Londres, Maresfield Gardens, printemps 1956
Les relations entre Ralph Greenson et Anna Freud restèrent longtemps protocolaires et épistolaires. Puis, peu à peu, un lien personnel s’établit. En 1953, il lui envoya des photos qu’il avait prises d’elle lors d’un séjour à Londres. Elle fit une réponse étrange : « D’habitude, sur les photos, je ressemble à une sorte d’animal malade, mais je me trouve très humaine sur les vôtres. » En 1959, lorsque Anna se rendit à Los Angeles pour la première et dernière fois, elle résida dans la maison des Greenson. Il l’emmena dans de vastes promenades, la fit nager dans sa piscine et la conduisit lui-même pour visiter Palm Springs après les conférences qu’elle donnait devant la LAPSI. Une réception se tint chez lui en son honneur et personne n’osa s’asseoir sur le sofa au côté de la fille de Freud. Anna le remercia de ce séjour : « Je trouve très difficile d’imaginer Los Angeles sans moi. »
Un an plus tard, Ralph et Hildegarde Greenson lui rendent visite à Londres et passent plusieurs semaines à Maresfield Gardens. « Le couple Greenson occupait ma chambre, dira Paula Fichtl, la gouvernante de la famille Freud, et Monsieur le Docteur dormait même dans mon lit. Mademoiselle Freud a passé un certain nombre d’heures avec Monsieur le Docteur et avec le Docteur Kris. Ils ont parlé de Mrs Monroe en spécialistes. » À cette occasion, les Greenson apportèrent à Anna une petite poupée indienne en daim. « Je joue parfois avec la poupée, leur écrit Anna en remerciement, mais d’autres fois, je la regarde seulement, et j’imagine qu’elle est ma déesse païenne. »

En 1956, l’année où Anna Freud soigna brièvement l’actrice la plus célèbre au monde, Greenson ne traitait pas encore Marilyn mais il s’empressait déjà pour défendre les intérêts de l’institution freudienne. La communauté psychanalytique s’activait pour célébrer le centenaire de Freud. Certains espéraient pouvoir mettre la main sur les films tournés du vivant de Freud, notamment par Mark Brunswick, un ancien patient qui cherchait à payer son analyse en vendant ses images de Freud aux Archives officielles. Anna et Ernst, les enfants du maître, bien que touchés par la situation de Brunswick, s’opposèrent fermement à ce projet et demandèrent à tous les analystes viennois installés en Amérique d’adopter la même attitude.
Les professionnels du cinéma avaient eux aussi leurs projets, dont il devenait urgent d’empêcher la réalisation. John Huston, appuyé par différents producteurs, reprit sa vieille idée d’un film sur Freud. Il recruta les deux collaborateurs de Let There Be Light, le producteur Julian Blaustein et le scénariste Charles Kaufman. « Faire ce film, dira le cinéaste, c’est comme avoir une sorte d’expérience religieuse. Je réalise une obsession fondée sur la conviction intime que les plus grandes aventures humaines, les plus grands voyages, n’égaleraient jamais celui que Freud fit dans les territoires inconnus de l’âme humaine. » Mais l’opposition résolue d’Anna Freud empêcha le projet pendant cinq ans. Huston continua à admirer Freud et sa découverte, mais voua ensuite une véritable haine aux indignes officiants qu’étaient les psychanalystes.
Lorsqu’elle eut connaissance du projet, la fille du père de la psychanalyse entra dans une grande colère. Un aspect la chagrinait beaucoup : la présence de Marilyn dans la distribution. Son père en héros du cinéma, écoutant Marilyn Monroe étendue sur un divan, le tout d’après un scénario de Sartre, c’était tout de même trop pour la gardienne du temple qui se fera enterrer enveloppée dans le manteau de son père et qui signait ses lettres ANNAFREUD, en un seul mot.
Mais à ce moment, Marianne Kris, qui n’était plus qu’épisodiquement la thérapeute de l’actrice lors de ses passages à New York, ne pouvait empêcher ce funeste scénario. Faute de pouvoir interdire le film, Anna s’est donc servie de Greenson pour en écarter son ancienne patiente. Le rôle de Cecily fut donné à Susanna York. Le tournage dura cinq mois. Freud, passion secrète sortit en 1962 et fut un échec commercial que Huston attribua au fait que Marilyn n’incarnait pas la figure de la femme en proie aux tourments du sexe. Après la première, il déclara : « Nous avons tenté d’accomplir quelque chose d’inédit dans l’histoire de l’écran : pénétrer dans l’inconscient du public, choquer et émouvoir le spectateur par la reconnaissance de ses propres motivations psychiques secrètes. »
Invité par Huston, Greenson ne voulut pas se rendre à la projection du film à Hollywood. Mais quelques semaines plus tard il rappela le metteur en scène pour lui reparler de Marilyn. « Je n’ai rien à vous dire, aboya le cinéaste. Vous êtes un lâche. Finalement, c’est bien que nous n’ayons pas pu lui faire jouer l’hystérique de Freud, on n’aurait pas compris que le vieux sage ne la renverse pas sur le divan au bout de cinq secondes de cure par la parole. »
Marilyn dernières séances
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