SCÈNE VI
GROUPE DE COSAQUES ET D’AUTRES CAVALIERS DÉMONTÉS
UN CAPITAINE. – Place… place… je suis capitaine aux hussards de Bauer.
UN SOLDAT, se retournant. – Je me moque de toi… ma peau vaut autant que la tienne.
LE CAPITAINE. – Prends garde !
LE SOLDAT. – Prends garde toi-même !
(Ils se poussent.)
PLUSIEURS SOLDATS. – Jetez l’Autrichien en bas !…
LE CAPITAINE. – Allons… allons… camarades, ne nous fâchons pas.
UN HETTMANN, en passant. – Chacun pour soi !… Tâche de marcher droit !
(Il tient un long pistolet à la main.)
LE PREMIER SOLDAT, d’un ton sourd, au capitaine. – Tu passeras quand j’aurai passé !
(Il s’avance péniblement ; la colonne le suit en silence. On entend toujours des deux côtés la fusillade qui se rapproche. D’autres misérables défilent et tournent un à un l’angle du chemin. Tout à coup la fusillade en avant, à gauche, redouble ; cinq ou six balles arrivent en ricochant dans le sentier, des soldats tombent, et l’on aperçoit sur une roche, en face, de l’autre côté de la gorge, le feu roulant d’une compagnie de républicains. Grand tumulte en avant.)
CRIS LOINTAINS, en avant. – Halte ! halte !
AUTRES CRIS DERRIÈRE, à droite. – En avant !
UN OFFICIER, arrivant au tournant du chemin, à gauche, s’arrête et crie : – Halte ! Nous sommes coupés… Les républicains arrivent !
UN SOLDAT, derrière l’officier. – Avanceras-tu ?
(Il essaye de le pousser avec sa baïonnette. L’officier se retourne et lui lance un coup de sabre. Tous deux glissent et s’accrochent.)
L’OFFICIER, d’une voix sourde et haletante. – Ah ! brigand !…
LE SOLDAT. – Tu tomberas avec moi !…
D’AUTRES, poussant par derrière. – Avancez !… avancez !…
(Le feu redouble et se rapproche à droite et à gauche. Malgré la résistance de ceux qui rebroussent chemin, la colonne qui défile se remet en marche. Arrive un nouveau groupe de cavaliers démontés et de fantassins, pêle-mêle ; derrière ce groupe s’avancent Hattouine et Ivanowna. Hattouine est assise sur son vieux bidet, Ivanowna tient la bride. Puis on aperçoit Ivanowitche à cheval, le drapeau russe à la main, au milieu d’une compagnie de grenadiers de Rymnik, qui reculent en combattant. Un vieux tambour, à longues moustaches grises, debout à côté d’Ivanowitche, bat la grenadière d’un air impassible.)