Santa Monica Beach, 29 juin-1er juillet 1962
Les photographies prises par Barris pour
Cosmopolitan ne montrent pas de bleus
sur sa peau, pas plus que celles prises une semaine plus tôt par
Bert Stern pour Vogue. À Barris, elle
avait confié : « Je me fous de l’âge, j’aime la vue qu’on a d’ici.
Je vois le futur s’ouvrir et il m’appartient comme à n’importe
quelle femme. Mais lorsque, attendant devant le Schwab’s Drugstore
assise dans la Thunderbird rouge de Stern, elle découvre les photos
prises au Bel Air Hotel, elle sort de son sac à main une épingle à
cheveux et transperce un à un les négatifs de celles qui lui
semblent « trop Marilyn ». « J’étais saoule et nue, dit-elle
ensuite à Greenson. Ce n’est pas ça qui me gêne. C'est la musique
sirupeuse que j’entends encore quand je les vois. »
Il reste à Marilyn un mois à vivre. Greenson
continue de confier sa perplexité à Anna Freud. Elle répond le 2
juillet.
« Cher collègue et ami, j’ai
vu que votre patiente s’est mal conduite, avec ses retards et les
jours d’absence au tournage. Je m’étonne de ce qui lui arrive et de
ce qui vous arrive avec elle. II doit y avoir quelque chose de très
bien en elle, d’après ce que j’ai compris de Marianne Kris. Et
pourtant, elle est évidemment loin d’être une patiente
analytiquement idéale. »
Dans les jours qui suivirent, au téléphone avec
Joan, Marilyn semblait avoir l’esprit ailleurs. Joan avait vingt et
un ans, mais Marilyn lui parlait toujours comme à une petite sœur.
Elle ne voulait pas qu’elle voie des photos d’elle déshabillée, et
ne parlait jamais des hommes avec qui elle couchait. « Elle se
présentait toujours à moi comme une créature virginale. » Ensemble,
si elles parlaient souvent d’amour, la plupart du temps, c’était de
la vie amoureuse de Joannie. Mais depuis le début de 1962, Marilyn
lui paraissait très excitée et parlait d’un nouvel homme dans sa
vie. Elle préférait ne pas dire son nom, et l’appelait « le général
». Cela les faisait beaucoup rire. Joannie supposa que derrière ce
nom se cachait John Kennedy. Mais lorsque le magazine Life publia un reportage sur l’Attorney General
Robert Kennedy, que ses collaborateurs au ministère de la Justice
avaient coutume d’appeler « le général », elle comprit.
Le soir du 19 juillet, Marilyn invita chez elle
Daniel et Joan pour fêter l’anniversaire de celle-ci et les
remercier d’avoir été à ses côtés durant l’absence de leur père.
Très gaie, elle entreprit Joannie : « Tu sais, ma vie, je pourrais
l’écrire rien qu’avec les titres des chansons de mes films.
Every baby needs a da da daddy (Tous
les bébés ont besoin d’un papa) ; Kiss
(Baiser) ; When love goes wrong (Quand
l’amour tourne mal) ; Diamonds are a
girl’s best friends (Les
diamants sont les meilleurs amis d’une fille) ; Bye bye, baby (Au revoir, chéri) ; After you get what you want, you don’t want it
(Après l’avoir obtenu, tu n’en veux plus) ; Heat wave (Vague de chaleur) ; Lazy (Paresseuse) ; River of
no return (La rivière sans retour) ; I’m gonna to file my claim (Je vais porter plainte)
; One silver dollar (Un dollar en
argent) ; That old black magic of Love
(Cette vieille magie noire de l’amour) ; I’m
through with love (L'amour, c’est fini) ; I wanna be loved by you (Je veux que tu m’aimes) ;
Running wild (Déchaînée) ; My heart belongs to daddy (Mon cœur appartient à
papa); Incurably romantic
(Définitivement romantique)... J’arrête ! Mais maintenant, je ne
chante plus. Ni dans mes films ni dans ma vie. Pourquoi ? » Joan
pensa qu’elle aurait pu ajouter à son catalogue Happy Birthday to you, Marilyn, mais ne dit
rien.
Le lendemain, Marilyn entra au Cedars of Lebanon
Hospital pour y subir une intervention gynécologique. Certains
parlèrent d’un avortement, d’autres d’une fausse couche. Elle se
déclara à l’admission sous le nom de Zelda Zonk.