Rahstum, l'air soucieux, ordonna la halte. Il se tourna vers Blade, indiquant la passe aisée menant dans la vallée.
— Je n'aime pas ça, sir Blade. Cela paraît trop facile.
Il désigna un cercle de collines basses entourant de tous côtés le vaste repli de terrain.
— Il pourrait y avoir des millions de Caths dans ces collines. Et nous, tu le sais mieux que personne, ne sommes pas forts. La marche dans la montagne, le combat au bord de la mer et maintenant ce long voyage nous ont affaiblis. Tu as fait un recensement, sir Blade. Combien avons-nous de guerriers valides?
— Quarante mille, à peu près. Mais je ne vois pas d'armée cath. Personne ne nous menace, capitaine.
Rahstum, sans cesser d'examiner les sommets, fronça les sourcils. Puis il prit une décision.
— Non! Nous ferons halte ici. Tes Caths risquent de nous tomber dessus si nous avançons. Je ne conduirai pas mon peuple dans une embuscade!
Il contempla la grande vallée fertile et pendant un instant sa figure s'éclaira.
— Malgré tout, c'est une bien belle vallée. Ce serait un bien beau pays pour les Mongs, si nous le possédions. Nous pourrions y vivre heureux, et trouver d'autres activités que la guerre, et devenir forts à nouveau.
Blade l'observait attentivement.
— Tu n'es pas un Mong. Cependant, je crois que tu l'es tout de même, et d'une manière qu'aucun Mong ne pourrait comprendre.
Rahstum hocha la tête.
— Tu l'as dit, je ne suis pas un Mong, mais un Cauca, et fier de l'être. Mais ils sont maintenant mon peuple. J'ai tué leur chef, et je suis responsable d'eux tous à présent. Je veux faire de mon mieux.
Blade, qui observait les collines, le prit légèrement par le bras et murmura :
— Alors maîtrise-toi. Ne fais rien en hâte. Et envoie-moi parlementer. Moi seul... Tu avais raison.
Sur trois côtés de la vallée, l'armée des Caths se mettait en position. Les hommes avaient surgi de leurs cachettes et chevauchaient sur les crêtes en se formant en ligne. Des fanions claquaient et on put entendre au loin l'appel aigu des trompettes. Rahstum tirailla sa barbe.
— Je te l'avais dit, sir Blade! Vois comme ils sont nombreux! Si nous nous battons maintenant, ce sera la fin.
De la gauche, autour du centre et vers la droite, les hordes Caths avançaient en ligne de bataille, des cavaliers par milliers, des fantassins par centaines de mille. Blade, comptant rapidement les rangs et leur longueur, estima l'armée à plus d'un demi- million d'hommes. Il y avait là un plan délibéré. Il eut soudain des doutes. Avait-il, malgré lui, conduit les Mongs dans un piège?