27.
Lily et les dévoreurs de morts
La paume d’Ambre lui caressait la joue.
Matt ressentit une bouffée de joie en ouvrant les yeux, avant de découvrir le visage souriant qui lui faisait face. Les cheveux bleus terminèrent de le réveiller, lui arrachant tout espoir.
– Oh, bah tu verrais la tête que tu tires ! se renfrogna Lily. C’est si désagréable que ça de me voir au réveil ?
– Non, bien sûr que non, ce n’est pas toi… Juste un rêve…
– Tu es le premier garçon que je rencontre qui préfère dormir dans les écuries que dans son propre lit !
Matt se redressa, le dos ankylosé par le confort spartiate des flancs de Plume. À l’aube, après avoir harcelé Lanz, il était venu voir comment allait sa chienne avant de s’allonger contre elle et de sombrer sans s’en rendre compte.
Plume lui fit une léchouille de bonjour qui, compte tenu de la taille de sa langue, ressemblait à une douche. Elle grogna de satisfaction et s’ébroua avant de sortir se dégourdir les pattes.
– J’ai une bonne nouvelle, Johnny est tiré d’affaire, l’informa Lily. Il a repris connaissance, il pourra bientôt gambader avec nous !
Matt approuva, rassuré pour le jeune Pan.
– Il faut que je te parle, et à Gaspar aussi, enchaîna-t-il. C’est à propos de la chapelle du château.
Lily ne parut pas surprise.
– Tu as découvert Lanz ?
– C’est incroyable !
– La plupart ici en ont peur, ils fuient la chapelle comme la peste !
– Tu te rappelles le projet Apollo dont je t’ai parlé pendant notre voyage ?
– Communiquer avec tes amis à Eden par le biais des esprits dans les églises ?
– Exactement. J’ai longuement parlé avec Lanz cette nuit et il a fini par accepter ce que j’avais à lui proposer !
Lily écarquilla les yeux.
– Lanz ? Il veut bien rendre un service ? Tu lui as promis quoi en échange ?
– Rien. Je crois que c’est juste un vieux râleur qui s’ennuie et on a beaucoup échangé, lui et moi.
– Mais quand ça ?
– Cette nuit.
Lily fit une grimace qui marqua son étonnement.
– Toi, tu ne perds pas de temps…
– En tout cas il veut bien m’aider. Quand je suis parti, au petit matin, il allait se concentrer pour essayer de cerner les ombres dans les ténèbres autour de lui, et voir s’il ne peut pas les appeler.
– Matt, tu es certain que c’est une bonne idée ?
– Tous les esprits qui hantent les lieux de culte sont sur le même plan, dans la même dimension parallèle à la nôtre, si tu préfères. En tout cas c’est ce qu’on a observé jusqu’à présent. Je pense que Lanz n’est pas différent. Il est juste isolé dans une… une poche qui lui est propre. À lui de trouver un moyen de communiquer avec les autres.
– Et si ces ombres dont il parle sont mauvaises ? Et s’il les attire sur nous ? Tu as pensé à ça ?
Matt fit la moue. Lily marquait un point. Il n’avait pas envisagé une seule seconde qu’il puisse s’agir d’ennemis.
– Tu es trop impulsif ! lui reprocha-t-elle aussitôt, tout en lui prenant la main. Viens, rejoignons Gaspar, il faut qu’il sache ! Il n’est peut-être pas encore trop tard pour se rattraper.
Matt voulut protester mais la main chaude de la jeune fille serra la sienne et l’entraîna vers le soleil, par la grande porte des écuries, pour foncer dans le château.
Gaspar s’accota contre le mur, près d’une fenêtre, et regarda à l’extérieur, pensif. Lily venait de tout lui répéter après l’avoir trouvé dans une pièce près de la salle du trône, en train de rédiger une lettre qu’il se hâta de ranger dans le tiroir de son bureau.
– Lily n’a pas tort, finit-il par dire, et en même temps ton intention est louable. Si tes amis sont vivants et qu’ils peuvent nous dire comment Entropia évolue autour d’eux, cela peut nous être utile. Matt, tu dis que Lanz est prêt à jouer le jeu ?
– En tout cas il essaye.
Gaspar hocha la tête, bluffé.
– Alors je prends sur moi de te nommer responsable de cette expérience. Lily sera ton assistante.
La jeune femme ouvrit la bouche pour protester, mais Gaspar ne lui en laissa pas le temps :
– Commencez dès maintenant. Je sais, Lily, que tu as du temps libre à récupérer, mais hélas je vais te demander de l’oublier pour le moment. Vous vous connaissez et j’ai confiance en toi.
La fille aux cheveux de saphir ravala ses arguments et approuva en silence.
– Et pour tout te dire, ajouta Gaspar, je vais annoncer ce soir au réfectoire que tous les temps libres vont être divisés par deux à compter de demain matin. Nous sommes en état d’alerte, il faut nous préparer.
– À l’entraînement militaire ? avança Matt.
– Oui. Ainsi qu’à la fortification de Neverland. Nous avons finalement décidé de résister. Les Pionniers seront nos officiers, pour coordonner notre armée. Neverland va attendre Entropia et s’ils tentent de nous envahir nous leur ferons face.
– Je croyais que les Pionniers partaient à la recherche d’aide ? protesta Matt.
– Il en a été décidé autrement.
Matt était sceptique. Qu’est-ce qui avait pu provoquer un tel revirement du Conseil ? Il éluda la question aussitôt, pour revenir à ses propres préoccupations :
– Gaspar, je veux te dire que je ne resterai pas. Je vais m’occuper de nouer le contact entre Lanz et les autres esprits, je voudrais récupérer des nouvelles d’Eden, mais après ça je retourne sur la route. Mon amie n’a pas été sauvée par vos troupes et je ne peux pas l’abandonner.
Gaspar se redressa pour faire face à Matt, et ce dernier constata à quel point ils se ressemblaient. Non pas physiquement, mais dans la stature, la détermination. Gaspar n’eut pas à le jauger très longtemps. Il avait compris.
– Je crois deviner qu’il est inutile d’argumenter, dit-il, tu as déjà fait ton choix et tu es un homme qu’on ne peut faire changer d’avis, je le sens. C’est dommage, nous aurions eu besoin d’un garçon comme toi.
– Mon combat est ailleurs. Je suis désolé. Ambre est tout ce qui me reste.
Matt le salua, et ils sortirent avec Lily.
À peine dans le couloir elle lui sauta à la gorge :
– Tu nous quittes ? Après tout ce qu’on a vécu ensemble ? Pourquoi ?
– Tu le sais bien, tu m’as entendu.
– Mais… Mais… Tu ne sais même pas si elle est vivante ! Ni même où la chercher !
– C’est une fille particulière. Crois-moi, elle aura laissé des traces ou des souvenirs.
Matt lut la tristesse sur le visage de Lily, puis très vite de la colère.
– Je croyais que nous allions former une équipe, toi et moi, dit-elle avant de s’élancer vers les grands escaliers.
– Vous voulez vraiment savoir pourquoi je suis en colère ? demanda Lanz avec agacement. À cause de ce que tu m’as fait faire, petit avorton !
Matt préféra ne pas répondre. Il sentait que Lanz était un sanguin, mais il n’y avait pas un véritable énervement dans ce qu’il percevait, juste de l’agacement et surtout un fichu caractère.
– Ça a marché ? interrogea Lily, stupéfaite. Vous… Vous avez noué contact avec d’autres esprits ? Si vite ?
– Oui, si vite ! Il a suffi que je fasse un petit effort, que je les appelle de toutes mes forces et c’est comme si… comme si j’avais ouvert un robinet ! Il y en a partout ! Je les sens grouiller tout autour ! Et ça murmure, et ça chuchote, et le pire c’est qu’ils sont tous cons comme des pigeons morts là-dedans ! Matt Carter ! Qu’est-ce que tu m’as raconté ? Que j’aurais de la compagnie ? Que je pourrais bavarder avec chacun ? Mais pas un seul n’est fichu de me dire ce qu’il fait là ! Ni comment il est arrivé ! Leur pensée n’est pas plus consistante qu’un flan laissé au soleil !
Lanz s’exprimait avec son accent allemand très prononcé, et par moments, lorsqu’il s’emportait, cela le rendait presque comique.
– Ils n’ont aucune initiative, c’est vrai, confirma Matt, mais si vous les sollicitez, ils vous répondront.
– Vous savez ce que je ressens ? Avant j’étais un comédien sur scène qui déclame son texte, je devinais le public dans l’ombre, mais il me fichait la paix ! Maintenant je suis toujours sur scène mais le public parle sans se soucier de me déranger ! Ça jacasse de partout ! C’est insupportable !
Matt, devinant qu’ils étaient mal engagés, prit un ton conciliant :
– Lanz, je vous assure que tout va s’améliorer. Vous découvrez leur présence, j’imagine comme ça doit être nouveau pour vous, mais je suis sûr que bientôt vous allez prendre vos marques, ils vont se calmer. N’oubliez pas que vous avez un avantage capital sur eux : vous savez qui vous êtes, d’où vous venez, et vous avez gardé votre capacité à vous interroger. Dans peu de temps, vous pourrez organiser tout ça, peut-être même les aider !
– Y a intérêt ! Me vois pas passer ma vie entière comme ça !
Matt faillit corriger en précisant qu’il ne s’agissait plus de sa vie, mais peut-être bien de sa mort, et donc d’une forme d’éternité, mais il préféra ne pas en rajouter.
– Lanz, vous savez, cette nuit je vous ai parlé de mes amis…
– Oui, oui, de l’autre côté de l’océan…
– Est-ce que vous seriez prêt à tenter de les joindre ?
– Tu ne crois tout de même pas que j’ai fait tout ça pour rien ? ! Bien sûr qu’on va les joindre ! Manquerait plus qu’on reste là sans rien faire ! Si le vide qui m’entoure est sur le point de vous entourer, mes petits loulous, le père Lanz ne va pas rester à se tourner les pouces ! Personne ne prendra mon château ! Personne ni rien ! Pas même le vide ! Allez, dis-moi comment je dois procéder.
Matt, qui tenait la bible sur ses genoux, jeta un bref coup d’œil excité à Lily. La jeune fille était collée à lui pour mieux se faire entendre de Lanz au besoin, et elle releva les yeux vers lui. Ils étaient très proches et Matt se sentit brusquement mal à l’aise. Il revint à la bible, qu’il trouvait plus rassurante.
– Demandez autour de vous d’où viennent les gens. Ils vont certainement vous donner leur prénom et une ville. C’est l’église où ils se trouvaient au moment de la Tempête. Maintenant, poussez-les à communiquer avec d’autres autour, à aller encore plus loin, le plus loin possible. Et qu’ils se mettent à chercher Patricia de Caseyville. C’est très loin, il va falloir qu’ils demandent à beaucoup de voix de prendre le relais, mais insistez.
– Bon, très bien, je vais essayer ça.
Lanz se racla la gorge plusieurs fois, puis il aboya :
– SILENCE ! SILENCE J’AI DIT !
Sa voix était si puissante qu’elle résonna dans toute la chapelle, jusque dans les couloirs alentour, provoquant des cris de surprise et de peur.
– Oh pardon, s’excusa-t-il aussitôt, je me suis trompé, ce n’est pas à vous que je voulais dire ça, je vais me retourner de l’autre côté, attendez !
Puis le calme revint, l’écho se dispersa et les deux Pans attendirent plusieurs minutes durant lesquelles Matt sentait le regard de Lily peser sur lui, le mettant de plus en plus mal à l’aise.
– Mais quel foutoir là-dedans ! explosa enfin Lanz. Mes pauvres enfants ! Si vous saviez !
– Vous avez réussi à faire passer le message ? Qu’ils trouvent Patricia de Caseyville ?
– Tu parles ! Une sacrée bande de demeurés, oui ! Ah ça, pour obéir ils obéissent, mais pour prendre un peu d’initiative, c’est autre chose ! Ils s’éparpillent ! Ils ne savent pas à qui demander ! Dans quelle direction aller ! Remarque, on peut les comprendre, ici, des directions il n’y en a pas ! Ou plutôt si : il y en a trop ! Tu peux aller partout ! Pas de haut, pas de bas, pas de droite ni de gauche, pas plus que de nord ou de sud ! Un vrai labyrinthe sans fin !
– Lanz…
– Un vide infini rempli d’âmes en peine ! Oui, rempli ! À ras bord ! Ah ! ça vous dépasse ça, hein ? Le vide rempli ! Eh bien c’est pourtant notre cas par chez nous ! Ah ! ils sont loin les cours de philo, les gamins, pas vrai ?
– Lanz…
– Mais j’aimerais vous y voir vous dans ce néant farci d’égarés hallucinés ! Ah oui ! J’aimerais bien vous y voir !
– Lanz ! insista Matt.
– Quoi ? Ah, oui. Patricia de Caseyville. Je leur ai dit de la chercher. C’est en cours. Mais j’ai l’impression qu’ils sont un peu… Bref, vous m’avez envoyé à une compétition de football sauf que les joueurs que vous m’avez donnés sont aveugles !
– Eh bien parlez-leur, lança Lily sans se démonter. Soyez leur guide, leurs yeux.
Lanz répliqua par un bruit de gorge, comme si les mots s’étranglaient avant de sortir.
– Je crois que je peux faire ça, oui, lâcha-t-il après une hésitation. Attendez.
À nouveau le silence retomba dans la chapelle. Les vitraux qui dominaient le chœur faisaient tomber sur Lily et Matt une lumière spectrale à dominante bleue, et à mesure que les minutes passaient, Matt sentait Lily de plus en plus avachie contre lui.
Depuis la scène qu’elle lui avait faite une heure plus tôt, son attitude avait changé. Comme si elle avait tout oublié. Pire : elle était plus douce que jamais, dans ses regards, ses sourires, et ce n’était pas pour plaire à Matt qui ne savait comment réagir.
Lorsqu’une autre heure fut passée, elle demanda :
– Tu crois que le contact est rompu ?
– Non, il doit être plongé dans le royaume des esprits pour les guider.
– Ça peut durer longtemps ?
– Aucune idée.
– Tu veux qu’on aille manger ? de toute façon il ne peut pas aller bien loin !
– Non, j’aime autant rester là. S’il revient avec un message ou s’il parvient à établir la communication avec Patricia de Caseyville, je préfère ne pas passer à côté.
– Très bien. Dans ce cas je file aux cuisines nous préparer deux assiettes.
Lily revint quelques minutes plus tard avec une omelette aux pommes de terre qu’ils engloutirent en un rien de temps. Matt ne s’était pas rendu compte qu’il avait faim à ce point et la pomme qui suivit suffit à peine à le combler.
Puis ils se remirent à attendre. Longtemps.
– Tu feras quoi quand tu auras retrouvé ton amie ? demanda Lily. Si tu la retrouves…
Elle avait lourdement insisté sur la conjonction.
– Je l’ignore. Soit nous reviendrons ici, soit… Mais ça dépendra aussi des nouvelles d’Eden je suppose.
– Tu as vu à quel point le voyage jusqu’ici est dangereux.Seul, tu risques de ne même pas parvenir jusqu’à cette plage, pourquoi tu t’entêtes ?
– Parce qu’il le faut. C’est plus fort que moi. Plus fort que tous les risques du monde. Je dois la trouver.
Lily secoua la tête de dépit. Puis elle fixa Matt et soudain, avant même qu’il ait pu s’y opposer, elle se pencha, lui attrapa le visage et l’embrassa à pleine bouche.
Pendant une seconde il ne sut quoi faire, tétanisé par la surprise et la chaleur de ce baiser suave et ardent. Puis brusquement il reprit ses esprits, retrouva ses priorités, et il la repoussa.
– Non, Lily, non.
La jeune fille aux cheveux bleus leva les mains en signe d’incompréhension :
– Pourquoi ? Je suis réelle moi ! Je suis là ! Je ne te plais pas ?
– Ce n’est pas la question. C’est juste pas possible.
Lily croisa les bras sur ses seins et se replia vers l’autre bout du banc.
– C’est pas contre toi, tu sais, insista Matt.
– Laisse tomber.
– Je suis désolé, ajouta-t-il tout bas.
Elle acquiesça avec une grimace, vexée.
Ils restèrent ainsi encore longtemps, une attente pesante. Matt ne voulait pas manquer le retour de Lanz, et Lily, prenant son rôle d’assistante au sérieux, refusait de le laisser seul. Alors ils virent peu à peu les vitraux s’assombrir, puis s’embraser de pourpre et de carmin, dernier sursaut de lumière avant les ténèbres.
Matt somnolait et Lily dormait complètement lorsque la voix familière de Lanz les fit sursauter :
– Pourquoi ne m’avez-vous rien dit ?
Aucune trace de la gaieté habituelle dans sa voix.
Matt serra la bible entre ses doigts.
– Lanz, vous allez bien ?
– Si je vais bien ? Comment voulez-vous que je le sache ? s’énerva-t-il. J’ai failli… j’ai failli… je ne sais même pas ce qui me serait arrivé s’ils m’avaient attrapé ! Vous vous rendez compte ? Si ça se trouve, je suis au purgatoire et ces créatures de malheur m’auraient happé pour m’enfermer en enfer pour l’éternité ! Vous êtes malades de m’avoir fait sortir de ma tranquillité !
Il parlait fort et vite, Matt devinait une véritable angoisse. Lanz avait peur.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– Mais j’ai fait comme vous me l’aviez suggéré pardi ! J’ai guidé tout ce petit monde ! J’ai suivi les discussions, j’ai orienté les questions ! Que tout le monde se focalise sur la recherche de Patricia de Caseyville ! J’étais partout à la fois, je poussais les uns et les autres, je remontais les courants de questions à travers des centaines de voix, sinon des milliers ! C’était presque grisant à vrai dire ! Et puis… puis il y a eu… Les hurlements. Et des grondements effrayants. Terrifiants même ! Il en venait de partout. Ils rugissaient en se jetant sur les âmes perdues, pour les contraindre. Moi, je circulais au gré des énergies, j’accompagnais. Mais ces… ces choses-là, elles, elles jaillissaient de nulle part pour torturer les esprits, pour les obliger à prendre les directions qu’elles voulaient, elles plantaient dans leurs intimités des griffes de souffrance pour les asservir ! Et c’étaient elles qui prenaient le contrôle. Et je l’ai senti ! À mesure qu’elles forçaient les âmes à les suivre dans leur direction, elles en dévoraient la plupart, comme s’il s’agissait d’un carburant. C’était abominable !
Lanz semblait traumatisé, il débitait à toute vitesse et en chevrotait presque. Matt songea aussitôt aux hurlements dans l’église la dernière fois qu’il avait tenté de discuter avec les morts. Puis les flammes. Ambre avait supposé qu’il s’agissait d’Entropia qui contaminait le royaume des âmes, mais sans certitude. Il semblait que les choses s’accéléraient.
– Je suis désolé, Lanz, je ne savais pas que ça se passerait comme ça. Je suis sincèrement désolé.
– Et si ces choses remontent jusqu’à moi maintenant ? Hein ? Comment je fais si elles reniflent ma piste jusqu’ici ? J’étais peinard moi dans mon petit vide personnel ! Pourquoi je suis sorti ? Mais pourquoi je t’ai écouté ?
– Je ne pense pas qu’ils puissent vous traquer, Lanz, pas dans le néant. Je ne crois pas que ce soit possible.
– Pourquoi, tu es mort combien de fois ? Qu’est-ce que tu sais de ce qui est possible ou pas, là où je suis ?
– Une intuition.
– Écoute, garçon, je n’ai pas pu aller jusqu’à ta Patricia de Caseyville, et je ne repartirai pas, plus maintenant que je sais ce qu’on peut croiser dans les limbes. Non, c’est fini. Je suis désolé.
Matt baissa la tête, la gorge serrée.
– Mais j’ai tout de même quelque chose pour toi, ajouta Lanz. Un esprit est venu à moi pendant ce voyage. Et il avait un message pour toi.
Matt se redressa d’un coup.
– Un message pour moi ?
– Oui. Il a dû sentir que je pensais à toi, que je parlais de Patricia de Caseyville pour Matt Carter car il s’est précipité sur moi, comme si ton nom l’avait attiré, plus fort qu’un aimant !
– Et qu’a-t-il dit ?
– Il a dit d’aller dans le confessionnal. Voilà ce qu’il a dit.
– Dans le confessionnal ? Et… Et c’est tout ?
– Non, il a aussi dit qu’il s’appelait Newton.
Cette fois le cœur de Matt fit un bond presque douloureux.