— Tu es un géant, sir Blade, mais j'en ai tué de plus grands dans les hautes terres où vit le singe des neiges! Tiens donc!
Cossa revint à l'assaut. Le sabre recourbé siffla. La figure, camuse et barbue du Mong luisait de sueur. Blade sentit que son adversaire était à bout et que le Mong mourrait de bon cœur s'il pouvait l'entraîner avec lui. Tout en se ruant sur Blade, Cossa tirait de sa ceinture une courte dague. S'il pouvait approcher assez, il poignarderait Blade alors même que celui-ci le tuait.
Blade lança sa masse d'arme de toute sa force. Elle frappa le Mong aux genoux avec une force telle qu'elle les brisa et la chaîne s'enroula autour des jambes. Cossa s'écroula en poussant un cri de douleur et de rage. Blade bondit.
Cossa, sur le dos, les deux jambes brisées, tentait toujours de se défendre. Son sabre siffla en scintillant. Blade l'écarta de son glaive puis il égorgea l'homme, d'un coup brutal et puissant qui trancha les artères, les cartilages et les os et plongea la pointe de l'épée de six pouces en terre.
Le Mong ne poussa qu'un seul cri, qui se perdit et se noya dans le bouillonnement de sang jaillissant de son cou. Son corps s'arqua, ses mains se cramponnèrent à la lame qui le clouait au sol et il jeta à Blade un dernier regard à la fois furieux et surpris. Il voulut parler, mais un flot de sang coula de sa bouche béante.
Blade siffla le cheval gris qui arriva au petit trot. Il n'oubliait pas les conseils de Queko, qui lui avait dit qu'en cas de victoire il devait tirer tous les avantages possibles de son triomphe. En sautant en selle, il jeta un coup d'œil du côté des rangs des Mongs. Il se trouvait plus près du camp qu'il ne l'aurait cru, à moins de cent mètres du trône où se vautrait le Khad Tambur, entouré de ses étendards et de sa garde, regardant avec fureur son champion mort.
Blade, qui avait récupéré sa masse d'arme et rengainé son glaive, poussa son cheval vers le camp. Il ne vit aucun véritable signe d'hostilité chez les Mongs, à part des regards sombres. Et leur silence. « Queko, pensa-t-il, avait sûrement raison. » Les Mongs vénéraient le courage et les exploits guerriers. La force était la seule chose qu'ils comprenaient. Il avait une chance, s'il exprimait assez de mépris, de confiance et de courage, de contraindre le roi à respecter le marché. Blade lança le gris dans un galop arrogant et se dirigea droit sur les rangs des Mongs et le Khad. Tout en galopant il balançait sa masse et les cruelles pointes de jade traçaient autour de sa tête un halo vert scintillant.
Enivré par sa victoire, Richard Blade était un homme sûr de lui. Trop tard, une microseconde trop tard, il vit le piège. L'immense gris ne le devina même pas.