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– Vous êtes certain de ce que vous dites ? s'exclama M. Morrison, abasourdi.
Aussitôt la conférence de presse terminée, Stanley Warren s'était engouffré dans sa Porsche Carrera et avait rejoint le manoir principal des Enfants de Marie.
– Il n'y a aucun doute possible. Lewis Stark et votre fils étaient amants.
Une expression de dégoût mêlé d'incrédulité était peinte sur le visage des parents. Miss Richardson se tenait de dos, près de la fenêtre du grand salon.
En cette fin de matinée, le ciel s'assombrissait de minute en minute.
« Il ne va pas tarder à pleuvoir, se dit-elle. Les larmes du Seigneur, à n'en point douter. »
– Mais nous nous en serions rendu compte, tout de même. Il n'est pas du tout efféminé, ni maniéré. Ce n'est pas possible !
M. Morrison était incapable d'admettre que son unique enfant pouvait avoir un tel vice.
– Nathaniel est très croyant. Jamais il ne s'abaisserait à une telle abomination, renchérit sa femme, en plein déni.
Jamais elle n'aurait de petits-enfants. Dieu ne pouvait pas permettre cela. Le diable ne pouvait pas entrer dans sa maison.
– Vous mentez, vous mentez ! hurla-t-elle en le pointant d'un doigt accusateur.
– Non, votre fils est innocent. Dès que nous en aurons les preuves formelles, il pourra rejoindre votre communauté. Vous devriez plutôt me féliciter, dit-il, en colère contre ces parents indignes.
Il venait d'innocenter leur enfant unique, et plutôt que de s'en réjouir, ils se lamentaient sur la sexualité de leur fils.
– Mon fils n'est pas homosexuel ! Qu'est-ce que vous lui avez fait, qu'est-ce que vous lui avez dit ? cria Mme Morrison.
Son visage était défiguré par la douleur. Warren aurait aimé lui donner un cours de rattrapage sur la tolérance et les valeurs chrétiennes. Mais cela aurait été en pure perte.
– Nathaniel devrait sortir de l'hôpital dans les prochains jours. Vous aurez tout le loisir d'en discuter avec lui.
Warren ne doutait pas un seul instant qu'il mettrait Bettany Thompson devant ses responsabilités. Une jeune fille de seize ans ne tiendrait jamais face à la persévérance d'un avocat chevronné comme lui.
– Allez-vous-en. Je vous déteste, je vous déteste ! hurla Mme Morrison.
Pour sa part, M. Morrison était tombé dans une sorte d'apathie. Son visage ne révélait aucune émotion. Contrairement à son épouse, il avait eu, que Dieu lui pardonne, des doutes concernant les tendances sexuelles de son fils. Il ne parlait jamais de femmes, il n'avait jamais flirté avec aucune fille de la communauté. Pourtant, Dieu sait qu'il était très beau garçon.
– Excusez-moi de lui avoir sauvé la vie ! fit Warren, écœuré.
Il s'approcha de Miss Richardson, toujours collée à la fenêtre.
– Pour mes honoraires, vous êtes toujours d'accord pour les verser à une organisation caritative ?
Miss Richardson se retourna. Il vit des larmes rouler sur son visage subitement vieilli.
– Oui, vous n'avez qu'à me donner son nom, répondit-elle d'une voix atone.
– De l'argent pour ce porc ! s'indigna Mme Morrison.
– Ma chérie, il faut que tu te calmes, intervint son époux, en prenant sa femme dans ses bras, qui s'effondra en sanglotant.
Pathétique.
Warren se retourna vers Miss Richardson.
– La Fondation pour le droit à la différence.
Ça leur ferait les pieds.
– Très bien, il en sera fait ainsi, répondit Miss Richardson.
Warren fut un peu déçu par sa réaction. Avait-elle compris de quoi il s'agissait ?
– Laissez-nous à présent, lui dit-elle.
Warren acquiesça et sortit, non sans jeter un regard méprisant vers la mère de Nathaniel, que son mari venait d'installer dans un fauteuil.
– Stanley, que s'est-il passé ? demanda Callwin.
Elle venait juste d'arriver à l'étage en compagnie de Margareth, qui lui avait demandé de venir.
– J'ai fait mon travail. J'ai innocenté Nathaniel Morrison.
Il aurait dû en être heureux, mais Callwin voyait bien que quelque chose le tracassait.
– Vous en faites une tête !
– Je viens de condamner un pauvre gamin à vivre chez des dingues qui n'auront de cesse de lui faire comprendre qu'il est un monstre.
Callwin fit une grimace d'incompréhension.
– Nathaniel est homosexuel. C'est Bettany Thompson qui a tué Lewis, sous le coup de la jalousie et de la haine.
« Merde alors ! Je me suis bien fait avoir », se dit-elle en revoyant Bettany torturée par la douleur. Mais à y repenser… elle lui avait effectivement dit qu'ils s'étaient battus et que le coup était parti tout seul. Callwin lui avait conseillé de ne pas en parler, parce que jamais elle n'aurait pensé que c'était elle qui avait agressé les deux garçons !
– Alors pourquoi faites-vous une tête de tous les diables ? demanda-t-elle alors qu'ils arrivaient sur le palier du rez-de-chaussée.
– Vous êtes idiote ou vous le faites exprès ?
– C'est bon, vous ne me parlez pas comme ça ! fit-elle en se plantant entre lui et la porte.
Devant le regard outré de la journaliste, Warren se rendit compte de sa grossièreté.
– Excusez-moi, mais ces gens me rendent dingue. Il fallait que ça sorte.
Callwin l'excusa aussitôt.
– Ils n'acceptent pas son homosexualité ?
– S'il retourne vivre avec eux, Nathaniel se tuera pour de bon.
Warren ouvrit la porte et sortit en compagnie de Callwin sur le perron du manoir. La pluie tombait toujours aussi fort. Ils restèrent à l'abri sous l'auvent.
– Il n'y a pas moyen de l'empêcher ? Au fait, comment avez-vous compris qu'il était homo ?
– C'est mon métier de tout imaginer pour défendre mon client. Si Nathaniel avait tué Lewis parce qu'il était jaloux de Bettany, on pouvait également imaginer l'inverse. Simple hypothèse de travail. Mais comme vous le savez maintenant, elle a été confirmée.
Callwin était sous le charme. Ça, c'était un homme pour Hurley.
– Allez voir Harry Miller. Il est homosexuel et avocat. Peut-être pourra-t-il vous aider à trouver une solution pour éviter à Nathaniel de retourner vivre avec ses parents.
Warren la regarda avec surprise. À croire qu'elle savait qu'il venait juste de le rencontrer.
– Vous avez raison. Je sais maintenant pourquoi Jessica tient tant à vous, fit-il en lui déposant un baiser sur la joue.
– De mon côté, je vais tâter le terrain. Il leur faut le temps de digérer la nouvelle. Peut-être ne sont-ils pas aussi homophobes que vous le croyez.
– Je l'espère. Au fait votre premier article, c'est pour quand ?
– Demain. J'avais commencé à rédiger quelque chose, mais je ne suis plus sûre de rien. Achetez le NOW, vous verrez bien.
– Je n'y manquerai pas. Au revoir, Leslie.
– Au revoir, Stanley.
Il lui fit un signe de la main et partit au pas de course sous la pluie battante pour rejoindre sa voiture. Il était content d'avoir discuté avec cette journaliste. Il n'aimait pas avoir le cœur empli de haine. C'était un optimiste, sûr de ses valeurs. Il détestait ne plus croire en l'homme. Callwin venait de lui rappeler qu'il ne fallait jamais perdre espoir.
Il mit le contact et s'amusa à faire rugir le moteur de son bolide sous les fenêtres de ces arriérés.
Un noël à River Falls
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