1
Le téléphone sonna. Logan se réveilla en sursaut et attrapa le combiné posé sur la table de nuit, avant de maugréer un « allô » des moins chaleureux.
– Shérif, excusez-moi de vous déranger, mais je tenais à vous avoir personnellement, répondit une voix d'homme.
Logan se redressa et cala un oreiller dans son dos. Il jeta un œil sur le réveil : 6 h 15.
– Qui êtes-vous ? fit-il d'une voix pâteuse.
– Je suis le docteur Nunn.
Logan se redressa tout à fait. C'était le chirurgien qui l'avait opéré après sa blessure à l'abdomen.
– On vient de nous amener un blessé qui a été percuté par un camion en bordure de la forêt, sur Old Oak Road. Le garçon vit encore. Ses jours ne sont pas en danger.
Logan passa une main sur sa barbe du week-end, priant pour que l'homme aille droit au but. Il avait désespérément besoin d'une bonne douche pour sortir de cet état apathique dû à un réveil brutal.
– Et alors ? fit-il d'un ton peu conciliant.
– Il se trouve que nous avons trouvé du sang sur ses vêtements, mais de toute évidence, ce n'est pas le sien.
« N'est pas Sherlock Holmes qui veut », songea Logan, sarcastique, agacé d'avoir été réveillé pour si peu.
– Vous avez entendu parler du braconnage ? demanda-t-il d'un ton peu avenant. Du sang d'animal, à n'en point douter. Et votre gars doit être un de ces pauvres bougres qui vivent dans les anciennes scieries.
Un silence, puis Logan reprit :
– Écoutez, faites une analyse du sang. De mon côté, j'envoie des hommes sur place retrouver le corps de la « chose ».
– Oui, bien sûr, dit Nunn.
– Et au fait, pourquoi n'avez-vous pas appelé directement le central ?
– Vous m'aviez donné votre carte en me disant que je pouvais vous joindre en cas de problème, répondit Nunn avant de raccrocher, sans plus de formalités.
Logan alluma la lampe de chevet et attrapa une cigarette qu'il fit tourner entre ses doigts avant de la renifler avec délice et de la reposer.
Six mois qu'il avait décidé d'arrêter et deux mois qu'il n'en avait plus fumé une seule. Malgré des nerfs à fleur de peau, il s'était étonné de la facilité avec laquelle il s'était sevré. Les patchs et les encouragements de Hurley l'avaient beaucoup aidé à tenir sa résolution. Malgré quelques sautes d'humeur qui devenaient de plus en plus rares, il se sentait guéri et aimait bien se confronter à son ancien vice, histoire de voir si sa volonté était réellement plus forte que l'addiction passée.
« Une semaine de plus », se dit-il, fier de lui. Il sortit du lit et d'un pas serein alla s'enfermer dans la salle de bains. Vingt minutes plus tard, il en ressortait en pleine forme, en peignoir, rasé de frais, prêt à affronter ce premier jour de la semaine.
Il repensa à l'appel de Nunn. Même s'il ne prenait pas l'inquiétude du médecin très au sérieux, il lui avait promis d'envoyer une équipe. « Je lui dois bien ça », pensa-t-il en effleurant la fine cicatrice sur son ventre, à l'endroit où le couteau de Paul Ringfield s'était enfoncé dans ses chairs.
Logan secoua la tête et s'obligea à ne plus y penser. Si l'année précédente avait été un véritable enfer, celle-ci se révélait nettement plus calme. Des crimes et des délits ordinaires, qui, excepté pour les victimes, n'avaient pas menacé la tranquillité de River Falls.
Logan s'habilla rapidement avant de descendre prendre un petit déjeuner.
Pas un bruit. Hurley passait de plus en plus de temps à Seattle, mais le rejoignait tous les week-ends. 6 h 45, indiquait l'horloge de la cuisine. Logan se posta devant la fenêtre et porta la tasse de café à ses lèvres.
Des lumières s'étaient allumées dans les autres maisons de l'allée pavillonnaire. Des enfants se levaient. Des parents leur préparaient le petit déjeuner. Des familles ordinaires de la classe moyenne. Rien à voir avec le couple qu'il formait avec Hurley.
Il avait réellement craint de ne pas supporter son absence au quotidien. Il avait tant souffert durant leur séparation que l'idée qu'elle le quitte toute la semaine lui avait paru insurmontable. Pourtant, il se rendait à l'évidence, c'était le meilleur choix possible. Désormais, tous les moments qu'ils passaient tous les deux étaient plus intenses que lorsqu'ils habitaient ensemble à plein temps. Les week-ends étaient toujours trop courts.
« Oui, se dit-il, mais il y a un bémol : Hurley n'est pas rentrée ce week-end. »
Elle l'avait appelé le vendredi après-midi pour le lui annoncer. Expert psychiatre près les tribunaux, elle devait terminer son rapport sur une sombre histoire de viol en réunion. Elle n'avait pas une seconde pour les frivolités.
Logan lui avait donné sa bénédiction. Mais avait-il eu le choix ? Serait-elle venue s'il la lui avait refusée ? Il pinça les lèvres. Il connaissait la réponse. Mais c'était aussi cela qu'il aimait chez Hurley, une certaine forme d'indépendance. Les amants meurent de se dompter l'un l'autre.
Il finit son café et posa la tasse dans l'évier. Il était temps de partir pour le commissariat et d'envoyer des hommes sur les lieux de l'accident.
Si seulement Nunn avait directement appelé le central, les agents de nuit seraient déjà sur place et auraient retrouvé la dépouille d'un malheureux cerf. Mais non, Nunn devait penser que son statut lui donnait le droit de réveiller le numéro 1 de la police locale.
Logan soupira, sortit de la cuisine et attrapa son blouson suspendu dans le placard de l'entrée. Il éteignit les lumières et sortit de chez lui dans un froid de loup. Il enfila ses gants, grimpa dans sa Cherokee et partit en direction du centre-ville, pour une journée qu'il espérait aussi tranquille que celles de la semaine précédente.



– Bonjour, shérif, vous êtes tombé du lit ? s'étonna Hugh Barnett, l'agent d'accueil.
La pendule derrière lui indiquait 7 h 04. Le personnel de jour ne prendrait le relais qu'une heure plus tard.
– Non, je voulais juste voir si tout se passe bien quand je ne suis pas là, fit Logan sans cacher son sourire.
Barnett sourit à son tour, comprenant qu'il n'en saurait pas plus.
– Dans ce cas, vous n'allez pas être déçu. Le sergent Portnoy et le lieutenant Heldfield sont partis vers Old Oak Road. Un appel anonyme pas très clair parlait d'un accident ou d'un meurtre, avec un camion arrêté en bord de route, un type avec un fusil et un corps allongé sur le sol. Puis l'hôpital a appelé et nous a donné le numéro de portable du conducteur.
Le docteur Nunn avait certainement senti son manque d'enthousiasme.
– Il y a longtemps qu'ils sont partis ?
– Une bonne demi-heure. On aurait peut-être dû vous prévenir, mais après avoir téléphoné au chauffeur, Heldfield penchait plutôt pour un accident. À cet endroit, la route est assez étroite et l'homme jure que l'adolescent est sorti des fourrés comme un fou.
Logan hocha la tête. Il ne lui restait plus qu'à attendre leur retour pour avoir un rapport complet de la situation. Même s'il était persuadé que le sang retrouvé sur le jeune était d'origine animale, il se devait de le vérifier.
– Je vais dans mon bureau. Je peux te le prendre ?
L'édition du week-end du Daily River traînait sur le comptoir de la réception.
– Bien sûr, mais je vous préviens, j'ai fait tous les sudokus.
Logan sourit. Il aimait bien cette jeune recrue. Pas une flèche, mais parfait pour l'accueil. Il était important que ses concitoyens soient reçus dans ce commissariat avec un sourire avenant. À l'instar des hôpitaux, c'était un lieu où l'on ne venait jamais de gaieté de cœur.
Il emprunta la longue allée qui coupait l'open space en deux, saluant au passage les autres agents de permanence de nuit. Arrivé dans son bureau, il posa le journal devant lui et attrapa le combiné du téléphone. Après deux sonneries, Heldfield décrocha :
– Shérif ?
Logan perçut de l'étonnement dans sa voix.
– Lui-même. Alors, raconte-moi ce qu'il se passe.
Heldfield se garda de lui demander la raison de sa présence si matinale dans les locaux de la police et lui fit un rapport clair et concis de la situation : il se trouvait dans la forêt avec Portnoy et le chauffeur du poids lourd qui avait percuté le garçon. Ils étaient en train de fouiller les environs de l'accident pour comprendre ce qui avait amené la victime à traverser la route de façon si imprudente.
– Tu crois que ce type dit la vérité ? Peut-être que le garçon était avec lui dans le camion, si tu vois où je veux en venir.
Il y eut un silence. De toute évidence, Heldfield n'avait pas mis en doute la version du chauffeur.
– Possible, mais franchement, je n'y crois pas. L'homme possède un fusil. S'il avait voulu tuer le garçon, il était bien plus facile de lui tirer dessus que de le faire descendre du camion et de l'écraser. Sans compter que c'est lui qui a averti l'hôpital.
Logan n'y trouva rien à redire, mais cela demandait tout de même vérification. Surtout s'ils ne trouvaient rien de concluant dans la forêt.
– Écoute, je vous rejoins avec des renforts dès que l'équipe de jour commencera à arriver.
– Très bien, à tout à l'heure.
Logan se leva. Il s'étira longuement puis se posta devant la machine à café. Il n'avait pas envie d'aller affronter le froid glacial de ce mois de décembre et pria pour que Heldfield retrouve au plus vite la dépouille du cerf braconné. Néanmoins, cela n'expliquait pas l'apparition affolée du garçon sur la route… À moins qu'il n'ait fui un autre animal.
Bien sûr, se dit Logan en souriant. Le garçon devait être en train de charcuter son trophée quand un prédateur lui avait foncé dessus.
Soulagé par cette pensée, Logan attrapa sa tasse de Nespresso et commença à feuilleter le Daily River.
Un noël à River Falls
9782702149638_tp.html
9782702149638_toc.html
9782702149638_cop.html
9782702149638_fm01.html
9782702149638_fm02.html
9782702149638_fm03.html
9782702149638_fm04.html
9782702149638_p01.html
9782702149638_ch01.html
9782702149638_ch02.html
9782702149638_ch03.html
9782702149638_ch04.html
9782702149638_ch05.html
9782702149638_ch06.html
9782702149638_ch07.html
9782702149638_ch08.html
9782702149638_ch09.html
9782702149638_ch10.html
9782702149638_p02.html
9782702149638_ch11.html
9782702149638_p03.html
9782702149638_ch12.html
9782702149638_ch13.html
9782702149638_ch14.html
9782702149638_ch15.html
9782702149638_ch16.html
9782702149638_ch17.html
9782702149638_ch18.html
9782702149638_ch19.html
9782702149638_ch20.html
9782702149638_p04.html
9782702149638_ch21.html
9782702149638_p05.html
9782702149638_ch22.html
9782702149638_ch23.html
9782702149638_ch24.html
9782702149638_ch25.html
9782702149638_ch26.html
9782702149638_ch27.html
9782702149638_ch28.html
9782702149638_ch29.html
9782702149638_ch30.html
9782702149638_p06.html
9782702149638_ch31.html
9782702149638_p07.html
9782702149638_ch32.html
9782702149638_ch33.html
9782702149638_ch34.html
9782702149638_ch35.html
9782702149638_ch36.html
9782702149638_ch37.html
9782702149638_p08.html
9782702149638_ch38.html
9782702149638_p09.html
9782702149638_ch39.html
9782702149638_ch40.html
9782702149638_ch41.html
9782702149638_ch42.html
9782702149638_ch43.html
9782702149638_p10.html
9782702149638_ch44.html
9782702149638_p11.html
9782702149638_ch45.html
9782702149638_ch46.html
9782702149638_ch47.html
9782702149638_ch48.html
9782702149638_p12.html
9782702149638_ch49.html
9782702149638_p13.html
9782702149638_ch50.html
9782702149638_ch51.html
9782702149638_ch52.html
9782702149638_ch53.html
9782702149638_ch54.html
9782702149638_p14.html
9782702149638_ch55.html
9782702149638_p15.html
9782702149638_ch56.html
9782702149638_p16.html
9782702149638_ch57.html
9782702149638_p17.html
9782702149638_ch58.html
9782702149638_ap01.html