Pourquoi pas? Avec un sourire cynique, Blade entreprit de déshabiller le corps. Quitte à détrousser des cadavres, autant choisir la première classe. Manifestement, cet homme avait dû avoir un rang élevé, et ce même rang pourrait bien lui permettre, à lui, de franchir le mur.
Sous l'armure, l'homme portait une courte tunique de soie. Blade en recouvrit son corps nu puis il voulut enfiler l'armure. Ce fut moins commode. Il ne parvint pas à boucler le corselet sur son torse puissant. Il renonça, mais trouva un casque tombé à côté, orné aussi de l'astre doré, et il s'en coiffa. Il lui allait assez bien et lui rappelait les casques des Grecs de l'antiquité avec le protège-nez, le frontal et les plaques tombant sur les oreilles; le casque était surmonté d'un cimier, un panache recourbé de la même soie légère que la tunique. Blade hocha la tête avec satisfaction. Sa figure était assez bien dissimulée. Pour plus de sûreté, il passa les mains sur la plaie béante et se barbouilla de sang. Il cherchait une arme quand il aperçut des torches et des lanternes qui approchaient.
Blade se laissa tomber sur le sol en maudissant sa légèreté. Il avait été tellement absorbé par son déguisement qu'il s'était laissé surprendre. Mais aussi, ils s'étaient approchés dans le plus grand silence !
Il se tourna face contre terre et réduisit sa respiration au minimum. S'il faisait le mort, pensait-il, ils passeraient sans s'arrêter.
Mais soudain il entendit une voix autoritaire :
— Regardez par là-bas. A la droite de ce grand tas de Mongs. Et ne cherchez pas sa figure, crétins, plutôt son armure! Vous connaissez tous l'armure de l'empereur!
La voix était légère, assez aiguë, cultivée et produisait un curieux effet de litanie, comme de la musique parlée.
Des marmonnements. Des jurons à mi-voix. Blade retint sa respiration. Quelqu'un lui donna un coup de pied dans la poitrine. Il ferma les yeux et fit le mort plus persuasivement que jamais. En vain. Une lumière clignota au-dessus de lui, un homme se baissa puis appela à mi-voix :
— Hé ! Le voilà. Par ici. J'ai trouvé l'empereur Mei !
S'ils ôtent le casque, pensa Blade, et m'examinent
de près, je suis foutu. Il n'avait pas d'arme, et ils étaient au moins six. Peut-être aurait-il le temps de parler... de discuter... Peut-être.
La voix autoritaire de nouveau, juste au-dessus de lui.
— Oui, c'est bien l'empereur. Voyez sa chaîne. Posez-le sur la civière. Vite. Je ne crains pas les Mongs mais ces singes charognards m'inquiètent.