SCÈNE III
HATTOUINE, IVANOWNA
HATTOUINE, à part, regardant Ivanowna. – Oui… oui… c’est comme cela…, elle ne pense qu’à Ivanowitche… les autres ne sont rien… Oh ! la jeunesse… la jeunesse !… (Elle va ramasser le foin qu’a laissé le cheval, et le jette sur la voiture.) Enfin… voilà… tout est prêt… quand le Rymnik arrivera nous partirons. (Tournant autour de la voiture, et regardant chaque chose en détail.) Pourvu que le kibitk ne casse pas en route… Ces mauvais chemins l’ont tout détraqué… Ah ! je voyais bien que ces gueux de républicains nous attiraient dans l’entonnoir… je le voyais bien… mais Souworow ne voyait rien, lui… Il criait : – En avant !… En avant !… – comme un vieux fou !… Et maintenant nous sommes battus… entourés… affamés… il faut partir la nuit comme des voleurs… prendre le chemin des neiges !… Oui… je l’ai vu, ce chemin… je l’ai vu de loin… il monte… il monte… et les précipices montent aussi… et là-haut ceux qui ne périront pas de fatigue, ou qui ne tomberont pas dans les abîmes… mourront de faim… Oh ! Souworow… qu’as-tu fait de tes enfants ! La vieille matouchka aimerait mieux être morte !…
(Pendant les scènes précédentes, la torche qu’on a vue dès le début, tout au fond, s’est rapprochée peu à peu. Aux dernières paroles de Hattouine, elle débouche dans la rue qui traverse la scène, le docteur Stâhl paraît au milieu d’un groupe d’aides et de soldats portant des civières.)