DEUXIÈME PARTIE
Les Historika Hypomnènata d’Alexandre le Grand (à ce sujet, L. Prandi, « Stabone e Eforo : un’ipote sugli Historika Hypomnènata », Aevum, 62, 1988, p. 50-60) auraient indiqué l’existence d’un plan visant à attaquer Carthage, W. Huss, 1985, p. 170 sq. On a vu qu’Athènes avait plusieurs fois envisagé d’attaquer la métropole punique.
1. Amilcar l’Hannonide, l’oncle de Bomilcar, et son frère, le père de Bomilcar, étaient les petits-fils de l’Amilcar de Polyen, V, 11, qui peut être à son tour le fils d’Hannon d’après W. Huss, 1985, p. 178, note 10.
1. L’étude de l’iconographie des pièces émises par Agathocle entre 310 et 308, reproduisant des modèles ptolémaïques, S. N. Consolo Langher, 2000, p. 181-184 et 190, pl. V, montre que le chef syracusain continuait, malgré l’assassinat d’Ophellas, à entretenir de bonnes relations avec les Lagides.
1. Y. Le Bohec, 1996, p. 89.
2. Végèce, De re militari, 3 ; P. Levêque, 1978, p. 275 ; G. Brizzi, 2004, p. 85-88.
1. Les fouilles réalisées sur la colline de Byrsa n’ont pu, malheureusement, déceler les traces archéologiques du temple d’Ešmoun. Cela n’a pas manqué de susciter étonnement et agacement tant il a paru aberrant, à première vue, que de telles constructions monumentales n’aient pas laissé, au moins, de négatifs ; il faut croire que l’arasement romain a été particulièrement efficace pour en faire disparaître définitivement les traces, lui qui a surtout concerné les parties hautes de la colline, S. Lancel, 1988, p. 80. La question en fait est de savoir si ces dernières ont été construites depuis l’époque archaïque ou lors du réaménagement urbain des IVe et IIIe siècles ? Seules la littérature gréco-latine et la logique des conclusions de la recherche historique peuvent prétendre apporter des éléments de réponse à une question qui demeurera, néanmoins, à jamais posée tant que les recherches archéologiques n’auront pas apporté leur signature à une conclusion définitive. Que dit la logique ? Que les recherches archéologiques sur le terrain ont surtout démontré que les pentes méridionales de la colline, les mieux situées – face à la mer –, étaient recouvertes par une nécropole, à l’époque archaïque, à laquelle ont succédé, dès la fin du Ve et le début du IVe siècle, des installations métallurgiques. Cela signifierait que les premières constructions humaines n’ont eu lieu qu’à cette époque. Bien sûr, on pourrait objecter que ces fouilles n’ont pas concerné l’ensemble des pentes de la colline. On ne connaît rien de l’histoire punique des versants ouest et nord-ouest (sur les doutes exprimés quant à la présence de tombes signalées par C. Saumagne sur le versant est de la colline de Byrsa, S. Lancel, 1979, p. 35) ; il reste que ce sont les pentes méridionales de la colline qui l’ont été, celles faisant face à la mer, donc les plus stratégiques et qui ont, à coup sûr, retenu toute l’attention des urbanistes puniques. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour les aménager alors que l’ensemble des auteurs gréco-latins présente la colline comme étant le centre historique de la ville, S. Lancel, 1988, p. 62-63 ? Faut-il en conclure que le site de Byrsa se situe ailleurs ? Sur l’improbabilité de l’emplacement du temple d’Ešmoun ailleurs que sur la colline dite de Byrsa, J. Debergh, 1988. La littérature classique a-t-elle fait preuve de laxisme historico-topographique en faisant de l’acropole de Byrsa l’origine même de la cité, sur la seule base de sa magnificence et de sa remarquable situation qui en auraient très vite fait le symbole de la métropole africaine ? Les attestations littéraires classiques de l’acropole punique ne concernant que l’époque entourant la troisième guerre punique, on ne peut écarter cette hypothèse. Et quand bien même on ne sait rien des aménagements du sommet de la colline, la présence d’une citadelle dominant une colline dont les versants les mieux exposés sont, à l’époque archaïque, entourés de tombes est-elle possible ? Si oui, quelle en était l’utilité ? Et comment pourrait-on expliquer, par la suite, l’aménagement d’installations métallurgiques au pied d’un tel quartier alors que l’on sait que ce genre d’aménagements était généralement rejeté à la périphérie des zones urbaines ? Les mêmes remarques pourraient être retenues pour le temple d’Ešmoun. Que le temple monumental décrit par les textes classiques n’ait été conçu qu’aux IVe et IIIe siècles, ou qu’il n’ait été que l’aboutissement d’un agrandissement d’un premier lieu de culte de l’époque archaïque – ce dernier cas se rencontrant à Sélinonte, comme on l’a vu, il ne peut, dans son aspect monumental, remonter au-delà de l’époque préhellénistique ou hellénistique. Car la monumentalité d’un temple aux soixante marches tel que celui d’Ešmoun, que la logique permet justement d’orienter vers les pentes méridionales de la colline de Byrsa, c’est-à-dire en direction de la ville, vers la mer, s’accorderait mal, à l’époque archaïque, avec le caractère funéraire puis industriel du site. Il est particulièrement révélateur de constater, à ce propos, que les aménagements monumentaux du grand temple d’Ešmoun qui dominait la ville de Sidon ne remontent pas plus haut que les Ve et IVe siècles. Fondé dès la première moitié du VIe siècle par le roi Eshmounazor II, le fameux sanctuaire d’Ešmoun de Sidon connaîtra une singulière expansion aux Ve et IVe siècles, puisque c’est de cette époque que sont datés les grands temples : le premier, dont ne nous sont parvenus que quelques fragments architectoniques de tradition orientale (bases avec motifs à feuilles, protomés de taureau), A. Stucky, 1984, p. 12 et note 7, pl. 3, 1-2, sera remplacé par un second temple d’ordre ionique vers le milieu du IVe siècle, R. A. Stucky, 1991, p. 473 et fig. 11-13, alors qu’est aménagé, ensuite, un grand bassin d’eau à ciel ouvert contemporain du « bâtiment aux frises d’enfant », E. Will, 1985, p. 106 sq., fig. 1.3 : c’est donc tout un complexe religieux qui voit le jour au tout début de l’époque hellénistique, confirmant le sanctuaire de Sidon comme l’un de ces grands centres guérisseurs qui commencent à se propager autour de la Méditerranée. On serait donc enclin à situer dès le IVe siècle l’aménagement monumental de l’imposant temple d’Ešmoun de Carthage, le dernier tiers du IIIe siècle pouvant constituer un terminus antequem puisque c’est à cette époque que fut élevé – sur l’initiative des Barcides – le temple d’Asclépios-Ešmoun, Pol., X 10, 8, sur l’acropole de Carthagène. Si l’arasement du sommet de la colline de Byrsa a supprimé toute chance de retrouver les fondations de ces imposants monuments, on peut toutefois espérer retrouver et reconnaître des éléments architecturaux et architectoniques des édifices de l’acropole de Byrsa, dont peut-être ceux du fameux temple d’Ešmoun, dans les couches de remblaiement qui ont suivi cet arasement. Ainsi, ne pourrait-on pas leur attribuer les éléments architecturaux en grand appareil découverts par les équipes de J. Ferron et M. Pinard, puis celles de S. Lancel, provenant de la démolition des structures situées un peu plus en amont du mur sud-ouest de l’îlot B, J.-M. Carrié et N. Sanviti, 1979, p. 115-119 ; J.-P. Morel, 1982, p. 183, 187 sq. La question de l’origine de ces décombres reste posée.
2. Le tracé exact du côté est demeure hypothétique en l’absence de données fiables. F. Reyniers le confond volontiers avec celui de la grande enceinte périurbaine, mais c’est alors faire peu de cas du passage d’Appien, Lib., 95, qui situe cette dernière à une lieue environ de la colline de Byrsa.
3. On s’est basé pour cela sur la présence d’aménagements pour éléphants à l’intérieur du haut mur, puisque l’emploi de pachydermes n’est pas attesté dans les armées carthaginoises avant le début de la première guerre punique, Polybe, I, 18, 8 ; 19, 2, 10-11 ; Diodore, XXIII, 8, 1.
4. Des études ont démontré la baisse graduelle du niveau marin, à Carthage, dans l’Antiquité, ce qui a permis aux plages de s’engraisser progressivement durant les temps puniques. On s’accorde à reculer sensiblement la ligne maritime à l’époque archaïque par rapport à son tracé du IIe siècle, le niveau marin hellénistique correspondant en gros au niveau actuel, H. Hurst, R. Paskoff et F. Rakob, 1985, p. 613-617. On a pu situer ainsi le rivage archaïque à une centaine de mètres, environ, par rapport au tracé du rivage carthaginois à basse époque punique, c’est-à-dire à peu près à la ligne côtière actuelle, S. Lancel, 1990, p. 12-13. L’espace disponible entre la mer et l’aire sacrée de Salammbô apparaît alors trop limité pour pouvoir accueillir des installations portuaires.
5. Voir chap. VII.2, installations portuaires.
6. Les fouilles allemandes ont en effet réussi à dégager les restes d’un quartier d’installations artisanales remontant au VIIe siècle aménagé de cette manière, entre la ligne côtière archaïque et le cardo romain XV : deux murs alignés parallèlement au rivage et datant des VIIIe et VIe siècles ont été exhumés près de la côte, F. Rakob, 1987, p. 335 et 348-349.
7. S. Lancel, 1990, p. 27. Ainsi, les citernes puniques enfouies sous la maison des Auriges (pl. LXXVIII, 1, no 20) ou encore les quelques autres découvertes près de la ligne des dix mètres de la colline de Dermech (pl. LXXVIII, 1, no 15 et 21) divergent-elles de l’orientation standard parallèle à la côte. Il est vrai, dans tous ces cas, que l’on est déjà sur les premiers versants des collines de Byrsa et de Dermech auxquels s’appliquent de tout autres orientations comme on l’a vu plus haut. Les investigations réalisées sur l’habitat punique de la rue Astarté ont ainsi montré que de gros remaniements y ont été, progressivement, opérés : les alignements des différents murs qui se sont succédé au fil des reconstructions vont, en effet, dans le sens d’une harmonisation avec le système orthogonal de la plaine littorale (pl. LXXVIII, 1, no 8), F. Chelbi, 1980, p. 29 et 39 ; id., 1984, p. 23 et 30.
TROISIÈME PARTIE
DANS LA KOINÈ HELLÉNISTIQUE
1. IG XIV, 279.
2. D’ailleurs, le nom d’un de ces philosophes, Anthes ou Anthen, constitue, d’après l’aveu même d’O. Masson, 1994, p. 237, un hapax que le philologue a tenté d’attribuer aux terminaisons en -en des colonies mégariennes et corinthiennes. Pour appuyer sa démonstration et rejeter l’existence d’un groupe de pythagoriciens à Carthage à cette époque, O. Masson, 1995, p. 229-230, reprenant une thèse ancienne, propose une confusion entre Καλχηδόνιος (chalcédonien) et Καρχηδόνιος (carthaginois). Or Miltiadès est déjà présenté comme un Carthaginois dans un autre passage, extrait de Jamblique, De Pyth., 27, 128 (B. Centrone, 2000, p. 804), qui avait pour cadre une unité de mercenaires détachée de l’armée carthaginoise. De plus l’hapax, relevé plus haut par O. Masson, peut être expliqué à partir d’une racine onomastique punique en vigueur à Carthage comme ‘NT, ’NT ou ’NTḤN, F. L. Benz, 1972, p. 382, cf. S. Crouzet, 2004, p. 179-180. Il n’est donc pas nécessaire de corriger le texte et de nier l’existence de philosophes pythagoriciens à Carthage.
3. C. Jacob, 1991, p. 73-84. Ce goût pour les mirabilia était-il déjà dans le texte initial punique ou a-t-il été ajouté lors de la traduction grecque ? La résolution de cette question aurait permis de déterminer si la rédaction d’un tel genre littéraire était possible en langue punique. Pour cela, il aurait fallu déterminer jusqu’à quel niveau du récit on était capable de reconnaître les caractères phénico-puniques. Les études menées à la fois sur la sémantique et la toponymie utilisées dans le manuscrit d’Heidelberg ont bel et bien relevé des traits de culture sémitique assez loin dans le texte ; S. Segert, 1969, p. 509-518, mais elles n’ont pas permis de montrer que le texte initial punique contenait l’ambiance telle que perceptible sur le manuscrit grec.
4. Re. Martin, 1971, p. 45, note 3, situe l’œuvre à la fin du IVe siècle, l’intérêt quasi constant qui y est porté pour l’arboriculture et l’élevage s’inscrivant bien dans le cadre de la politique agricole développée par l’Etat carthaginois à cette époque ; C. et G.-C. Picard, 1982², p. 90, quant à eux, la situent du temps des guerres puniques. La littérature scientifique grecque comptait déjà beaucoup de compositions agronomiques à ces deux époques ; la manière avec laquelle Varron, R., I, 1, 10, place Magon après une lignée d’auteurs grecs laisse, en tout cas, croire à l’existence d’une littérature agricole grecque antérieure à Magon, HAAN IV, p. 4, note 3, J. Heurgon, 1976, p. 441 sq., que le savant punique aurait rassemblée en un traité unique, sorte de synthèse de toutes les connaissances sur l’agronomie avant lui éparpillées. G. Gentili, 1903, p. 153 sq., déjà au début du XXe siècle, avait mis en évidence des similitudes entre certains passages attribués à Magon dans les œuvres de Varron et Columelle et des extraits de philosophie économique attribués à Démocrite (Ve siècle), Théophraste et Aristote (IVe siècle). Des rapprochements peuvent être notamment opérés dans la façon de planter les arbres entre Théophraste et l’œuvre de Magon ou celle de ses traducteurs latins. Sur l’usage de l’œuvre de Théophraste dans le traité de Magon tel que rapporté par les commentateurs grecs et latins, G. Gentilli, 1903, note 3, p. 153, et Schneider, Script. rei rust., IV, pars III, p. 87-88, cité par HAAN IV, p. 8, note 4. On trouvera dans Aristote, De la génération des animaux, II, 8, et surtout dans Histoire des animaux, VI, 24, des passages très proches de celui rapporté par Varron (voir note précédente). Columelle, Rust., respectivement III, 12, 5 et IX, 14, 16, attribue conjointement à Démocrite et Magon deux extraits de son œuvre : « Démocrite et Magon faisant l’éloge de la région septentrionale du ciel parce qu’ils estiment que les vignes qui lui sont exposées deviennent plus prolifiques, bien qu’elles soient inférieures par la qualité du vin » ; « Démocrite et Magon, […], ont déclaré qu’on pouvait faire naître des abeilles d’un jeune taureau mis à mort. » Reste à déterminer si les similitudes constatées entre certains passages de Magon et les œuvres des auteurs grecs étaient dans l’œuvre originelle de l’agronome punique ou si elles procédaient, plutôt, d’additions réalisées lors de la traduction en grec par Cassius Dionysius. On sait en effet que Cassius condensa en 20 livres l’œuvre de Magon et qu’il y ajouta des données fournies par les auteurs grecs cités par Varron, R., I, 1, 10, et parmi lesquels se trouvent notamment Démocrite, Théophraste et Aristote. On peut dans ce cas avancer la bonne connaissance du grec de Magon, laquelle permet d’envisager que le général-agronome punique ait pu consulter des ouvrages agronomiques réalisés avant lui par la littérature scientifique grecque.
5. On mesure ici toute la difficulté à s’avancer sur ces sujets en l’absence de matériaux directs. Dans un tout autre registre, la discrimination des thèmes des nombreuses empreintes d’argiles découvertes sur le sol carthaginois (voir notamment celles découvertes par l’équipe allemande lors des fouilles réalisées sous la rue Ibn Chaâbat à Carthage, T. Redissi, 1999), entre celles hellénisantes et celles égyptisantes, a amené bon nombre de scientifiques à envisager d’attribuer d’abord cette documentation à des écrits de natures différentes (scientifique, littéraire, religieuse…), et, ensuite, à faire correspondre cette discrimination thématique à la langue utilisée pour leur rédaction, M. H. Fantar, 1991, p. 41. La variété des motifs hellénisants inviterait donc, si l’on retient l’hypothèse précédente, à conclure à l’existence d’ouvrages grecs dans les bibliothèques ou lieux d’archivage carthaginois, conclusion qui n’aurait rien de surprenant mais qui reste quand même à l’état hypothétique.
6. Plusieurs auteurs grecs et latins ont, de leur côté, fait mention d’historia Poenurum, de Punica historia, Pline l’Ancien, N. H., XVIII, 22-23, de Punicorum annalibus, Avenius, Ora Maritima, 414, ou de libri punici, Sol., 32, 2, Ammien Marcellin, XXII, 15, 8, Sall., Jug., 17, 7 ; Saint Augustin, Ep., 17, 2. Ces mentions ont longtemps été considérées comme autant de témoignages sur l’importance et la variété de la littérature punique : pour une revue complète des attestations sur ces témoignages classiques de la littérature punique, M. Sznycer, 1968-1969 ; S. Moscati, 1972, p. 600-605 ; M. H. Fantar, 1991. Pourtant, aucune indication n’est donnée sur l’origine des auteurs, ni – surtout – sur la nature de la langue dans laquelle ont été rédigés ces écrits. Ce manque de données, la sécheresse de la documentation amassée sur la littérature punique dans son ensemble ont amené certains spécialistes à remettre en cause le caractère punique de ces écrits (concernant les Libri punici, V. Krings, 1990 et 1991, p. 661-664), et, en général, à émettre des doutes quant à l’aspect qualitatif et quantitatif des écrits puniques, C. Baurain, 1992. Si la quasi-majorité des historiens contemporains, hellénistes compris, s’accordent pour reconnaître l’existence d’une littérature religieuse et épico-mythique – en langue phénicienne – propre à la civilisation phénico-punique, S. Moscati, 1972, p. 601 sq., C. Baurain, 1992, p. 164, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de la littérature dite de création, qu’elle soit du genre historique, philosophique ou autre. C. Baurain, 1992, p. 166 sq., par exemple, se base sur le caractère bref et répétitif des milliers d’inscriptions votives et funéraires, sur l’extrême rareté d’inscriptions plus importantes, sur les limites du système graphique phénicien quand il s’agissait de diffuser des créations littéraires individuelles et sur l’absence de mention avant l’époque hellénistique de ces historia Poenurum, Punica historia, Punicorum annalibus et autres libri punici, pour voir dans les ouvrages des bibliothèques de Carthage, autres que de nature religieuse et mythique, des écrits essentiellement rédigés en langue grecque. Qu’elles aient été rédigées par des Grecs, comme on l’a vu plus haut, ou par des Puniques hellénisés, l’éventualité d’œuvres écrites en grec par des Puniques étant également fort probable, la présence d’œuvres écrites en grec est largement envisageable, manifeste, mais non exclusive. On rappellera que Magon a écrit son traité en punique et prouvé par la même occasion qu’une littérature scientifique rédigée en punique était possible quand bien même elle serait de type compilatif (supra). D’autre part, on a vu, plus haut, qu’une littérature punique, autre que d’ordre religieux, a existé auparavant, qu’il s’agisse – outre le traité de Magon – du périple d’Hannon ou de la légende d’Elyssa. Mais s’agissaient-ils d’écrits ? Si on en discute encore pour le conte étiologique de la fondation de Carthage, on sait que, dans le cas du périple d’Hannon, il y a de réelles chances pour qu’il ait existé un original écrit punique à la traduction grecque.
7. Il est évident, pourtant, que la documentation épigraphique punique n’incite pas à tergiverser sur l’existence d’une littérature de création rédigée en caractères puniques telle qu’elle existe dans le monde grec. Tout au plus peut-on admettre que des Puniques aient pu composer, en langue grecque, ce genre de littérature sans toutefois avoir la possibilité pour cela d’utiliser les exemples d’Hérillos le Carthaginois et d’Asdrubal/Kleithomachos. Car le fait que le premier nommé, élève de Zénon de Kition, lui-même d’origine phénicienne, soit l’auteur d’un certain nombre de traités philosophiques rédigés en grec, Diogène Laërce VII, 1, 37 ; HAAN IV, p. 214, et que le second composa plus de 400 essais philosophiques en grec, Diogène Laërce IV, 10, 67 ; T. Dorandi, 1994, p. 425, ne démontre pas que l’ensemble des auteurs puniques composaient leurs œuvres uniquement en grec dans la mesure où les deux philosophes ne peuvent être considérés comme représentatifs de la littérature hellénistique punique : ils ont en effet été formés et ont exercé dans le monde grec, donc à l’extérieur de la sphère phénico-punique (concernant Hérillos, de gros doutes subsistent quant à son origine carthaginoise ; sur son origine chalcédonique, C. Guérard, 2000, p. 632 ; voir également V. Krings, 1991, p. 665-666 et note 79). D’autre part, la contribution d’un certain Charon à la littérature grecque à Carthage est suspendue au fait de savoir s’il vécut à l’époque punique ou postérieurement, HAAN IV, p. 214 et notes 4-6. Même les écrits d’Hannibal Barca sur Manlius Vulso, s’ils sont avérés, ont été composés à l’extérieur du monde punique, lors de son exil grec.
8. V. Krings, 1991, p. 656 sq. ; C. Baurain, 1992, p. 165 sq., ont mis l’accent, à juste titre, sur le goût de l’érudition hellénistique pour tout ce qui concerne la description des pays et paysages, l’histoire des peuples et des cités, C. Préaux, 1978, p. 677 sq., pour attribuer la composition des historia Poenurum, des Punica historia, des Punicorum annalibus et autres libri punici à des auteurs de tradition littéraire grecque, à l’instar des Phoinikika, des Peri Phoinikès et autres Phoinikikai historiai, FGH 274, 615, 752 et 783-794 ; d’autant que les attestations classiques sur les « histoires puniques » et les « annales puniques » ne remontent pas plus haut que le IVe siècle, époque correspondant à une période à partir de laquelle la littérature grecque commence à s’intéresser aux choses phénico-puniques : les « ouvrages d’historiens tyriens » qu’aurait consultés Timée de Tauroménium pour composer le passage relatif à la fondation de Carthage, FGH, 566 F 7 et 81J, ainsi que les « histoires phéniciennes » mentionnées comme source par le Pseudo-Aristote pour le récit de la fondation d’Utique, Pseudo-Aristote, De Mirabiles Auscultationes, 134, doivent donc être compris comme émanant de la littérature hellénisante. La narration historique bénéficiait pourtant d’une antique tradition dans la sphère orientale et phénicienne, S. Moscati, 1972, p. 600 sq. : des chroniques tenues par les Egyptiens ou les Assyriens aux œuvres historiographiques phéniciennes telles les « Annales de Tyr » – sorte de répertoire de la chronologie royale parsemé de quelques faits historiques du Xe au VIe siècle, G. Garbini, « Gli “anali di Tiro” e la storiografia fenicia » in R. Y. Ebied et J. L. Young (éds) Oriental studies presented to B. S. J. Isserlin…, 1980, p. 114-127 – en passant par l’inscription d’Eshmounazor, dans laquelle sont énumérées les actions du roi et les récompenses qui lui ont été attribuées par le roi perse, KAI 14, les événements historiques y étaient conscieusement consignés. Seulement, comme le note justement C. Baurain, 1992, note 26, p. 166, et S. Ribichini, « Trautos et l’invention de l’écriture chez Philon de Byblos », St. Phoen. VII, 1991, p. 201-213, p. 201-214, ces œuvres n’étaient qu’un enregistrement des hauts faits de souverains, sans aucune trame historique dans laquelle seraient intégrés ces événements comme c’est le cas dans les annales de type grec ; ces écrits historiques procédaient essentiellement de la culture de l’archivage, caractéristique de la littérature phénico-punique, G. Bunnens, 1979, p. 29 et 139, V. Krings, 1995, p. 32, héritière en cela de la tradition proche-orientale et mésopotamienne. A ce sujet, voir les différents articles dans K. R. Veenhoff (éd.). Cuneiform Archives and Libraries…, Leiden, 1983. Peut-on envisager qu’une historiographie de type grec et écrite en caractères puniques ait pu voir le jour ? Le très long texte bilingue déposé par Hannibal au temple d’Héra Lacinia, près de Crotone, démontrerait que les écrits puniques étaient bel et bien en mesure de composer un récit historiographique circonstancié : A. Momigliano, 1991², p. 59, rattache d’ailleurs ce document à une tradition punique elle-même issue de modèles proche-orientaux. Si tel était le cas, on aurait là un exemple concret de l’influence exercée par la composition historique grecque dans la façon d’appréhender le contexte général dans lequel s’insèrent les faits répertoriés. Mais il convient, là encore, de tenir compte des réserves émises par C. Baurain, 1992, p. 166-167 : l’helléniste met en avant le silence de Polybe sur la nature de ces écrits et l’absence de telles compositions dans la documentation épigraphique punique pour proposer une inscription essentiellement rédigée en grec. Force est de constater que cet état de fait correspondrait bien à la politique de propagande menée par Hannibal en direction du monde grec dans laquelle la composition en langue grecque apparaît indispensable : en déposant un texte rédigé en grec dans un haut lieu de culte de la sphère hellénistique tel que le temple d’Héra Lacinia, Hannibal renforce ses chances de voir son message diffusé à grande échelle.
9. La tendance à rendre des traits individualisés, voire portraitistes, peut également exprimer une certaine forme d’individualisme : la volonté portraitiste est un phénomène que l’on constate, par exemple, dans l’art campanien du IVe siècle, J.-P. Morel, « Le sanctuaire de Fondo Ruozzo à Teano (campanie) et ses ex-voto », CRAI, 1991, fig. 5, d-g et p. 21. Si la valeur esthétique de l’objet est primordiale dans le choix ornemental adopté par le Punique, elle se double d’un « acte technico-culturel inséré dans un réseau de croyances et d’habitudes (locales) », M. Bats, 1989, p. 197, adopté pour le dépôt du matériel funéraire ou votif.
10. On pourrait aussi expliquer la rareté de la découverte de ces objets en milieu funéraire parce que justement ces objets étaient luxueux et que les familles moins aisées préféraient les garder : à Tarente, on a le cas de ces tombes dans lesquelles ont été découverts des simulacres d’objets de luxe, très certainement pour pouvoir conserver les originaux à la maison ; d’autant que l’évolution religieuse à Carthage permettait désormais les dépôts symboliques funéraires : le mobilier accompagnant le défunt était nettement moins important à l’époque hellénistique qu’il ne l’était à l’époque archaïque, D. Anziani, 1915, p. XXXVIII ; H. Benichou-Safar, 1982, p. 247-248. M. H. Fantar, « Eschatologie phénicienne et punique », INAA, 1970, p. 15-17, lie ce phénomène à une évolution des croyances funéraires : le peu d’objets déposés alors ne serait qu’un moyen symbolique pour exprimer ses croyances.
11. A ce propos, J.-P. Morel, 1995, p. 17-18. On peut, dès lors, légitimement se demander si ces plats à poissons attiques à bord pas ou très peu retombant ne sont pas issus d’une inspiration ou d’une influence phénico-punique ou, plus vraisemblablement, s’ils n’ont pas été conçus spécifiquement pour la demande punique dans la mesure où ils sont peu représentés à Athènes, B. A. Sparkes et L. Talcott, 1970, t. II, no 1069, fig. 10. Peu importe, finalement, de savoir si ces plats à poissons attiques sont issus d’une inspiration ou d’une influence phénico-punique ou s’ils ont été conçus – spécifiquement – par la production grecque en fonction du marché punique ; ce qui importe ici c’est le choix réalisé par le consommateur punique parmi la vaste gamme proposée par le répertoire grec, choix conditionné, faut-il croire, par la familiarité de ces plats avec ce qui existait déjà dans le répertoire local et donc, finalement, par le mode alimentaire, voire les manières de table proprement puniques. Ce constat peut être également appliqué, donc, aux caccabai évoqués plus haut mais aussi, d’une manière générale, aux vases pseudo-campaniens à bord mouluré reposant sur une base pleine, S. Lancel et J.-P. Thuillier, 1979, no A.148.12, p. 206 et p. 219, fig. 63, no 16 ; F. Chelbi, 1992, no 71, p. 108-109, et dont la forme, étrangère au répertoire classique, présente plus d’analogies avec celle de certains plats puniques en céramique achrome, S. Lancel, 1982, p. 139, fig. 175, A.179.69. ; S. Lancel, 1987, p. 102-103 ; F. Chelbi, 1992, p. 36. Dans le même ordre d’idées, peut-être pourrait-on lier la vogue, dans le monde punique, des vases plastiques en forme de sandales aux vertus prophylactiques que la culture hellénistique prêtait à ce thème (ainsi, on trouve des bagues gréco-romaines et romaines à chaton en forme de sandale, F. H. Marshall, 1968², pl. XXIV, 946 et pl. XXXII, 1390 ; des amulettes romaines en formes de bottes, ib., 1969², pl. LXXI, 3135) puisqu’une divinité phénico-punique porte le nom de p‘m, qui signifie « pied » et que de nombreux théophores africains d’époque punique et néopunique sont composés avec ce nom, E. Lipiński, 1995, p. 215 sq. ; on peut penser que le pied avait également une portée prophylactique dans la sphère phénico-punique et que la culture punique a repris à son compte ce thème dans la création céramique. La vogue à Carthage de la coupe à anses, choisie dans le répertoire de la campanienne A, contraste singulièrement, en effet, avec la rareté de cette forme dans la céramique à vernis noir d’Italie méridionale qui tend, pourtant, à se spécialiser à la même époque dans la production de formes ouvertes, J.-P. Morel, 1995b, p. 420. Mais ces constats peuvent servir, justement, à limiter la réceptivité punique par rapport à ce rituel grec. Car, d’une part, le consommateur punique effectue son choix parmi les différentes formes céramiques proposées par la production grecque en fonction de ce qui lui est indispensable et non en fonction des habitudes grecques.
12. L’usage de la citerne comme système d’alimentation en eau, s’il apparaît comme une de ces installations communes au fonds méditerranéen, E. Guillaume dans DAGR (éd. C. Daremberg-M. Saglio), I, 2, 1887 (rééd. 1969), cf. cisterna (p. 1208-1211), p. 1208, est une constante domestique de l’habitat grec : dès le IVe siècle, l’alimentation en eau des habitations siciliennes est assurée par des citernes-réservoirs alors qu’elle l’était jusqu’alors par des puits, B. Pace, 1938, p. 344, 424. Si les citernes sont relativement peu nombreuses aux Ve et IVe siècles dans les habitations d’Olynthe – D. M. Robinson et W. Graham, 1938, p. 308 ; id., pl. 28, 2 et pl. 76 ; D. M. Robinson, 1946, p. 118, pl. 101 ; p. 153, pl. 123, 2 et 124 –, d’Himère – E. Joly, 1970, p. 251-252, et p. 267 et pl. LXI, 1 ; R. M. Bonacasa et E. Joly, 1976, p. 126-127, fig. 1 ; O. Belvédère et E. Epifanio, 1976, p. 241, fig. 2, p. 246, fig. 4 ; A. Tullio, 1976, p. 394-395, fig. 11 –, de Gela – P. Orlandini et D. Adamasteanu, 1956, p. 236 sq. ; P. Orlandini, 1957, note 7, p. 62 ; R. Panvini, 1996, p. 107 –, elles le sont de plus en plus par la suite dans les deux dernières villes citées. A Morgantina, « ogni casa a peristilio possedeva almeno una cisterna per l’acqua », A. Sposito § AA. VV., 1995, p. 91 : c’est le cas, par exemple, de « La Casa del Saluto », p. 95, mais aussi de « La casa di Ganimede », p. 105, situées dans la zone de l’acropole de Morgantina ; elles remontent autour de la moitié du IIIe siècle. Pour Mégara Hybléa, id., p. 345 et 346. L’aménagement de citernes à usage domestique est également attesté en Italie méridionale, à Monte Sannace par exemple, dans des habitations datées de la fin du IVe-début du IIIe siècle, B. M. Scarfi, 1962, p. 251 et 278, et fig. 213, p. 250, et fig. 217, p. 255. Dans le territoire de Carthage, les attestations archéologiques ne semblent pas remonter plus loin que la fin du Ve siècle, alors même que les citernes de cette époque ne semblent concerner que les établissements officiels, comme le montre le nombre de leurs aménagements sous le temple de la rue Ibn Chaâbat ou sous l’édifice militaire de Ras ed-Drek. A Carthage, nous n’avons, pour le IVe siècle, qu’une attestation – celle de Dermech – d’un aménagement de citerne en milieu domestique. Les citernes en forme d’outre, attestées sous le temple découvert par l’équipe allemande de F. Rakob, 1991a, p. 56, fig. 5, 12 ; 6, 24 ; pl. 4 I, sous la rue Ibn Chaâbat, remontent à un contexte daté entre la fin du Ve siècle et le IVe siècle ; la citerne (prof. : 3,5 mètres) de la maison punique découverte par l’équipe allemande, A. Rindelaub et K. Schmidt, 1996, p. 50, à Dermech – dans la région où se trouve le carrefour du decumanus maximus et du cardo X de la ville romaine de Carthage – a été aménagée au cours du IVe siècle ; les réservoirs de citernes découverts à Ras ed-Drek, site punique du cap Bon, appartenaient pour certains à un édifice militaire, pour un autre à un établissement religieux, et ne remontent pas plus haut que le IVe siècle, M. H. Fantar, 1975, p. 12-17, pl. I-V. Une citerne a été aménagée sous le sanctuaire punique de Cappiddazzu (Mozia) reconstruit après la destruction de la cité en 397, A. Saitta, 2003, p. 48 sq. et fig. 27, p. 49, alors que celle de Tharros a été édifiée vraisemblablement entre la seconde moitié du IVe siècle et la première moitié du IIIe siècle, G. Pesce, 1960, fig. 13, moitié gauche de la planche. Les maisons de Kerkouane semblent, quant à elles, avoir favorisé l’utilisation du puits, plutôt que la citerne, comme source d’alimentation en eau, M. H. Fantar, 1985, p. 400. Les maisons reconstruites à Sélinonte au cours du IVe siècle par les Puniques abritent déjà des citernes de type punique, R. Martin, 1977, p. 60. C’est le cas pour les maisons d’autres cités siciliennes occupées par les Puniques. A Héracléa Minoa, les maisons, datant de la première moitié du IIIe siècle, sont souvent pourvues de citernes à l’intérieur même des habitations, G. Vallet et R. Martin, 1980, p. 341. A Solonte, les citernes domestiques sont nombreuses : certaines habitations sont même pourvues de deux citernes, M. de Vos, 1975, p. 197 et fig. p. 212-213, et V. Tusa et alii, 1994, p. 49-51, Tav. 10, p. 50. Idem à Monte Iato où « La casa a peristilio 1 », datée de la première moitié du IIIe siècle, dans un site encore incomplètement fouillé, compte jusqu’à quatre citernes, H. P. Isler, 1991, p. 59 !
13. Cicéron, Discours, seconde action contre Verrès. Livre quatrième : les œuvres d’art, I, 1-2. Cicéron, ib., XXXIII, 72, met bien l’accent sur la systématicité avec laquelle les Puniques s’emparèrent, lors du sac de Ségeste, de « tout ce qui pouvait servir d’ornement à Carthage ». On peut penser que cette systématicité s’est appliquée à l’ensemble des cités grecques punies par Carthage. Pour ce qui est des œuvres grecques « razziées » en Sicile et attestées à Carthage même, on sait que Scipion Emilien les exhiba le jour de son triomphe, Appien, Lib, VIII, 135. Parmi cette glane, le vainqueur de Carthage s’évertua à rendre à leurs propriétaires, après le sac de la métropole africaine, les œuvres que les Puniques avaient confisquées aux cités grecques lors des guerres de Sicile : sur cette imitatio Alexandri, J.-L. Ferrary, 1988, p. 578-588. Cicéron, Discours, seconde action contre Verrès. Livre second : la préture de Sicile, XXXV, 87, les énumère avec précision : « C’étaient des statues d’airain en grand nombre, parmi lesquelles il en était une d’une grande beauté, Himère en personne, représentée, d’après le nom de la ville et du fleuve, avec les traits et l’extérieur d’une femme. Il y avait aussi une statue du poète (Tisias) Stésichore – un vieillard courbé, avec un livre – qui passait pour un chef-d’œuvre de l’art. […] Il y avait encore, j’allais l’oublier, une chèvre, une vraie merveille… » ; ces œuvres furent remises, en 146, aux habitants de Thermae où s’étaient installés les survivants de l’ancienne Himère, à laquelle elles appartenaient, id., 86-87.
14. Cicéron, Discours, seconde action contre Verrès. Livre quatrième : les œuvres d’art, XXXIV, 74. Les nouveaux adorateurs puniques de cette statue pourraient être ceux de la Tinnit punique puisque cette dernière est assimilée à Artémis, CIS I, 116 = KAI 53.
15. A ce sujet, la littérature est beaucoup plus diserte ; tout juste apprend-on la confiscation par les Romains de nombreuses œuvres pillées sur le site de la cité punique agonisante, Cicéron, Discours, seconde action contre Verrès. Livre second : la préture de Sicile, II, 3 ; Diodore, XXXII, Excerpt. de Virt. et Vit., p. 591 ; Appien, Lib, VIII, 135. Cicéron, Discours, seconde action contre Verrès. Livre quatrième : les œuvres d’art, XXXIX, 84, évoque une belle statue de Mercure qui aurait été offerte par le vainqueur de Carthage aux habitants de Tyndare, mais sans que l’on en sache plus sur le style ou sur le cachet de l’œuvre. De même dispose-t-on de la description ornementale de la statue d’Apollon enlevée à la suite du pillage de son temple, situé non loin de la place publique, Appien, Lib, VIII, 127. Sur son identification avec la statue d’Apollon dressée à Rome à l’époque de Plutarque, F. Coarelli, 1988, p. 156-157, mais rien sur sa physionomie. Pline l’Ancien, N. H., XXXVI, 39, mentionne, par ailleurs, une statue d’Hercule/Milqart qui serait d’origine carthaginoise, située prés du Portique des Nations à Rome, mais sans donner aucun autre détail (sur l’utilisation de l’aspect victorieux d’Hercule/Héraclès dans la propagande romaine, J. Gagé, 1940, p. 428 sq.). Ces œuvres étaient-elles de facture grecque ? Rien ne permet de l’affirmer.
16. Les portraits féminins en terre cuite découverts en milieu d’habitat à Carthage, à basse époque punique, et façonnés de manière artistique, montrent la forte probabilité qu’il ait existé des modèles de ce genre en marbre ou en pierre. Il aurait été intéressant, également, d’avoir une description détaillée des nombreux fragments de têtes masculines et féminines sculptées découverts sur la colline de Borj Djedid par le R. P. Delattre, 1923, p. 354 sq. Mais la documentation archéologique en notre possession ne permet pas de traduire sur pierre ou sur métal ces portraits coroplathes à Carthage. On a pourtant tenté d’attribuer à Hannibal Barca plusieurs bustes en bronze de type hellénistique, maintenant exposés aux musées de Naples, S. Lancel, 1995, fig. 68, et de Rabat, G.-C. Picard, 1965. Pline l’Ancien, N. H., XXXIV 15, 32, affirme, de son côté, que trois statues représentant le Barcide ont été exposées dans les rues de Rome. Si on n’est toujours pas en mesure d’attribuer ces œuvres aux artistes d’Hannibal, le doute continuant même à planer sur l’identification des bustes en bronze, l’existence de portraits barcides demeure, néanmoins, plus que probable : on verra qu’Hannibal s’était préoccupé de son image et de sa propagande personnelle. D’ailleurs, d’après Pline l’Ancien, N. H., XXXV 4, 14 – en parlant très certainement de l’aristocratie militaire –, « les Carthaginois eurent coutume de fabriquer en or, écus et portraits et de les transporter avec eux dans leurs camps ; c’est, en tout cas, lors de la prise de l’un d’eux que Marcius, le vengeur des Scipions en Espagne, trouve un écu de ce genre à Asdrubal (Barca), et ce trophée demeura au-dessus du portail du temple du Capitole jusqu’au premier incendie ». Si on ne peut déterminer le style et le cachet utilisés pour la réalisation de ces portraits, on peut toutefois avancer que la culture hellénistique des Barcides a fait réaliser des bustes selon les canons grecs, comme cela a été le cas pour les statues-couvercles des sarcophages. La rareté des attestations de la statuaire de type grec – autres que celles figurant sur le couvercle des sarcophages carthaginois – découvertes dans le territoire de Carthage ne préjuge cependant en rien de leur quantité à l’époque punique de la métropole africaine dans la mesure où la rareté des découvertes d’œuvres sculpturales en général peut s’expliquer surtout par le fait qu’elles étaient plus exposées que ne l’étaient, par exemple, les sarcophages enfouis sous terre. Les attestations statuaires d’époque punique sont en effet extrêmement rares.
17. Pausanias, V, 17, 4, auteur grec du IIe siècle ap. J.-C., avance, en effet, que la statue en bronze doré conservée dans l’Héraion d’Olympie et représentant un enfant nu assis auprès d’Aphrodite est l’œuvre d’un certain Boéthos Καρχηδόνιος ; par ailleurs, une base en marbre d’Ephèse, remployée à l’époque romaine, et à laquelle on adjoint une copie de l’Enfant à l’oie, porte la signature d’un Вόηθος ’Απολλοδώρου Καρχηδόνιος, « Boéthos, fils d’Apollodore de Carthage », J. Marcadé, 1957², p. 34 et verso. Cependant, de nombreuses voix se sont élevées contre l’interprétation carthaginoise de l’ethnique du Boéthos du texte de Pausanias, dans la mesure où de nombreuses autres sculptures sont signées par des Boéthos Καλχεδόνιος, de Chalcédoine : ainsi une base de forme rectangulaire en marbre bleuâtre découverte à Délos, et datée aux environs de 184, porte la signature d’un Вόηθος ’Αθαναίωνος, J. Marcadé, 1957², p. 28, pl. XXX, 2 et 4 ; CIG 1540, vraisemblablement le même qui a signé par Вόηθος ’Αθαναίωνος Καλχεδόνιος une base en marbre de Lartos, découverte sur le site de Lindos, datée vers 164, ib., 1957², p. 28 et pl. XXIX, 4. En revanche, le Вόηθος Καλχηδόνιος, auteur d’un groupe en bronze réunissant un Hermès sur lequel est adossé un âgon, découvert dans la cargaison d’une épave prospectée au large des côtes de Mahdia, A. Merlin et L. Poinssot, 1909, p. 42, pl. IV, fig. 1-2, inscr. p. 45 ; J. Marcadé, 1957², p. 29 (reconstitution de l’œuvre au verso), est un sculpteur à distinguer du précédent dans la mesure où certaines caractéristiques de l’œuvre font remonter celle-ci à la première moitié du IIIe siècle, Ch. Picard, 1953, p. 105 sq. ; J. Marcadé, 1957², p. 30 et verso. Plusieurs autres œuvres sont, par ailleurs, signées d’un Boéthos cité sans ethnique (J. Marcadé, 1957², verso p. 30 et p. 31 : sur base en marbre se rapportant à un Asclépios enfant ; id., p. 32-33, pl. XXX, 5 (= CIG 1703) : signature de Вόηθος και Θεοδόσιος έΠοίησαν sur une base en marbre découverte à Délos ; J. Marcadé, 1957², p. 35-36 : sur trône en marbre), alors que les sources littéraires mentionnent, également, le nom de l’artiste sans ethnique : Pline l’Ancien, N. H., respectivement XXXIII, 155 et XXXIV, 84, par exemple, évoque ce Boéthos auteur d’une œuvre, en bronze, figurant Eros étranglant une oie et le signale également à propos d’une production abritée par le fameux sanctuaire d’Athéna Lindia (Lindos). S’agit-il d’un de ces deux Boéthos de Chalcédoine cités précédemment ? Probablement, dans la mesure où la littérature gréco-latine nous renvoie la célébrité d’un Boéthos dans le domaine de la sculpture sur pierre ou sur métal (Si A. Merlin et L. Poinssot, 1909, p. 45 sq., identifie le Boéthos de la littérature à l’auteur du bronze de Délos et de Lindos, Вόηθος ’Αθαναίωνος Καλχεδόνιος, les recherches menées par Ch. Picard, 1953, tendent à reconnaître plutôt l’auteur du groupe en bronze de l’âgon et de l’hermès de Mahdia, J. Marcadé, 1957², p. 30 et verso) et que Ch. Picard, 1953, p. 105, appelle « Boéthos le Grand » pour le distinguer d’autres homonymes. Peut-on, pour autant, retenir comme valable l’argument selon lequel une altération entre le λ de l’ethnique chalcédonien et le ρ carthaginois aurait entraîné la confusion des ethniques, J. Marcadé, 1957², p. 34 et verso, pour écarter l’origine carthaginoise du Boéthos cité plus haut ? On a vu quel sort a été réservé à cette thèse lorsque l’on a voulu l’appliquer aux quatre pythagoriciens de Karkhedonios. Comment expliquer, d’autre part, l’attestation épigraphique d’Ephèse ? Car même si on écarte l’hypothèse selon laquelle Boéthos fils d’Apollodore serait l’auteur de l’Enfant à l’oie – qui serait, donc, plutôt une copie romaine –, la forme ancienne de l’ethnique Carthage utilisée dans la signature de la base (Καρχηδόνιος plutôt que le Καρθαγεννήσιος de l’époque impériale) peut remonter au IIe siècle, J. Marcadé, 1957², verso de la p. 34. Et si l’on retient la distinction opérée entre le Boéthos carthaginois et la statue de l’Enfant à l’oie, notre sculpteur punique paraît encore plus éloigné de la confusion avec le Boéthos de Chalcédoine, quel qu’il soit, dans la mesure où celui-ci apparaît associé, justement, à ce type d’œuvre d’après les sources littéraires, Plin., N. H., XXXIII, 155. Sur l’intérêt, signalé par la littérature gréco-latine, du Boéthos grec pour le thème de l’enfance, Ch. Picard, 1953. Il est donc fort probable que parmi les nombreux homonymes du sculpteur grec « Boéthos le Grand », il en ait existé un d’origine carthaginoise. Que ce dernier ait été ou non l’auteur des œuvres qu’on lui prête, la signature sur la face de la base en marbre d’Ephèse réemployée à l’époque romaine, mentionnant le nom avec l’ethnique carthaginois, atteste en tout cas de sa fonction de sculpteur. Sur l’usage du marbre dans le monde punique et dans l’Occident phénicien d’une manière générale, H. Dridi, 2001.
1. Certes, on a le cas de Timée de Tauroménium, au IIIe siècle, promoteur en quelque sorte de ce qui deviendra plus tard la punica fides dont les Romains accablaient les Puniques, A. Momigliano, 1979², p. 15. Mais ses compositions anticarthaginoises sont à inscrire dans le sillage de l’œuvre politique nationaliste du Corinthien Timoléon qui représente, pour l’historien sicilien, l’idéal de l’homme d’Etat au service de la cité grecque. On sait maintenant que le jugement favorable des Vies de Timoléon de Plutarque et de Cornelius Nepos repose largement sur l’œuvre de Timée dont la ville natale, Tauroménium, fut l’hôte du héros corinthien, Diodore, XVI, 68, 8 ; Plutarque, Tim., X, 6-7. D’ailleurs, Timée, en bon élève de l’école d’Isocrate, plaçait son œuvre littéraire dans le cadre d’une propagande visant à promouvoir le rôle de son île natale dans la contribution à l’émergence d’un hellénisme conquérant, J. Sirinelli, 1993, p. 144 ; V. Krings, 1998, p. 292. Il est particulièrement significatif, en tout cas, de constater que Polybe, malgré son parti pris proromain, se refuse à cautionner cette réputation faite aux Puniques, Polybe, IX, 26, 9 et XXXI, 21, 6 ; d’autant que l’ami des Scipions avait certainement compris, par ses racines hellènes, que la punica fides, dénoncée par la littérature latine – en réaction à l’usage de la métis par Hannibal lors du conflit avec Rome, attitude qui contribua à entraîner l’ensemble des Puniques dans l’opprobre –, trouvait en fait ses origines, via l’éducation grecque du Barcide, dans la graeca fides.
2. IG II² 342+. Pour le décret de 360, CIG I, 87 ; pour l’hommage à Apollon, CIS I, 114.
3. La CIS I, 116 mentionne un « ‘Abdtinnit » en Attique : voir également Hérodote, VII, 167C.
4. Sur l’ambassade carthaginoise, IG II² 418. On a par ailleurs, à Délos, plusieurs attestations épigraphiques sur la présence de Carthaginois dans l’île à une époque (mil. 2e moitié du IIe siècle) où l’île était sous gouvernement athénien : hormis ce Βαλίτων, transcription grecque du nom punique B‘lytn, O. Masson, 1971, p. 62, apparaissant sur une double liste de dédicants aux dieux égyptiens de l’île datée du début du IIe siècle, IG, XI 4, 1228 et 1229, ligne 11 ; J. Tréheux, 1992, p. 33, liste de droite, on a, pour l’époque qui nous intéresse, les mentions d’un Μάγων (Magon) au Sarapiéion, ID 2618 b, II, (ligne 35) ; O. Masson, 1971, no 6, p. 64-65, d’un Hannon, d’un Imilcon, M.-F. Baslez, 2000, p. 197, et de trois occurrences de l’ethnique Kalchédonios/Karchédonios, ID 1429 A, II (ligne 11) ; EAD, XXX, no 420. Sur la confusion déjà constatée, dans les écrits grecs, entre Kalchédonios et Karchédonios : cf. le cas de Boéthos le sculpteur. Même la remise en cause de l’origine punique de ce ’Іώμιλκος – qualifié de Вασιλεύς dans l’une des nombreuses remises à jour des dépôts prestigieux des sanctuaires les plus importants de Délos, IG XI² 223, Ba, 11. Sur une vue synthétique des nombreuses remises à jour concernant la consignation des offrandes de Iomilkos, dépositaire d’offrandes à Délos, au bénéfice d’une origine chypriote, M.-F. Baslez, 2000, p. 198 et annexe, p. 202-203, atteste finalement de la persistance des liens entre Athènes et Carthage : M.-F. Baslez arrive en effet à mettre cette confusion sur le compte d’une réinterprétation opérée par la gérance athénienne ; celle-ci, lors d’un recoupement général du matériel du sanctuaire, en 140, aurait rectifié le nom phénicien en un nom punique orthographié Eimilikou, ID 1450, A, 62, après avoir dans un premier temps ajouté l’ethnique Καρχηδόνιος, démontrant ainsi, d’une certaine manière, le caractère particulier des relations punico-athéniennes qui aurait conditionné le préposé à la gérance.
1. L’évolution des relations commerciales déployées par les Puniques à travers la Méditerranée détermine deux temps dans lesquels est pris en compte le contexte politique auquel elle est intimement liée : la période à l’intérieur de laquelle le négoce carthaginois évoluait de manière, pourrait-on dire, « indépendante » par rapport à celle où il devait tenir compte des nouvelles contraintes imposées par la domination romaine en mer Méditerranée après Zama. Les échanges avec les Grecs s’en trouveront forcément conditionnés et il ne sera pas téméraire d’expliquer l’émergence ou le déclin d’un partenaire grec donné à l’intérieur d’un de ces deux contextes politiques. Les divisions régionales établies à l’intérieur du monde grec le seront donc, ici, en fonction de la valeur quantitative les représentant sur le plan des échanges avec les Puniques : on mettra en évidence celles se distinguant particulièrement dans le cadre chronologique étudié.
2. Les échanges entre Carthage et Athènes sont très mal documentés sur le plan numismatique : seules quelques monnaies puniques en bronze sont visibles dans le musée d’Athènes ; mais, issues de collections privées, elles demeurent de provenance inconnue, M. Oeconomides, « Les séries de monnaies puniques du Musée numismatique d’Athènes » St. Phoen, IX, 1992, p. 87-88. A Carthage, à part quelques monnaies d’Athènes datées du Ve siècle découvertes à Bizerte, HAAN IV, p. 151, on n’a pas fait de découvertes monétaires importantes allant dans le sens que l’on voudrait.
3. Les échanges entre Carthage et Alexandrie peuvent de prime abord paraître évidents tant les deux métropoles apparaissent à l’époque hellénistique comme deux des grands pôles du négoce international ; pour M. I. Rostovtzeff, 1941, p. 396, et P. M. Fraser, 1972, p. 152 sq., en tout cas, la constitution d’un axe commercial entre la métropole punique et la capitale lagide ne fait aucun doute. On pourrait retenir, au crédit de cette thèse, l’existence de relations politiques, ponctuées d’une certaine présence punique en Egypte ptolémaïque – où des graffitis puniques et néo-puniques ont été reconnus à Memphis et Sérapéum (CIS I, 97) ; sur la présence de marchands puniques à Alexandrie, P. M. Fraser, 1972, p. 187 – et inversement d’une présence alexandrine à Carthage, H. G. Niemeyer, « Eine Ptolemäeike aus Karthago », in Hommage à J. Leclaut, III, 1994, p. 391-395. Seulement, l’axe commercial Carthage-Alexandrie fait partie de ces évidences qui ne sont pas aisées à confirmer tant il est mal documenté sur le plan archéologique ; car, hormis des similitudes céramiques dans les tendances techniques et formelles, J.-P. Morel, 1986 ; id., 1995a, p. 370-371, la découverte de quelques monnaies de Ptolémée, R. P. Delattre, Bull. Arch. du Comité, 1893, p. 116-117 (Ptolémée II Philadelphe) et 1896, p. 70 (l’équipe dirigée par S. Lancel a découvert une monnaie en bronze remontant à Ptolémée Evergète), et la modeste présence de céramique plastique à vernis noir et en faïence, de provenance ou de tradition alexandrine, les attestations matérielles sur le sujet sont très loin de nous présenter un canal commercial tel que celui existant, par exemple, entre Carthage et une autre des grandes places commerciales, Athènes. Certes, il existe une réelle influence de la magie égyptienne sur les croyances puniques, via l’héritage phénicien, qui se manifeste à travers la présence, durant toute l’époque punique, des amulettes et scarabées égyptiens ou égyptisants dans le dispositif funéraire ; mais la métropole punique s’était mise à imiter abondamment ces objets à partir du IVe siècle, au point où l’on a du mal, par la suite, à retrouver des pièces d’importation nilotique. L’iconographie religieuse égyptienne, largement répandue dans l’art funéraire punique, et l’ornementation architectonique (colonne à chapiteaux hathoriques, corniche dite à gorge égyptienne notamment) relèvent, quant à elles, plus de l’antique influence nilotique sur les croyances phénico-puniques, via l’héritage phénicien, que d’une quelconque contamination ptolémaïque.
4. La découverte, dans les eaux littorales d’Apollonia, d’amphores à collerette évasée, des céramiques du type Mana C2, du type Ramon T-7. 4. 3. 1 et Beltran Lloris 18/1 ou encore des types Uzita I et Uzita 2 (amphore à lèvre en bandeau), peut-être originaires de la Byzacène, attestent de courants commerciaux, même modestes, entre la sphère punique et Cyrène, A. Laronde, 1990, p. 10-11, qui auraient très bien pu concerner le commerce du vin comme tendrait à le prouver le passage de Strabon. Plus étonnantes sont les découvertes de céramiques réalisées à Euhespérides, près de Benghazi (Libye), A. Wilson, 2003, p. 1669-1671. Moins d’un tiers de la céramique commune importée du site s’est révélé être d’origine punique : essentiellement représentés par des askoï, bols, chytroi et lopachia, datant du milieu du IIIe siècle, ces produits proviendraient de deux grands groupes de fabriques puniques non encore déterminées. En tout cas, cette présence assez significative de matériel punique à Euhespérides tendrait à prouver qu’elle a également concerné d’autres centres de la région. Par ailleurs, de nombreuses monnaies de Cyrène ont été découvertes dans le monde punique : des trésors de monnaies originaires de Cyrène ont été découverts en Algérie, à Tunis et à Corvo, IGCH, no 2276, 2265 et no 2299. Le musée du Bardo contient un important lot de monnaies cyrénaïques dont on ignore malheureusement le lieu de découverte, L. Rahmouni, 1996, p. 13-37. Néanmoins, la présence de monnaies de Cyrène dans le trésor découvert à Tunis en 1955, et datées aux alentours de 300, doit elle être liée à l’expédition militaire d’Ophellas (fin du IVe siècle), A. Laronde, 1987, p. 355.
5. J. Ramon Torres, 1995, p. 278. Kaulonia et Lipari : M. Cavalier, 1985, p. 56-58, pl. XVI, a-b, fig. XVI, a-b. Les rapports pacifiques entre Grecs d’Occident et Puniques sont également illustrés sur le plan numismatique : en Sicile, ils sont démontrés par l’exégèse du trésor des monnaies découvertes à Bolognetta, dans un milieu sicano-punique, A. Cutroni Tusa, 1968, p. 71. Par ailleurs, des monnaies de la Sicile grecque ont été découvertes à Carthage et dans l’ensemble du monde punique : ce sont les pièces syracusaines qui dominent dans un trésor enfoui, au Ve siècle, à Bizerte, HAAN IV, p. 151 ; d’autres, vraisemblablement enfouies en 300, ont été découvertes dans l’éparchie punique de Sicile, à Palerme, G. K. Jenkins, 1978, p. 55.
6. Le caractère périssable de la plupart d’entre eux nous ôte, de fait, toute possibilité d’évaluation. On pourrait certes s’en faire une idée matérielle à travers les amphores – véritables conteneurs de l’époque et indice, s’il en faut, du commerce de produit périssable – ou, plus largement, à travers ce que J.-P. Morel, 1983, p. 555, appelle les « vases-récipients », terme qui permet d’englober les petits récipients à parfum ou à onguent – dont le commerce devait également être important. Mais si les conteneurs peuvent attester d’un commerce direct entre les deux sphères commerciales, leurs contenus demeurent encore difficiles à déterminer, même si l’on sait que l’huile et le vin étaient leur cargaison de principe du moins en ce qui concerne les exemplaires importés de la sphère grecque. Sur les difficultés à distinguer les amphores à huile des amphores à vin et, plus généralement, sur la problématique du contenu des amphores grecques, Y. Garlan, Amphores et timbres amphoriques grecs…, de Boccard 2000, p. 83-91. Tous les produits non périssables (sculpture, vases, etc.), s’ils permettent, tant bien que mal, de déterminer les routes commerciales, quand ils ne sont pas l’œuvre d’artisans grecs installés sur place, ne constituent qu’une partie minoritaire du volume global des échanges, J.-P. Morel, 1983, p. 550-551, hormis peut-être ceux entretenus avec Athènes ; ils sont donc susceptibles de fausser l’évaluation du trafic général s’ils sont pris comme unité de mesure du commerce gréco-punique. Les exportations alimentaires puniques sont moins bien attestées archéologiquement dans la mesure où ce domaine n’a pas donné lieu à un intérêt comparable à celui des importations ; de plus, les amphores puniques sont longtemps restées méconnues. Mais les récentes études tendent à s’appliquer à les reconnaître là où elles se trouvaient. Les salaisons apparaissent, en effet, à la lumière des attestations littéraires, numismatiques et épigraphiques, comme une des constantes de la production agro-industrielle punique, L.-I. Manfredi, 1995a, et leur écho à travers la littérature gréco-latine ne peut s’expliquer, au même titre par exemple que les pavimenta poenica, que par leur diffusion et leur renommée à travers la Méditerranée : des restes de sauce de poisson ont d’ailleurs été reconnus sur certains fragments amphoriques puniques de Corinthe et probablement sur ceux de l’épave de Plane 2, près de Marseille ; d’une manière générale, les amphores puniques de type Ramon T-11. 2. 1. 3 et T-4. 2. 1. 7, reconnues dans plusieurs autres centres grecs du pourtour méditerranéen, ont pu transporter des salaisons de poisson. Enfin, la réputation de « grenier à blé de Rome » de l’Afrique proconsulaire sous domination romaine devait certainement déjà être de mise à l’époque hellénistique, H. Van de Werff, « Amphores de tradition punique à Uzita », BABesch, 52-53, 1977-78, p. 182.
7. H. Rix et alii., Etruskische Texte, Tübingen, 1991, inscription no Af 3.1. Sur la tessère de Lilybée, IG XIV, 279. La volonté punique d’intégrer les circuits de la koinè commerciale hellénistique va jusqu’à l’adoption du système acrophonique utilisé par les Grecs, J. de Hoz, 1989, p. 121-122 : ce système permettait la comptabilité, par les Puniques, d’une partie de la marchandise, probablement dans le cadre du grand commerce de redistribution. En milieu punique, elles pouvaient revêtir la forme de lettres, de motifs (signe de Tinnit, caducée, dauphins, etc.) ou de figures humaines, P. Berger, Antiquités puniques, Musée Lavigerie, Ire série, Paris, E. Lerous, 1900, pl. VII.
8. R. P. Delattre, Mél. de l’Ecole Fr. de Rome, 1891, no 41, p. 64.
QUATRIÈME PARTIE
LA GUERRE DE « SICILE ET DES ÎLES » (264-241)
1. Tite-Live, XXI, 10, 8 ; Orose, IV, 3, 1 et 5, 2 : ce dernier va jusqu’à évoquer une bataille entre les deux métropoles qui aurait abouti à la rupture du traité de 279. Pour Tite-Live, cette version lui permet de rejeter la responsabilité de la guerre sur Carthage.
CINQUIÈME PARTIE
1. A ce sujet, J. Alexandropoulos, 2000, p. 82-88. Sur la thèse d’une confédération campanienne et libyenne, L.-I. Manfredi, 1995, p. 156-157. Contra : L. Loreto, 1995, p. 110 sq. ; J. Alexandropoulos, 2000, p. 84 et 88.
2. Appien, Ib., 4, 16.
1. R. Olmos Romera, 2004, p. 265-267. On n’a pas hésité à voir dans la formation des jeunes Barcides une éducation dans laquelle est posée en paradigme « el modelo del militar adulto […], en connivencia con ingredientes pederásticos, inicia al joven sucesor », R. Olmos Romera, 2004, p. 265 ; le passage de Cornelius Nepos prêtant à Amilcar Barca une relation immorale avec le jeune Asdrubal le Beau est même apparu comme une illustration dans la mesure où le premier des Barcides aurait pris pour prétexte le besoin d’être secondé sur le plan politique et militaire pour ramener en Espagne, Tite-Live, XXI, 2, 3-4, celui qui est devenu entre-temps son gendre. Cette vision des choses se heurte à deux objections : la première est que cette accusation, lancée par la littérature latine, peut apparaître comme une propagande issue de l’annalistique romaine, donc du clan antibarcide ; en ce qui concerne la thèse du développement d’une certaine forme de pédérastie dans la formation des jeunes Barcides, elle fait peu de cas du poids des liens familiaux dans la société punique (cette réalité sociale peut être illustrée par la persistance dans l’onomastique punique de la paponymie) : la pratique du népotisme dans les instances exécutives barcides est d’une telle évidence que l’on peut affirmer que le pouvoir barcide était avant tout une affaire de famille.
1. L’habitude des monarchies macédoniennes d’émettre des monnaies d’or à l’effigie d’Héraclès remonte à Philippe II de Macédoine et à la dynastie des Argéades dont le héros grec était le fondateur, F. Chamoux, 1981, p. 30 et pl. 19-20. La tutelle de cette divinité permettait aux capitaines hellénistiques de bénéficier à la fois de la capacité du héros à la léonté à assurer la victoire militaire, mais également de son aura divine nécessaire au développement de la mystique du chef sur laquelle ils fondaient leur hégémôn : les rois hellénistiques ne sont en fait que des généraux ayant assis leur prise du pouvoir sur le concept du culte de la victoire. Le spartiate Lysandre, vainqueur d’Athènes en 404, est le premier à instituer ce culte.
2. Ainsi, Hannibal n’attaqua Sagonte qu’après avoir demandé conseil à l’Etat carthaginois, et c’est au sénat, à Carthage, que furent renvoyés les ambassadeurs romains en mission après avoir été éconduits par le chef punique, Polybe, III, 15, 8 et 15, 12. C’est accompagné d’un membre du sénat, et seulement après décision de ce même sénat, que Magon Barca put se rendre en Espagne, après la bataille de Cannes, pour recruter des mercenaires, Diod., XIV, 47, 3. Plus révélateur, on voit Hannibal rendre compte de ses campagnes au sénat de Carthage après Trasimène, Polybe, III, 87, 4, et après Cannes, via son jeune frère Magon, Tite-Live, XXIII, 11, 7-12, et XXIII, 12-13. Le gouvernement carthaginois se permettait même d’imposer ses points de vue stratégiques à Magon ou à son frère Hannibal : Magon reçut l’ordre de Carthage, en 206, d’opérer un débarquement en Ligurie et de rejoindre Hannibal, Tite-Live, XXXVI, 1. Ce dernier dut se résigner à rejoindre l’Afrique, en 203, ne quittant l’Italie que parce que le Sénat en avait décidé ainsi, Tite-Live, XXX, 20. La conclusion des traités internationaux ne s’effectuait, également, qu’avec l’assentiment sénatorial. Certes, le traité de l’Ebre – établi, en Ibérie, entre Asdrubal le Beau et Rome –, fixant la limite de l’expansion carthaginoise, se fit, sans la représentation officielle de l’Etat carthaginois, Polybe, II, 13, 7 et III 27, 9 ; Liv., XXI, 2, 7 et XXI, 18, 1. Appien, Ib., VI, 7, 26, affirme, quant à lui, que c’est avec l’Etat carthaginois, en Afrique même, que les Romains traitèrent. (Voir en dernier lieu E. Acquaro, « The Shield of Hasdrubal », in G. Pisano (éd.), Phoenician and Carthaginians in the Western Med., 1999, Rome, p. 31-34), mais il convient ici de restituer cet accord dans le cadre des prérogatives militaires attribuées aux Barcides à l’intérieur de l’Ibérie. Car, à partir du moment où l’expédition barcide commence à prendre des proportions plus internationales, avec l’entrée en scène de Rome, on voit le sénat prendre ses responsabilités, comme lorsqu’il eut à gérer les inquiétudes romaines lors du siège de Sagonte. Ainsi, le pré-accord conclu entre Macédoniens et Puniques en 215 se déroula en présence de magistrats puniques, membres du sénat et du Conseil des Cent-Quatre, H. Chroust, 1974. Le traité, tel qu’il nous est parvenu, via Polybe – et qui correspond au contenu du premier traité parvenu aux Puniques et remanié par eux avant qu’il ne soit intercepté par les Romains au retour –, était conçu à la manière proche-orientale, ce qui aurait été étonnant s’il s’était agi d’un accord entre deux chefs hellénistiques ; le fait est que ce n’est pas au nom d’Hannibal que l’accord a été conclu, mais au nom de l’Etat carthaginois, comme le montre la première place occupée par le terme κυρίους Καρχηδονίους dans l’énumération des catégories juridiques puniques citées comme parties contractantes : qu’il s’agisse des « Carthaginois souverains » ou des « Carthaginois qui ont pleine autorité », on est bien en face d’un pouvoir politique représentant la métropole punique. D’autre part, le choix conservateur et l’ordre dans l’énumération des divinités puniques sollicitées pour garantir le traité trahissent l’importance du rôle contractuel qu’a joué le pouvoir central carthaginois : Milqart aurait, certainement, été cité au premier rang si le traité avait été dirigé, côté punique, par le stratège carthaginois. Et si c’est vers Hannibal que Philippe V de Macédoine, par deux fois, délègue une ambassade pour traiter, et ce, malgré les dangers pour accéder à la Campanie où campait alors le stratège punique, c’est pour éviter d’avoir à le faire directement avec Carthage ; ce cas de figure lui aurait, éventuellement, fait subir l’hégémôn de la métropole punique, E. J. Bickerman, 1952, p. 21-22, conformément aux dispositions grecques des symmachies régissant les accords de partenariat en temps de guerre qui voulaient que l’un des contractants soit plus important que l’autre, M. Launey, 1987², p. 36. Hannibal, au final, n’apparaît dans le traité qu’en tant que représentant militaire de l’Etat carthaginois. Il y a là, néanmoins, une différence fondamentale entre les Barcides et les Magonides ; ces derniers, lors de la conclusion de traités, voyaient leurs prérogatives subordonnées aux lois de la métropole africaine : ils ne sont pas mentionnés dans le traité punique de 509, Pol., III, 22, qui présente, comme parties contractantes, les Carthaginois et les Romains.
3. C’est l’étude des monnaies hispano-puniques de l’époque barcide qui a suscité le plus de commentaires à ce sujet. Si les premières monnaies en argent (effigie féminine au droit et cheval debout au revers, L. Villaronga, 1973, classe VIII, no 110-112) et en bronze (effigie féminine au droit et buste de cheval au revers, L. Villaronga, 1973, classe VIII, no 115-116. Ces motifs seront repris, par la suite, en leur associant, comme à Carthage, l’uraeus : L. Villaronga, 1973, classe V ; l’astre : id., classe VII, ou le palmier : id., classe VIII, groupe IA et IX, type I) de l’Espagne barcide reprennent des types communs à Carthage, il n’en est pas de même pour les suivantes qui adoptent le plus souvent des thèmes hellènes : c’est le cas de monnaies d’argent présentant au revers le motif de l’éléphant, symbole hellénistique de la victoire, L. Villaronga, 1973, classes I-III. Ce qui retiendra surtout notre attention, ici, ce sont les effigies viriles figurées au droit de certaines de ces monnaies d’argent. Ces faces de monnaies barcides présentent trois séries de bustes. Deux séries figurent un buste lauré devant une massue, l’un montrant un profil imberbe, l’autre barbu : ces bustes seraient les représentations d’Hannibal et d’Amilcar sous les traits d’Héraclès-Milqart, la gravure rappelant des traits typiquement lysippiques, E. G. Robinson, 1956. Sur ces deux types monétaires : L. Villaronga, 1973, classe III. La troisième série – avec cette fois, au revers, la figuration d’une proue de vaisseau chargé d’armes – présente le profil d’un homme imberbe sans attribut héracléen, mais la tête diadémée, G. M. A. Richter, 1965, p. 281, fig. 2017 ; L. Villaronga, 1973, classe II. Cette iconographie sera reprise sur un monnayage d’or, L. Villaronga, 1973, classe II, type I, groupe I et classe VI. La question a été, dès lors, de savoir si ces têtes masculines, imberbes ou barbues, représentent ou non les Barcides et si elles prouvent ou non le caractère monarchique du pouvoir barcide en Espagne. La monnaie barcide s’intègre bien, en effet, au répertoire iconographique et iconologique des monarchies hellénistiques : elle trouve ses parallèles les plus proches sur les monnaies syracusaines de Hiéron II, M. Caccamo Caltabiano, 1997, et sur celles de tradition gréco-macédonienne ; sans compter que le caractère régalien de l’émission des monnaies barcides peut laisser penser à une dérive monarchique. Pour les partisans du caractère monarchique du pouvoir barcide en Espagne, il ne fait aucun doute qu’il s’agit là du portrait des chefs barcides sous les traits héracléens : c’est la théorie développée par E. S. G. Robinson, 1956, p. 34-35, lequel reconnaît la parure héracléenne à travers la massue ou la léonté ; cette théorie est reprise par G.-C. Picard, 1985, p. 76 sq. et fig., p. 79. Le Baʽal de Tyr est, originellement, le garant de la royauté, et cette qualité constitue un des caractères d’assimilation avec Héraclès, le dieu protecteur des princes grecs, considéré, depuis Alexandre le Grand, comme la figure universelle de la royauté hellénistique. Mais c’est oublier que l’absence même de portraits certifiés des membres de cette famille, notamment celui d’Hannibal, a facilité de trop rapides identifications (voir par exemple les hypothèses développées par G.-C. Picard, 1963-1964). Cette incertitude, ajoutée à l’absence d’indications concernant les personnages représentés – comme cela a pu être le cas sur les monnayages royaux numides de Syphax et Verminad, lesquels s’inspirent directement de nos exemplaires espagnols barcides, J. Alexandropoulos, 2000, p. 142-143 –, marque de fait l’absence d’une quelconque preuve concernant l’établissement d’une dynastie de type royal dans l’Espagne barcide. D’autant que le culte de Milqart à Carthage, du moins celui de l’époque hellénistique, n’entretenait plus de rapport organique avec la royauté, comme c’était encore le cas à Tyr, C. Bonnet, 1988, p. 167-174 et 186, ou, en ce qui concerne son équivalent grec Héraclès, dans les monarchies hellénistiques. En outre, le fait que la métropole punique ait déjà utilisé la représentation d’Héraclès coiffé de la léonté sur des monnaies siculo-puniques ; G. K. Jenkins, 1978, pl. 1-4, 6-11 et 13, no 275, 79, 286, 300, 303, 327, 333, 339, 344, 357, 362, 365, 366, 376, 385, 388-390, 405, 410-412) en Sicile, au IVe siècle, tend à renvoyer l’identification de cette représentation au répertoire divin : sur l’identification de ces monnaies avec Héraclès-Milqart, L. Villaronga, 1973, p. 46-47, 124-125 (classes II et III) et 143-145 ; E. Acquaro, 1985, p. 83-86.
4. Polybe, III, 8, 2-4.
5. La polysémie de la lecture iconologique des portraits des monnaies hispano-puniques de l’Espagne barcide permet à son tour, dans un certain sens, de combiner à la fois l’orientation de la politique militarisante des Barcides avec les intérêts de l’Etat carthaginois ; car la légende des monnaies barcides en Espagne se rattache finalement au pouvoir de la métropole africaine au nom de laquelle est effectuée la conquête de la péninsule et dont elle est la principale bénéficiaire. Cette façon de voir les choses permettrait ainsi de donner un élément d’explication à la seule effigie posant réellement problème, à savoir l’effigie de la tête diadémée, traditionnellement interprétée comme étant celle d’Asdrubal le Beau, et présentant une configuration de type monarchique.
6. Tite-Live, XXXIII, 45, 6. Hannon, le chef du clan antibarcide au Sénat, traite souvent les Romains en alliés qu’on aurait bafoués, Tite-Live, XXI, 10, 6. C’est à l’instigation de l’oligarchie carthaginoise qu’Hannibal aurait été poussé vers l’exil au début du IIe siècle, Appien, Syr., 4 ; Cornelius Nepos, Hann., 7, 6. Appien, Lib., Livre Africain, 101, rapporte que ce sont les liens d’hospitalité entre la famille de Scipion Emilien et celle du général carthaginois Imilcon Phamaias qui expliquèrent la retenue de ce dernier contre le consul romain lors de la troisième guerre punique. Cet officier punique ira même jusqu’à rallier le camp adverse.
1. A Zama, ordre est donner à chacun des chefs de l’armée punique d’haranguer leurs propres soldats, Polybe, XV, 11, 4. et XV, 12. ; Tite-Live, XXX, 33, 8. On a émis l’hypothèse que le grec constituait la langue-véhicule de l’armée d’Hannibal, B. Rochette, 1997 ; c’est par l’intermédiaire de cette langue qu’Hannibal aurait fait passer l’essentiel de ses messages, comme il le fit, sans interprète, face aux vétérans à la veille de Zama, Polybe, XV, 11-12 ; chez Tite-Live, XXX, 32-33. Mais rien n’empêche de penser qu’il ait pu s’exprimer en punique, comme le fit en son temps le chef gaulois des insurgés mercenaires, Autharite ; celui-ci aurait, d’après Polybe, I, 80, 5-6, fondé son autorité sur une bonne connaissance de la langue phénicienne, langue rendue familière à la plupart des mercenaires par leur long engagement dans les armées puniques.