New York, avril 1955.
L'écrivain Truman Capote assiste avec Marilyn Monroe à un
enterrement.
— J’ai besoin d’une teinture,
dit-elle. Et je n’ai pas eu le temps de m’en occuper.
Elle lui montre une trace
sombre à la ligne de séparation de ses cheveux.
— Pauvre innocent que je
suis. Moi qui t’ai toujours crue une vraie blonde cent pour
cent.
— Je suis une vraie blonde.
Mais personne ne l’est naturellement comme ça. Et d’ailleurs, je t’emmerde.
Comme les cheveux de Marilyn,
ce roman – ces romans emmêlés – est vraiment faux. Contrairement à
l’avertissement désuet des vieux films, il s’inspire de faits réels
et ses personnages apparaissent sous leur vrai nom, sauf exceptions
visant à respecter la vie privée de personnes vivantes. Les lieux
sont exacts, les dates vérifiées. Les citations tirées de leurs
récits, notes, lettres, articles, entretiens, livres, films, etc.,
sont leurs propres mots.
À peine si le faussaire que
je suis n’hésite pas à imputer aux uns ce que d’autres ont dit, vu
ou vécu, à leur attribuer un journal intime qu’on n’a pas retrouvé,
des articles ou notes inventés et à leur prêter des rêves et des
pensées qu’aucune source n’atteste.
Dans cette histoire d’amour
sans amour entre deux personnages réels, Marilyn Monroe et Ralph
Greenson, son dernier psychanalyste, attachés l’un à l’autre par
les fils du destin, on ne cherchera pas le vrai ni le
vraisemblable. Je les regarde être ce qu’ils furent et accueille
l’étrangeté de l’une et de l’autre figure comme si elle me parlait
de la mienne.
Seule la fiction donne accès
au réel. Mais ce qu’on atteint à la fin d’un récit comme à celle
d’une vie n’est pas la vérité des êtres. Celui qui écrit, et qui
n’est pas moi, pas plus que mes personnages ne sont Marilyn et
Ralph, regarde comme celle d’un autre sa main qui rebrousse le
temps mot à mot. Elle écrit de gauche à droite, mais on peut lire
ce qu’elle laisse sur le papier comme une image inversée dans un
miroir, jusqu’à ce que tremble dans l’obscurité de l’écran le
message NO SIGNAL.
J’aimerais que ce jeu de
paroles secrètes et d’actes visibles, cette suite d’images brisées
parcourue de reflets à contresens, ne s’achève que sur un point
d’interrogation lorsque les personnages se fondront dans
l’incertain et que s’ouvrira la main de l’auteur, vide comme celle
d’un enfant à l’abandon.