— Le capitaine Rahstum est mon compatriote, comme je vous l'ai dit. C'est un grand soldat mais un mercenaire, comme je l'étais, comme tous les Caucas. Mais il a réussi là où j'ai échoué. Cependant, lorsque j'ai été fait prisonnier alors que je me battais pour une autre tribu contre les Mongs, c'est lui qui m'a sauvé la vie. Il a persuadé le Khad de me couper les jambes plutôt que la tête.
Blade trouvait assez douteux cet acte de miséricorde, mais il ne dit rien.
— Depuis, reprit Baber, grâce à son influence, Rahstum me maintient en vie, tout juste et dans cette immonde niche, mais vivant. Je ne comprends pas bien pourquoi car je ne puis lui être d'aucune utilité sans mes jambes. C'est uniquement pour vous dire que je connais assez bien Rahstum, que je sais comment il pense. C'est un Cauca, après tout. Le Khad a grand besoin de lui, les Mongs le respectent et depuis quelque temps Sadda lui fait sa cour parce qu'elle aura aussi besoin de lui quand elle décidera de se débarrasser de son frère. Commencez-vous à comprendre ?
Blade comprenait surtout que Rahstum marchait sur une corde raide. Il le dit et Baber rit tout bas.
— C'est vrai. Il attend son heure, il observe, il ne se fie à personne, il s'applique à n'avoir ni amis ni ennemis. Il attend que l'abcès crève.
— En quoi cela me regarde-t-il?
— Vous avez tué Cossa, n'est-ce pas? Même Rahstum en aurait été incapable. Et maintenant que je vous ai vu, je comprends d'autres choses. Il est possible que Sadda, le moment venu, n'ait pas seulement besoin de vous pour réchauffer son lit.
— Et alors elle n'aurait plus besoin de Rahstum?
-— Précisément. Mais ce n'est pas tout, Blade.
Si je ne me trompe pas, Sadda vous mettra à l'épreuve avant de se confier à vous. Peut-être n'en viendra-t-elle jamais là. Mais peu importe, parce que si Sadda gagne, notre sort ne sera pas plus enviable que si c'est le Khad. Tous deux sont fous. Tous deux sont sanguinaires. Et il ne pourra y avoir de paix, avec les Caths ou tout autre peuple, tant qu'ils ne seront pas morts tous les deux. Rahstum le sait. Je crois que, le moment venu, Rahstum aussi cherchera à vous recruter.
Blade réfléchit un moment.
— Vous dites que le Khad est fou. Il m'a paru assez sensé, pourtant.
— Il est fou, Blade. Il a des crises, il en a eu une, très longue, avant que vous soyez capturé et maintenant il semble aller bien. Mais cela le reprendra. Et quand sa folie le saisit, personne n'est en sécurité; aucun homme, aucune femme, aucun enfant, en particulier les très jeunes filles. La folie du Khad est abominable, Blade.
Un frisson glacé courut dans le dos de Blade. Que signifiait cette histoire d'enfants? Il posa la question à Baber.