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Le garagiste allongé sous la voiture m’avait promis que ma Twingo serait réparée ce soir. Eh bien non… Il avait l’air sincèrement désolé, ce con.

Envie de tuer

J’ai retiré le cric.

 

Condamné : 1 263

Acquitté : 329

 

www.envie-de-tuer.com

L’agent Cabral conduisait. Comme un fou. Marianne avait attaché sa ceinture, cette fois. Cabral n’avait pas voulu démarrer avant, insistant du regard sur son nez toujours un peu tordu, où le fond de teint masquait mal les croûtes de sang coagulé. Sans ajouter un mot.

— OK, je la boucle. Mais magne-toi !

Le flux de voitures s’ouvrait devant eux sur toute la largeur de l’avenue Foch. Marianne aimait aussi Le Havre pour cela, son quadrillage de centre-ville à l’américaine, ses rues larges et perpendiculaires, même si la comparaison ne fonctionnait que le temps des rares poursuites dans le downtown havrais, le temps de jouer Starsky et Hutch entre la rue Racine et la rue Richelieu.

Sirène hurlante.

Volume du GPS poussé à fond.

Elle devait coller le téléphone à son oreille pour comprendre quelques mots parmi le vacarme. La commandante avait même hésité à décrocher.

Angie.

— Marianne ? Je suis tombée dessus par hasard, sur grand-havre.com. Un titre choc. « Un motard immolé cap de la Hève. »

Elle marqua un silence. Sa voix était essoufflée.

— Un psy scolaire, dit l’article. Mon Dieu, c’est ton psy, Marianne ? Celui du petit gosse ?

La Mégane coupa sans ralentir l’avenue gazonnée réservée au tram. Quelques lycéens qui attendaient à l’arrêt suivirent la berline des yeux, épatés, objectifs de portable braqués pour les plus rapides à dégainer.

Angie s’en faisait pour elle ! Ce n’était pas le moment pour une conversation entre copines, mais Marianne comprenait l’inquiétude de son amie : la commandante avait passé la moitié de la soirée à lui vanter les charmes de ce garçon… alors qu’il était en train de se consumer à moins de cinq kilomètres de là.

Le comble de l’horreur ! Même si l’adrénaline anesthésiait momentanément ses émotions contradictoires…

Courir pour garder l’équilibre.

Se concentrer sur la mission.

Coincer Timo Soler.

— Tu as du nouveau ? s’inquiétait Angie face au silence de la commandante. On est certains que… que c’est lui ?

— Pas encore. C’est gentil de t’inquiéter, Angie, mais là, impossible de te parler.

Cabral pila rue Brindeau. Pas question de traverser la ligne de tram cette fois, un A descendant du Mont-Gaillard croisait un B revenant de la plage. Face à eux, dans la perspective du bas de la rue de Paris, un porte-conteneurs gris, aussi haut que les immeubles de cinq étages, passait, offrant l’illusion qu’une des barres de béton du quartier avait décidé de quitter la ville.

Angie insistait.

Marianne posa sa paume sur son oreille droite pour entendre les mots que son amie prononçait dans le combiné.

— Dès que tu as du nouveau, tu m’appelles ?

Sa voix tremblait. Un instant, Marianne eut l’impression bizarre que c’était Angélique, et pas elle, qui était tombée amoureuse du psychologue roumain.

Ou de son fantôme.

L’agent Cabral s’engouffrait rue Siegfried pour rejoindre la zone portuaire.

« Dans cinq cents mètres, ordonnait la voix féminine du GPS avec la puissance d’une chanteuse de gospel, franchissez le pont V, puis tournez à gauche. Vous êtes arrivé. »

Marianne devait raccrocher ! Elle devait guider elle-même Cabral dès qu’ils s’approcheraient du quartier des Neiges, pas question de sonner le clairon pour prévenir Timo Soler.

Ils y seraient dès qu’ils auraient franchi le pont.

Elle devait oublier Angie. Oublier ce psy. Se concentrer sur cette arrestation à haut risque.

— Je t’appelle ce soir, ma belle. Je dois raccrocher.