Phoenix, Arizona, mars 1956
Après quatorze mois à New York, Marilyn revint à
Los Angeles pour tourner Bus Stop. Le
12 mars 1956, celle qui signait Norma Jeane Mortensen devint
Marilyn Monroe. « Mon nom est un handicap pour une actrice. » À la
fin de sa vie, elle dira : « Depuis des années, j’utilise ce nom,
Marilyn Monroe, et je l’assume, c’est comme ça qu’on me connaît
dans le cinéma. »
Sur le plateau, le metteur en scène Joshua Logan
découvrit à quel point l’actrice était devenue une droguée du
freudisme. On tournait une scène où Marilyn, incarnant Cherie, une
chanteuse débutante, était réveillée par le cow-boy Don Murray avec
ces mots : « Trop de soleil ici. Etonnant que tu sois si pâle et si
blanche. » Il dit à la place : « si pâle et serpentine ».
— Coupez ! dit Logan.
Marilyn se tourna tout excitée vers
l’acteur.
— Don, tu entends ce que tu as dit? Un lapsus
freudien. Normal, c’est une scène sexuelle, et tu donnes un symbole
sexuel : serpentine veut dire que tu
pensais à un serpent, c’est-à-dire un symbole phallique. Tu sais ce
que c’est, un symbole phallique ?
— Si je sais ce que c'est? Oui j’en ai un bon
entre les jambes, répondit Murray. Tu me prends pour un pédé ou
quoi?
— À voir ! Je vais te raconter une histoire. Tu
connais Errol Flynn ? Lorsque j’avais dix, onze ans, ma gardienne,
Grace, m’a emmenée voir trois fois Le Prince
et le pauvre. Eh bien, quand j’ai rencontré Flynn, en chair
et en os, dix ans plus tard à Hollywood, j’ai vu mon Prince sortir
sa bite et jouer du piano avec. Tu ne me crois pas : Errol Flynn !
Le héros de mon enfance cinématographique ! Oh, il y a bien cent
ans de ça, je débutais comme mannequin et je me suis trouvée à
cette soirée minable, et il était là, tellement content de lui, et
il a sorti sa bite et s’est mis à taper avec sur les touches. Il
jouait You are my sunshine. Quel cirque
! Tout le monde dit que Milton Berle a le plus gros nœud
d’Hollywood. Sais pas. Mais Errol, j’ai vu! J’ai toujours su
qu’Errol marchait à voile et à vapeur. J’ai un masseur, il est
pratiquement comme ma sœur, ha ! ha !, et c’était aussi le masseur
de Tyrone Power, et il m’a tout raconté sur l’histoire entre Errol
et Ty Power. Non. Il faut que tu trouves mieux que ça !
Au cours du tournage de Bus
Stop dans la Sun Valley, Marilyn appliqua les préceptes
psychanalytiques de Strasberg, qui était un proche de Logan. Elle
substitua aux robes somptueuses dessinées pour elle un fourreau
noir fané ou une guêpière de résille sur soie bleue vulgaire qui
lui rappelait peut-être les prises de vues pornographiques de ses
débuts. Elle voulait des vêtements rapiécés, reprisés, comme elle
se sentait être. Elle ajouta au rôle de la chanteuse le bégaiement
incoercible qui la prenait dans les moments de tension. Elle
improvisa même des oublis de répliques non prévus au
scénario.