Le nain souriait toujours, ses petits yeux pétillaient mais son expression trahissait le choc et la stupéfaction, et aussi autre chose... de la crainte et du respect. L'homme porta une main à son bonnet et se laissa tomber à califourchon.
— Promptement, sir Blade!
Il lança son poney au galop dans la plaine, montant avec l'audace et la grâce qui caractérisaient tous les Mongs.
Derrière Blade, tous se taisaient. Lali, un peu à écart, se mordait la lèvre et, Blade l'espérait, hésitait déjà. Il connaissait bien sa haine pour Sadda, la sœur du Khad Tambur.
Cette nuit-là, si Lali se montra tout aussi passionnée et frénétique pendant l'amour, il y avait chez elle une réserve qui troublait Blade. Cependant il n'y pouvait rien. Pendant que Lali était baignée et parfumée par ses servantes, Blade eut l'occasion de réfléchir. Ils se baignaient généralement ensemble et le fait que ce soir elle préférait se livrer seule à ses préparatifs indiquait bien son humeur.
Blade se tenait à la fenêtre et contemplait les torches dans le jardin embaumé. Le Khad Tambur avait accepté le marché. Quant à savoir s'il le respecterait si son homme était battu, c'était une autre affaire. Blade pensait que ce serait possible. Peut-être. Depuis trois semaines il ouvrait les yeux et les oreilles et était passé maître dans l'art de filtrer et d'évaluer les renseignements. Le bruit courait que Khad et son infâme et ravissante sœur ne s'entendaient pas. On racontait aussi qu'ils étaient amants.
Oui, le Khad pourrait bien respecter le marché si son champion était battu. Il serait au moins débarrassé de Sadda et pourrait poser à l'homme honorable qui tenait parole. Et Lali aurait Sadda pour la torturer et en faire ce qu'elle voulait. C'était fort tentant pour elle. C'était à cause de Sadda que son défunt mari Mei Saka s'était proposé d'ouvrir les portes de la muraille et de trahir Cath. Blade l'avait souvent entendu répéter, en trois semaines, et le venin distillé par la voix et les yeux de Lali lui avait donné le frisson,
Blade comptait sur cette haine. Sans elle, sans la promesse d'avoir Sadda à sa merci, jamais elle n'aurait autorisé le combat. Elle l'aurait plutôt fait arrêter, tuer même. Elle en était capable.
Lali entra dans la chambre, uniquement vêtue de son fourreau moulant. Sortant de son bain, ses cheveux cascadant sur ses épaules et retenus au sommet de la tête par un anneau de jade, elle s'avança en observant Blade de ses yeux d'émeraude sans fond. Elle l'embrassa sur la joue, puis se retourna dans ses bras afin qu'il dégrafe son vêtement.
— J'ai décidé de te laisser affronter le champion du Khad, Blade. J'ai pris conseil de mes sages et ils estiment que c'est la meilleure solution.