SCÈNE V
LES PRÉCÉDENTS, HATTOUINE, IVANOWNA
HATTOUINE, criant avec colère. – Hue !… hue donc !…
IVANOWNA. – Attendez, mère Hattouine, la rue est fermée là-bas.
HATTOUINE, criant. – Qu’on démolisse la rue !… qu’on démolisse la rue ! Les grenadiers de Rymnik ne doivent jamais être arrêtés… Hue ! hue !…
ZAMPIERI. – Oh ! la vieille sorcière !… vous l’entendez ?
JONAS, riant. – C’est la plus vieille cantinière de l’armée russe, maître Zampieri. L’autre jour, à la caserne Saint-Joseph, je me suis laissé dire qu’elle a fait toutes les guerres depuis soixante ans, en Prusse, en Turquie, en Crimée, en Pologne, et que Souworow l’aime comme ses yeux.
ZAMPIERI. – S’il aimait la petite, à la bonne heure, je comprendrais ça. C’est la fille de cette vieille ?
JONAS. – Non, c’est une Polonaise. La mère Hattouine l’a adoptée au pillage de je ne sais quelle ville. Voilà du moins ce que m’a raconté le chirurgien des grenadiers de Rymnik.
ZAMPIERI. – La jolie créature !
L’encombrement augmente. Ivanowna tire le cheval par la bride hors de la foule, du côté de l’échoppe de Zampieri. Au même instant, un jeune officier russe, à cheval, fend la presse et s’arrête près de la charrette.)