SCÈNE III

 

LES PRÉCÉDENTS, OFFICIERS DÉTAT-MAJOR. MASSÉNA poursuivi par les malheureux.

 

UN PAYSAN. – Général ! au nom de Dieu, général…

(Il veut l’arrêter.)

MASSÉNA. – Qu’est-ce que ces gens-là ?… Qu’est-ce que tout cela ? J’avais déjà dit…

UN AUTRE PAYSAN. – Général, le village tout entier vient d’être pillé… J’arrive…

MASSÉNA. – J’avais déjà dit d’écarter ce monde… Ils viennent me redemander leurs vaches, leurs chevaux, leur foin, leur paille… (Apercevant une vieille femme et sa fille, à genoux devant lui, il s’arrête en s’écriant :) Mon Dieu, que voulez-vous que j’y fasse ? (S’attendrissant.) On les a pris… on les a mangés… on avait faim !… Que voulez-vous ?… moi, je ne suis pas un dieu… Je ne peux pas empêcher les soldats d’avoir faim !…

LA VIEILLE FEMME, en sanglotant. – Général, on nous a tout pris… Je suis vieille… J’ai toujours travaillé pour vivre… maintenant faut-il apprendre à mendier ?

MASSÉNA, ému. – Qui vous a pillé, brave femme, dites ?

LA FEMME. – Vos soldats…

MASSÉNA. – De quel bataillon ?

LA FEMME. – Je ne sais pas… Je n’ai pas regardé… ma pauvre enfant criait…

(La fille sanglote.)

MASSÉNA. – Quel est votre village ?

LA FEMME. – Le hameau de Weerde.

MASSÉNA, à Rheinwald. – Général, vous saurez ce qui s’est passé là… Je veux qu’on me fasse un rapport demain… je veux… (Attendri.) Pauvre vieille mère !… Pauvre fille !… Ils seront fusillés !… mais après… après ? (S’éloignant.) La guerre !… Oh ! la guerre !…

(Deux sentinelles entrent, et font évacuer la salle par les paysans.)