SCÈNE VI
LES PRÉCÉDENTS, IVANOWITCHE
IVANOWITCHE. – Hé ! vous voilà… je vous cherche depuis une heure.
HATTOUINE. – Est-ce que tu n’es pas à l’avant-garde ?
IVANOWITCHE. – Oui, et c’est justement pour cela que je voulais vous voir. Qui sait si je vous rencontrerai d’ici quinze jours.
HATTOUINE. – Ce n’est pas pour moi que tu viens ?
IVANOWITCHE, tendant la main à Ivanowna. – Non ! pas tout à fait, matouchka{1}.
HATTOUINE. – Oh ! le gueux, il ose encore le dire ! – Allons, embrasse-la, va… il n’y a pas de mal.
IVANOWITCHE, tenant toujours la main de la jeune fille. – Veux-tu, Ivanowna ?
IVANOWNA. – Oh ! oui !…
(Elle met le pied sur la botte d’Ivanowitche ; il l’attire à lui et l’embrasse.)
Hattouine, riant. – Ah ! ah ! ah !
IVANOWITCHE, riant aussi. – Maintenant je suis content… je puis m’en aller. Rien ne vous manque pour la route, Ivanowna.
IVANOWNA. – Non, rien, Ivanowitche.
HATTOUINE. – J’ai ma tonne pleine d’eau-de-vie, mon sac rempli de farine, et mon chaudron plein de lard. Qu’est-ce qu’il nous faut de plus ?
IVANOWITCHE. – Oui, matouchka, tout ira bien, nous arriverons à Paris, et là-bas, nous ferons le mariage.
HATTOUINE. – Quand tu seras capitaine, Ivanowitche, rappelle-toi ce que je t’ai dit : pas avant !
IVANOWITCHE. – Oh ! soyez tranquille, je serai capitaine !… Nous allons avoir des batailles en Suisse. (Il tient toujours la main d’Ivanowna.) N’est-ce pas, Ivanowna, le pope de Paris nous mariera ?
IVANOWNA. – Si la mère Hattouine le veut… moi, je serai bien contente.
HATTOUINE. – Quand il sera capitaine ! Je vous donnerai mes âmes en Esthonie ; vous aurez cinquante âmes qui travailleront pour vous. Mais je veux qu’il soit capitaine.
IVANOWITCHE. – Hé ! si je ne le suis pas bientôt, ce ne sera pas ma faute.
(On entend la voix d’Ogiski à gauche.)
OGISKI. – Histoire de Souworow !… Qu’est-ce qui demande l’histoire d’Alexandre – Basilowitche Souworow, généralissime des armées du tzar Paul ; vainqueur de Cassano, de la Trebia, de Novi ! Qu’est-ce qui veut l’histoire de Souworow l’invincible ?…
IVANOWITCHE, regardant par-dessus la foule, et levant la main. – Hé ! par ici… par ici… l’histoire de Souworow.
OGISKI, fendant la presse. – On demande l’histoire de Souworow ?
IVANOWITCHE. – Oui, par ici.