Conclusion
L’échec d’un modèle politique
L’échec final de la Carthage punique à imposer son hégémonie politique en Méditerranée occidentale répond, en creux, à un double échec en politique intérieure : son incapacité, d’abord, à faire participer les populations assujetties à une plate-forme commune d’intérêts sociopolitiques et socio-économiques. Puis, le manque de conviction politique et militaire d’une oligarchie marchande développant une politique surtout soucieuse de la rentabilité économique de toute entreprise, quelle qu’elle soit. Pourtant, le danger toujours plus menaçant représenté par Rome avait développe une volonté de refonte des institutions politiques en même temps qu’était recherchée une alliance politique et militaire en lieu et place du vieux et désormais caduc partenariat étrusque. Là encore l’expérience hellénistique est sollicitée. Et c’est aux Barcides qu’échoit la tentative de satisfaire cette double nécessité : en diffusant, dans un premier temps, une image toute hellénistique des différentes manifestations de leur pouvoir dans l’optique d’une évolution institutionnelle de la politique intérieure carthaginoise ; puis en tentant, dans un second temps, de convertir l’aide logistique grecque en une véritable alliance politique et militaire. Représentants d’une aristocratie terrienne en expansion, les Barcides vont se heurter frontalement au conservatisme politique de l’aristocratie traditionnelle.
Bien que la haute aristocratie carthaginoise apparût comme un des principaux vecteurs de l’introduction de la culture grecque à Carthage, elle n’en était pas moins garante des traditions civiques, dont les contraintes sociales et culturelles lui permettaient un contrôle effectif sur la masse ; elle se devait, par conséquent, d’être très prudente avec une culture qui portait en son sein les germes mêmes de la contestation de son autorité, dans le sens où la culture grecque diffusait une certaine forme de modèle individualiste1 contraire aux intérêts politiques de l’oligarchie. La dynamique de l’impact de l’hellénisme à Carthage mais aussi celle de ses limites doivent avant tout être abordées sous l’angle de ses intérêts suprêmes. Etant à la fois directeur des affaires publiques de la cité et à l’origine de l’introduction des habitudes matérielles et des modes de pensée grecs, l’exercice politique oligarchique a consisté à maintenir un équilibre : développer une politique de prestige – destinée à exprimer son rang et à exhiber sa valeur – et préserver et renforcer en même temps ce qui constituait les fondements mêmes de sa puissance, à savoir les valeurs traditionnelles et les affaires commerciales. L’équilibre se situait donc entre, d’un côté, la faculté à encadrer les manifestations individualistes et, de l’autre, la nécessité de renforcer et de développer les structures contribuant à l’assise du pouvoir oligarchique, c’est-à-dire de la direction des affaires publiques. C’est à travers ces contraintes que doit être évaluée la réelle place occupée par l’hellénisme dans l’évolution matérielle et idéologique de la Carthage punique. Car c’est tout imprégnés des idées grecques que les membres de la classe dirigeante carthaginoise avaient dessiné les contours de la politique extérieure, l’évolution de l’organisation militaire et urbaine de la cité.
Le développement d’une architecture officielle monumentale et celui d’un urbanisme structuré apparaissent ainsi comme une manière d’encadrer et de dominer un habitat privé qui a évolué vers un confort et un raffinement exprimant une certaine forme de personnalisation et d’individualisme. L’exposition des manifestations du pouvoir oligarchique, via les techniques urbanistiques helléniques, se fait toutefois en fonction des réalités locales en la matière : l’expérience urbaine grecque contribue, à travers la rigueur du plan hippodaméen, à perfectionner le plan régulier orthogonal attesté à Carthage depuis l’époque archaïque ; les caractéristiques urbaines locales tels le rôle des axes routiers porteurs et l’emplacement des aires sacrées à ciel ouvert dans la trame urbaine sont scrupuleusement respectées. La monumentalité développée dans l’architecture punique de la basse époque respecte les vieux schémas traditionnels : la toiture plate est conservée alors que les architectes continuent d’observer les vieilles techniques de construction d’installations portuaires, les cothon, ainsi que les plans d’aménagement des surfaces sacrées. L’expérience urbanistique grecque contribue, en réalité, à mettre plus en valeur les emblèmes architecturaux du pouvoir oligarchique. La configuration urbaine et architecturale de la cité antique étant étroitement liée à son cadre politique et social, le vaste chantier entrepris par l’oligarchie dès la fin du Ve siècle, et qui se poursuit jusqu’à la fin du IIIe et au début du IIe, apparaît bien comme l’expression d’une puissance matérielle et la manifestation d’une domination politique effective.
Les cultes religieux, bien sûr, font l’objet d’un intérêt particulier de la part de l’oligarchie, dans le sens où ils structurent la vie quotidienne. Et c’est dans cette perspective que doit être comprise la place spectaculaire attribuée dès le IVe siècle à la représentativité du culte d’Ešmoun dans le paysage religieux de la Carthage punique. L’édification du temple d’Ešmoun, situé sur la colline de Byrsa, s’inscrit justement dans la logique édilitaire qui a présidé au réaménagement urbain de la Carthage punique dès cette époque. La monumentalisation de ce temple, sur ce qui constitue le symbole même de la défense de la cité – à savoir l’acropole-citadelle –, apparaît bien comme une manière de placer officiellement la protection, la santé et le salut de la ville sous l’égide de l’Asclépios punique, ou plutôt d’affirmer ou même de renforcer cette divinité dans ce rôle. On peut y voir une manière d’accentuer, de consolider le contrôle sur la dévotion individuelle à une époque où les cultes bienfaisants prospèrent autour de la Méditerranée2. La double fonction assurée par le temple d’Ešmoun – à la fois sanctuaire où l’on vient solliciter les faveurs divines et établissement politique où le sénat carthaginois aime se réunir – illustre une des orientations politiques de l’oligarchie au pouvoir : sa méfiance vis-à-vis de toute tendance religieuse pouvant susciter des velléités individuelles susceptibles de menacer les fondements de son pouvoir, tout en récupérant à son compte les attentes spirituelles de la masse.
Le monde des écritures et des publications semble également avoir fait l’objet d’un contrôle strict, d’autant que la lecture et l’écriture étaient aux mains d’une minorité sociale et professionnelle : écrits et archives servaient le plus souvent à affermir le pouvoir central en maîtrisant la communication avec la masse. La conservation de la mémoire était le privilège de l’Etat. La rédaction d’ouvrages spécialisés et personnalisés était mise au service de l’intérêt général : c’est ainsi qu’il faut comprendre le traité agronomique de Magon destiné, avant tout, aux propriétaires puniques. La rédaction d’ouvrages en grec devait remplir les mêmes conditions : il est remarquable de constater que les œuvres personnalisées d’Asdrubal/Kleithomachos et d’Hannibal Barca ont été réalisées en dehors de la sphère punique, au moment de leur séjour en zone grecque. La défiance étatique par rapport à une production littéraire grecque à Carthage – illustrée par « l’affaire Suniatus » qui a entraîné un décret interdisant l’enseignement du grec3 – a pu toutefois être atténuée lorsque cette littérature servait les intérêts étatiques : ce pourrait être le cas de la diffusion du conte étiologique sur la fondation de Carthage ainsi que des œuvres à caractère historiographique diffusées lors des guerres puniques. Rédigés par des Puniques hellénisés ou par des Grecs, ces écrits entraient clairement dans une politique de propagande à destination de la sphère grecque.
L’hellénisme, tel qu’il était envisagé par les membres de l’oligarchie carthaginoise, se trouvait donc à la croisée de deux chemins : le premier devait satisfaire leur soif de prestige et assurer le développement de leurs intérêts commerciaux ; le second renforcer les assises mêmes de leur pouvoir, à savoir garantir la continuité des valeurs traditionnelles. Dans les deux cas, ce sont les modes d’expression et de communication hellénistiques qui furent sollicités. L’hellénisme était donc toléré à partir du moment où il ne menaçait pas les fondements du pouvoir oligarchique. C’est ce qui explique l’incapacité de Carthage à harmoniser sa manière d’envisager l’hellénisme culturel – dans son ensemble – avec l’expérience politique hellénistique, malgré la proposition barcide d’une direction des affaires centralisée, à un moment où la situation politique exigeait une implication plus militarisante de l’Etat.
Les influences de la culture grecque à Carthage, dans le domaine matériel, se présentent plus comme un phénomène d’apport quantitatif et de juxtaposition, lié au prestige qu’elle procure, que comme un apport pénétrant et conditionnant. Dans le domaine structurel, elles servent à catalyser les potentiels des différents domaines de la civilisation punique auxquels elles sont confrontées. Cette intégration dynamique des apports culturels grecs aux structures puniques contribue même aux évolutions en cours dans la koinè hellénistique : la variété proposée par le répertoire des pavements puniques participe au développement de celui de la koinè hellénistique ; les contributions révolutionnaires apportées par les Barcides dans la stratégie militaire vont se révéler décisives dans la manière de combattre des siècles suivants. L’armée romaine en sera la première bénéficiaire, déjà lors de la deuxième guerre punique, puis au moment des affrontements avec les armées des monarchies hellénistiques orientales (première moitié du IIe siècle). La propagande punique à destination du monde grec contribue directement au développement de la littérature grecque à Rome. Même l’échec de la tentative de réforme des institutions politiques proposée par les Barcides à partir de l’expérience hellénistique va s’avérer, au final, payant puisqu’il annonce, en Occident, le pouvoir monarchique et dynastique de Massinissa. D’une manière générale, les recherches les plus récentes s’intéressent de plus en plus au rôle joué par les Puniques dans l’hellénisation des cultures politiques et économiques de la Méditerranée occidentale4 : il s’agit en fait de mesurer, dans cette perspective, l’impact qu’a pu avoir la carte hellénistique abattue par les Puniques dans le cadre du renforcement de leur hégémonie en Méditerranée occidentale. C’est dans les cendres de Carthage punique que doit être recherchée la genèse de l’Empire gréco-latin, articulé autour de la Mare Nostrum romaine.
L’empreinte culturelle punique en Afrique romaine
L’empreinte laissée par la métropole punique en Méditerranée antique, et plus particulièrement en Afrique, est incontestable. Si 146 indique la fin conventionnelle de la puissance politique punique, ce n’est pas du tout le cas sur le plan culturel. Le reflux progressif des rescapés de Carthage, et probablement des cités puniques détruites par Rome, vers l’intérieur des terres, la proximité culturelle et institutionnelle du royaume numide avec Carthage, offrent en effet à la civilisation punique un deuxième souffle en Afrique, facilité, du reste, par la lenteur de la reprise en main du territoire africain par Rome, qui ne s’est réellement manifestée qu’aux Ier et IIe siècles ap. J.-C.
La survivance de la civilisation carthaginoise est, paradoxalement, illustrée à Carthage même. L’aire sacrée de Salammbô et certaines nécropoles ont en effet continué à fonctionner quelques décennies après la destruction de la métropole punique. Les fouilles archéologiques menées par S. Lancel ont par ailleurs montré que la ville n’avait pas été détruite de fond en comble, comme l’a longtemps laissé croire un topos littéraire entretenu depuis l’Antiquité romaine. Des murs hauts de 2 mètres ont ainsi été découverts sur la colline de Byrsa, haut lieu de la métropole punique. Des survivants avaient continué, un temps, d’habiter les lieux, par souci d’entretenir certains domaines cultuels et funéraires de la cité détruite. On est donc bien loin de l’image d’une cité livrée, par evocatio, réalisée par le vainqueur de Carthage, Scipion Emilien. Pourtant, la mémoire de la cité maudite marquera durablement la politique romaine en Afrique : elle sert notamment de prétexte pour s’opposer à la tentative de colonisation latine, initiée par les Gracques en 133. La crise sociale bat alors son plein à Rome et le sort de Carthage cristallise les oppositions politiques entre la plèbe et les patriciens, opposés à la mise en valeur de la cité africaine. Il faudra attendre l’autorité d’Octave pour mettre fin à la malédiction du sol de la cité d’Hannibal. Ce n’est qu’en 29, en effet, que le futur empereur, reprenant un projet de son père Jules César, pose les bases de la Colonia Iulia Concordia Karthago, et, se faisant, d’une ère nouvelle dans les rapports entre Rome et la terre de son irréductible ennemi. L’image d’une cité frappée d’interdit par le sel que les Romains auraient semé sur son sol a également contribué à entretenir l’idée d’une terre longtemps laissée à l’abandon. Cette tradition historiographique, en réalité, est née au début du XXe siècle, sous la plume du romancier français L. Bertrand, puis reprise par B. L. Hallward en 1930, dans la Cambridge Ancient History. L’auteur a pris sa source dans l’Ancien Testament où l’on voit le roi Abimelek répandre du sel sur le territoire de la cité de Sichem, après l’avoir détruite.
Dans une perspective historique et géographique plus large, tout ce qui a contribué à définir l’identité punique, à savoir ses institutions, sa religion et sa langue, a survécu bien des siècles après la destruction de la cité d’Elyssa. L’évolution du cadre politique en Afrique n’a pas empêché les cités de tradition punique de perpétuer, pendant longtemps, les modes de fonctionnement politiques et administratifs puniques. Ainsi, la grande majorité des cités suffétales recensées en Afrique à l’époque républicaine le demeurent au Haut-Empire. La plupart se trouvent dans l’ancien territoire de Carthage punique, particulièrement dans les cités numides du pagus Thuscae et Gunzuzu, à Maktar, Thinissut, Thuburbo Maius, Apisa Maius. A Althiburos (El Medeïna), comme à Maktar, ce sont trois suffètes qui dirigeaient la cité jusqu’à l’époque romaine : on est sans doute ici en présence d’une survivance du système administratif numide. On peut même retrouver, par la suite, le suffétat sous les titulatures latines des duumvirs et des triumvirs, ou encore celle de magistratus, lesquelles n’étaient, finalement, que la romanisation de la magistrature punique. D’autres charges municipales d’origine punique, rabs (« chefs »), baalim (« notables », « citoyens ») sont attestées dans ce pagus. L’assemblée du peuple, ʽm, est cette autre institution punique majeure a avoir eu cours dans l’Afrique romaine, à Leptis Magna par exemple.
Les cultes de divinités puniques se sont également perpétués après 146. Celles-ci continuent à y être adorées sous leurs dénominations sémitiques jusqu’au Ier siècle ap. J.-C. avant de se voir déclinées sous le nom de leur équivalent romain : Baʽal Ḥammon, Aštart et Tinnit, surtout, sont vénérés à travers Saturne, Vénus et Junon. De nombreuses inscriptions néopuniques funéraires et, surtout, votives sont dédiées à Baʽal Ḥammon à Marktar. Toujours à Maktar, un temple est dédié à Ḥoṭer-Miskar, divinité attestée à Carthage punique. Les aires sacrées à ciel ouvert de tradition punique, où domine le culte de Baʽal Ḥammon, se perpétuent bien après la destruction de Carthage, à travers les sanctuaires à Saturne de l’Afrique romaine, surtout en Numidie. Apparus à partir du milieu du IIe siècle pour la plupart, ces sanctuaires de tradition punique présentent toutefois des différences, ou des caractéristiques régionales ou locales, dans la manière de formuler les dédicaces votives, de choisir l’iconographie des stèles ou encore d’ensevelir les enfants en bas âge. La séquence canonique des stèles votives de Carthage punique, « A Baʽal Ḥammon, à la Dame Tinnit, face de Baʽal, ce qu’a voué un tel ; le dieu a entendu sa voix… », connaît des altérations plus ou moins importantes selon les endroits. Souvent, le dieu Baʽal Ḥammon est mentionné seul : Tinnit, omniprésente à Carthage, n’est mentionnée ailleurs que trois fois, à l’intérieur du territoire de la métropole ou à ses limites. De nouvelles formules apparaissent, bym nʽm wbrk, « au jour faste et béni », spécifique au pagus Thuscae et Gunzuzu, qui pourrait traduire une réalité religieuse libyco-numide. D’autant que l’iconographie peu soignée des stèles numides met en exergue le souci apporté à la symbolique du décor, alors qu’à Carthage c’est l’aspect ornemental qui primait. Enfin, si certaines aires sacrées, comme celle d’Henchir el-Hammi, près de Sidi Bou Rouis, et, probablement, celle d’Althiburos présentent des urnes contenant des restes humains, comme à Carthage, les autres aires sacrées de Numidie ou de Byzacène, apparues au milieu du IIe siècle, n’en contiennent pas. La variété des caractéristiques locales traduit donc des pratiques cultuelles propres à la réalité religieuse de ces régions libyques et numides plus ou moins punicisées : l’adoption du modèle cultuel punique s’est en fait réalisée en fonction des réalités religieuses libyco-numides.
Mais le marqueur le plus net de la persistance de la civilisation punique reste la langue. C’est sous sa forme écrite que sa diffusion et son maintien sont concrètement perceptibles. On retrouve les inscriptions néopuniques un peu partout, de la Tripolitaine à l’Est algérien – et à un degré moindre au Maroc –, jusqu’au Ier siècle ap. J.-C., plus rarement au IIe siècle ap. J.-C. Le punique demeure à cette époque la langue dominante de l’écriture privée mais aussi publique dans les cités fortement imprégnées de la culture carthaginoise, avant que la domination romaine ne devienne plus consistante. Les inscriptions monumentales de Dougga ou de Leptis Magna attestent de son caractère officiel, même si le caractère bilingue, libyco-punique, de ces inscriptions vient rappeler que l’autorité politique n’était plus punique. Et si l’écriture néopunique disparaît au IIe siècle ap. J.-C., la langue se maintient encore longtemps. On la retrouve retranscrite en latin, comme le montrent les inscriptions latino-puniques de Tripolitaine, datées du IVe siècle ap. J.-C. Car le parler punique a été, en revanche, autrement plus important et s’est longtemps maintenu, avec les inévitables dégradations inhérentes au temps. Des parents de Septime Sévère, originaire de Leptis Magna, venus lui rendre visite, parviennent à incommoder l’empereur du seul fait qu’ils ne parlent que le punique. L’évêque d’Hippone, saint Augustin, pour le Ve siècle ap. J.-C., et l’historien byzantin Procope, pour le VIe siècle ap. J.-C., témoignent de la survivance, en Afrique, d’un parler punique. Forcément mâtinée de libyque avec le temps, la Punica lingua est même présentée, dans les discours de saint Augustin, comme la langue vernaculaire des campagnes maghrébines : c’est la raison pour laquelle il choisit de nommer à l’épiscopat, pour d’évidentes raisons pratiques, un jeune clerc maîtrisant ce parler punique. Cette étonnante persistance n’a pas manqué d’inciter à opérer des rapprochements avec la non moins étonnante prise de la langue arabe en Afrique du Nord-Est. L’éminent sémitisant M. Sznycer envisage en effet les attestations tardives du parler punique comme une base sur laquelle la langue arabe a pu s’appuyer pour s’y propager aussi rapidement et aussi profondément, dès la deuxième moitié du VIIe siècle ap. J.-C. A l’échelle de l’histoire, la veine sémite, greffée en Afrique du Nord-Est par les Phéniciens, apparaît aujourd’hui comme structurelle : de Carthage à Tunis, en passant par Kairouan, d’Abd’Milqart à Abdmalek, elle y balaie, adossée au fonds berbère, un arc chronologique de pratiquement trois millénaires, au cours desquels elle s’est enrichie des différents courants culturels dominant en Méditerranée occidentale, à l’instar de ce qui s’est passé pour la métropole punique.