SCÈNE IV

 

LES PRÉCÉDENTS, UN OFFICIER DE RONDE

 

CRI, à droite. – Qui vive !

LE SERGENT. – La ronde !… À vos armes !…

(Les soldats prennent leurs fusils et se mettent sur deux rangs, à droite.)

LE CAPITAINE DE RONDE, arrivant avec un falot éteint. – Rien de nouveau ?

LE SERGENT. – Un particulier sous escorte est venu vers cinq heures… Il voulait voir le général Molitor ; sur les ordres du planton, il a passé.

LE CAPITAINE. – C’est tout ?

LE SERGENT, – Oui, capitaine.

LE CAPITAINE. – C’est bien…

(Arrive un officier d’état-major du quartier général, au galop ; il tient plusieurs feuilles volantes à la main.)

L’OFFICIER DÉTAT-MAJOR, au capitaine. – Proclamation du général Molitor !

(Il lui remet une feuille et sort au galop. On l’entend crier en s’éloignant :Proclamation du général Molitor ! – Sa voix se perd au milieu du bruit des tambours, qui battent la générale, et des trompettes de la cavalerie qui sonnent à gauche du village.)

LE CAPITAINE, après avoir parcouru la feuille d’un air de bonne humeur. – Ah ! ah ! voilà du nouveau… (Il se place devant les soldats et lit.) « Ordre du jour du général Molitor. – Schœnberg, le 8 vendémiaire, an VIII de la République. – Officiers, sous-officiers et soldats de la 84e. Après avoir soutenu seuls les efforts de Linken et de Jellachich, et couronné vos drapeaux d’une gloire immortelle en rejetant deux corps d’armée, l’un au-delà des monts Keresen, l’autre au fond des lignes grises, pendant que le général en chef Masséna écrasait les Austro-Russes devant Zurich, le moment du repos semblait venu. Mais Souworow s’avance à son tour. Il remonte le Schaechenthal à la tête de vingt mille hommes. Le vainqueur de Cassano, de la Trébia et de Novi vient rejoindre ses lieutenants qui n’existent plus, et réparer les fautes d’une armée en pleine déroute. C’est à vous encore qu’il appartient de l’arrêter, de venger nos frères tombés en Italie, et de donner aux généraux Masséna et Lecourbe le temps d’accourir et de l’enfermer dans les montagnes ! – Soldats de la 84e, la République se repose sur vous. Notre position est excellente : dans un défilé, trois bataillons résolus en valent cinquante… Je ne vous en dis pas plus ; les soldats de la France ne comptent pas leurs ennemis ! – Vive la République ! »

LE CAPITAINE, levant son chapeau. – Vive la République !

TOUS. – Vive la République !

(Molitor et Ogiski paraissent sur les marches de la maison du fond. Ils descendent l’allée du jardin en causant. Quelques officiers d’état-major les suivent à distance ; des hussards viennent derrière tenant des chevaux. Ogiski est en costume de montagnard suisse.)

LE CAPITAINE, commandant. – Présentez armes !