Pas de réponse. Le nain s'en était allé aussi discrètement qu'il était venu. Et à présent Blade eut du mal à retrouver le sommeil. Il bouillonnait d'excitation. Morpho avait risqué sa vie en pénétrant dans les quartiers des femmes, sans permission. Pourquoi? L'heure avait-elle enfin sonné?
Le lendemain, Blade eut de la chance. Sadda avait été convoquée par le Khad et elle était partie en grand équipage. Elle semblait soucieuse et n'avait que faire de Blade, bien qu'en partant elle lui sourit et lui flatta la tête comme à un bon chien. On chuchotait que le Khad retombait dans sa folie et personne, pas même Sadda, n'était en sécurité. Dans ces moments-là, le Khad désirait de nouveau sa sœur et rageait et pleurait et tempêtait parce que son corps ravagé ne réagissait plus. Alors les Mongs se hâtaient de cacher leurs petites filles.
Blade prit son fouet, monta le poney qu'on lui avait donné et se dirigea hardiment vers l'enclos, avec un sourire méprisant qui aurait fait honneur au défunt Aplonius. Les gardes, le voyant arriver, ricanèrent et se poussèrent du coude.
Comme il mettait pied à terre, Blade eut une inspiration; peut-être pourrait-il faire d'une pierre deux coups.
— Je viens voir ce vieux fou de Baber, déclara-t-il avec arrogance. Celui qui paresse et qui dort et qui gaspille de la bonne paille et mange de la nourriture qu'il n'a pas gagnée. La princesse Sadda m'a dit que je pouvais avoir un esclave à moi et j'ai choisi Baber. Je viens lui apprendre à tâter du fouet !
Le Mong sourit d'un air moqueur.
— Certainement, votre grandeur. Il y a longtemps que Baber n'a pas été fouetté. Mais comment pouvez- vous faire un esclave d'un homme sans jambes?
Blade toisa l'homme avec insolence.
— Tu n'es qu'un imbécile et tu ne peux pas comprendre. Mais tu vas m'aider et tu le sauras. Va du côté des chariots et rapporte-moi du bois de cette forme et de cette taille.
Avec les mains, Blade donna les mesures de ce qu'il désirait. Le garde fit une moue.
— Le bois est précieux, votre grandeur. On ne le gaspille pas pour les esclaves.
C'était vrai. Les Mongs devaient aller couper leur bois dans des forêts lointaines et le ramener dans des chariots.
Seule l'audace était de mise. Blade lui cravacha la figure.
— Obéis! Ou veux-tu que je dise à la princesse Sadda que tu méprises les ordres de son esclave favori ?