Petite aiguille sur le 8, grande aiguille sur le 10
Malone pleurait. Maman-da était assise sur le lit, à côté de lui, mais il ne pouvait pas dire pourquoi il était si triste.
Il ne pouvait pas lui dire que Gouti était endormi, peut-être pour toujours.
Que son cœur ne battait plus, que sa bouche ne parlait plus. Qu’il était comme tous les autres jouets maintenant.
Il fallait pourtant qu’il arrête de pleurer. Qu’il s’arrête de renifler, qu’il prenne le mouchoir, qu’il sèche ses larmes et tout ce qui coulait de son nez. Il le fallait bien parce que sinon, Maman-da ne partirait jamais. Elle resterait là à le câliner, à lui dire qu’elle l’aimait, qu’il était son chéri, son trésor, son grand garçon. Elle resterait là jusqu’à ce qu’il soit calmé.
Et ça, il ne voulait pas.
Il voulait rester seul avec Gouti.
Ce soir, puisque son doudou ne pouvait plus parler, c’était à son tour de lui raconter une histoire. Son histoire. A travers ses yeux mouillés, il voyait la petite fusée posée sur la planète caramel. La plus grande de toutes.
C’était le jour de Jupiter. Le jour de la force. Le jour du courage.
Maman-da ne partait pas. Elle se tenait là, au chaud contre lui. Il la sentait respirer, presque comme si elle s’était endormie. Mais non, de temps en temps, sa main bougeait et le caressait, sa bouche disait « chut » sans même bouger les lèvres. Parfois aussi elle l’embrassait dans le cou en disant qu’il était tard, qu’il fallait qu’il s’envole pour le pays des rêves.
Malone avait compris. Compris que ce soir, Maman-da resterait dans sa chambre tant qu’il ne dormirait pas.
Alors, à son tour, il se mit à parler sans bouger les lèvres, à parler dans sa tête. Peut-être que Gouti l’entendait, quand il parlait dans sa tête.
Il connaissait par cœur l’histoire de Jupiter.
C’était la plus importante, maman le lui avait répété encore et encore. C’était celle, quand ce serait le bon moment, dont il devrait se souvenir.
Au moment de s’envoler. Pas pour le pays des rêves, comme le voulait Maman-da.
Au moment de s’envoler pour la forêt des ogres.
A ce moment-là, Malone devrait faire preuve du plus grand courage de sa vie. Il n’y a qu’un moyen pour échapper aux monstres, pour ne pas être emporté chez eux. Après, il serait trop tard, on ne peut pas sauter d’un avion. Pour leur échapper, il n’y a qu’un moyen, avait dit maman, un seul endroit où ils ne pourront jamais te retrouver.
Et maman lui avait fait promettre d’y penser tous les soirs dans sa tête. De répéter les mots, de les réciter à Gouti, mais de ne jamais en parler à quelqu’un d’autre.
TOUS LES SOIRS
De repenser encore et toujours à cette cachette.
La plus secrète de toutes. La plus simple du monde pourtant.