutenant Bertrand Donnadieu,
Brigade Territoriale de Proximité d’Etretat.