CHAPITRE XIV

Les armées des Mongs s'alignaient dans la plaine, devant la ville. Dès que le soleil bondirait à l'horizon, elles passeraient à l'attaque. Toute la nuit, fantassins et cavaliers avaient pris position, puis avaient dormi à même la terre.

Rahstum, qui commandait le centre, retenait Blade près de lui. Ses manières étaient sèches, parfois même insultantes, mais il avait désigné Blade pour combattre à sa droite. La nuit touchait à sa fin quand ils eurent enfin l'occasion de causer seul à seul.

— Que signifie ce mariage, Blade? demanda Rahstum. Est-ce que vous complotez contre moi, Sadda et vous?

Ils chevauchaient devant la ligne de bataille, au bord du premier fossé. Il n'y avait pas de lune, la ville était obscure mais les étoiles brillaient suffisamment pour que Blade distingue la figure du capitaine. Son expression était sombre, les yeux gris durs.

Blade avait prévu ce moment. Il savait qu'il ne pouvait louvoyer éternellement entre les complots. Il devait choisir. Son choix était fait. Il en dit assez pour persuader Rahstum de sa loyauté. Ils avaient

arrêté leurs chevaux, et le capitaine l'écouta en silence. Une brise de mer charriait sur la plaine son odeur de sel et d'iodé. Des chevaux hennissaient doucement. Lorsqu'il se tut, Rahstum caressa sa barbe et murmura :

— Elle est habile. Je n'en ai jamais douté. Et le plan est bon. Mais comment va-t-elle forcer Morpho à abattre le Khad? Quelle pression peut-elle faire sur lui?

Blade avait son idée, mais il n'osa la révéler. Il avait donné sa parole.

— Je ne sais pas, dit-il. Mais elle paraît sûre d'elle. Peut-être se trompe-t-elle. Ce peut être une illusion, ou un mensonge. Je ne sais.

— Ne perdons pas de temps à nous interroger, déclara Rahstum. Je frapperai le premier et la question sera réglée. Mes hommes sont prêts. Moi aussi. Cette attente commence à me porter sur les nerfs.

-— Le plan reste le même, alors?

— Oui. Ce devrait être plus facile, à présent. Il sombre de nouveau dans la folie, et quand nous aurons mis la ville à sac, son état empirera. Il m'a donné des ordres. Pas de quartier. Et quand les Caths de la Mer auront été massacrés, il y aura une grande fête. Tenez- vous prêt.

— Et Sadda?

Rahstum gronda comme un loup, montrant ses dents blanches :

— Elle mourra aussi! Vous devez bien le comprendre! Elle vivante, jamais je ne pourrais régner. Elle a des hommes dévoués, à sa solde, elle est princesse du sang, elle a pour elle la loi et la tradition! Elle doit mourir.