Rosny-sous-Bois, le 10 août 2014

De M. Gérard Calmette, Unité Gendarmerie d’Identification des Victimes de Catastrophes (UGIVC), Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN)

A destination de M. le lieutenant Bertrand Donnadieu, Gendarmerie Nationale, Brigade Territoriale de Proximité d’Etretat, Seine-Maritime.

Monsieur le lieutenant,

Je vous adresse ce bref courrier pour vous faire part d’une interrogation particulière dans le cadre de l’affaire dite des trois squelettes, retrouvés le 12 juillet 2014 sur la plage d’Yport. Je vous rappelle succinctement que ces trois individus, que nous avons baptisés, pour des raisons de facilité d’enquête, Albert, Bernard et Clovis, sont décédés à des dates différentes, Albert, lors de l’été 2004 ; Bernard entre l’automne 2004 et l’hiver 2005 ; Clovis entre février et mars 2014, et que l’explication privilégiée de leur décès est un empoisonnement criminel à la muscarine, à une dose qui d’après les experts aurait entraîné la mort de chacun des trois individus, par arrêt cardiaque, moins de trente minutes après absorption du poison.

Mais en poussant plus avant les recherches, nous nous sommes trouvés confrontés à un détail étrange qui m’oblige à vous poser une question dont je m’excuse par avance, monsieur le lieutenant.

Vos services auraient-ils pu omettre de nous envoyer l’une des pièces à conviction de cette enquête ? Pour le dire autrement, il nous manque une des pièces du puzzle et nous vous demandons de vérifier avec la plus grande minutie qu’elle ne s’est pas égarée.

Je m’explique. Nous avons pu parfaitement reconstituer les squelettes d’Albert et Bernard à partir des os que vous nous avez transmis. Il s’agit là d’un travail précis de paléontologue, mais auquel nous sommes habitués.

Par contre, malgré nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à reconstituer celui de Clovis, qui, je le rappelle, est le nom donné à l’individu décédé le plus récemment, en février 2014, soit quelques jours à peine après que l’affaire Avril-Camus a été résolue par la mort du double meurtrier supposé, Frédéric Saint-Michel. J’emploie à dessein l’adjectif « supposé », puisque, dans mon précédent courrier, j’indiquais formellement que l’ADN d’Albert, empoisonné en été 2004, correspondait à celui du sperme retrouvé sur les corps et vêtements de Morgane Avril et Myrtille Camus. Je n’ai pour l’instant obtenu aucune réponse du juge Lagarde, destinataire en copie de mon précédent courrier.

Le squelette de Clovis correspond à celui d’un homme de moins de trente ans, parfaitement proportionné, décédé depuis six mois, en état de décomposition très avancé. Lorsque nous avons tenté d’assembler les os que vous nous avez envoyés, et ceci malgré nos recherches, combinaisons et investigations les plus poussées, nous avons dû nous rendre à l’évidence.

Il lui manque un tibia.

 

Dans l’espoir que vous pourrez nous fournir des explications sur cette étrange pièce égarée ou perdue, veuillez agréer, monsieur le lieutenant, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Gérard Calmette, directeur de l’UGIVC