SCÈNE III

 

LES PRÉCÉDENTS, LES FUYARDS arrivant de Hospenthâl.

 

UN FUYARD, criant. – Tous les villages sont inondés !… Votre tour va venir… Apprêtez-vous !…

UN AUTRE. – Oui, c’est comme le déluge ; ils descendent dans les Lignes grises, par Tavetsch et Dissentis ; ils s’étendent dans le Valais par Réalp ; ils s’avancent dans la vallée d’Urseren… C’est fini… Tout est perdu !

(Ils traversent la place en courant.)

D’AUTRES, au loin. – Ils arrivent !… ils arrivent !

JACOB, d’une voix forte. – Tous ces cris ne servent à rien. Niclausse, cours chez le pâtre ; qu’il sonne tout de suite de sa corne pour réunir le bétail. (Niclausse sort en courant.À la foule :) Tâchons de sauver le bétail. Quand on a des vaches, on a du lait, du beurre, du fromage ; quand on a des bœufs, on a de la viande… On ne meurt pas de faim !…

TOUS. – Oui, oui, sauvons le bétail… Le bourgmestre a raison, il faut sauver les bêtes !

JACOB. – Nous conduirons le troupeau sur le Gurschen, près du glacier ; l’ennemi n’osera jamais s’avancer jusque-là. Chacun prendra son fusil ; il faut se défendre.

KASPER. – Oui, mais qu’on se dépêche, il est temps !

(La foule se disperse.)

JACOB, criant. – Et que chacun attelle sa charrette ; qu’on charge tout ce qu’on pourra, les lits, les meubles…

PLUSIEURS, courant. – Oui, bourgmestre, soyez tranquille.

(On entend sonner la corne à l’autre bout du village. La foule se disperse. Jacob et Kasper vont entrer dans l’auberge.)