Rahstum leva la main gauche, le poing crispé, les muscles saillant sur son avant-bras. Ses yeux gris jetèrent des éclairs d'acier.
— Vous le saviez! Et c'est maintenant que vous me le dites!
— Je voulais vous en avertir plus tôt, capitaine, mais nous avons toujours été interrompus. Et puis notre plan n'était pas encore au point. Je vous le dis maintenant. Je ne peux pas tuer Sadda, répéta-t-il et puis il ajouta vivement sans laisser à Rahstum le temps de protester encore : Mais pourquoi la tuer? Nous n'avons qu'à la faire prisonnière. Je le ferai de bon cœur car j'ai un certain compte à régler. Je me moque de ce qui peut arriver à Sadda, c'est seulement l'enfant qui m'intéresse. Quand il sera né, vous pourrez faire d'elle ce que vous voudrez.
Un profond mépris retroussa les lèvres du capitaine.
— Vous êtes un imbécile Blade! Je sais que vous êtes un homme, je vous ai vu combattre à mes côtés, et je reconnais que j'aimerais avoir avec moi un guerrier de votre trempe. Mais vous êtes stupide! Tant que cette putain sera en vie, nos têtes seront en péril et nous n'aurons aucune paix.
La douleur vint au secours de Blade. Un spasme secoua Rahstum qui ferma les yeux et serra les dents, tandis que la sueur ruisselait de son front. Enfin il rouvrit les yeux et murmura d'une voix lasse :
— Qu'il en soit ainsi, sir Blade, mais je vous avertis. Je vous rends responsable d'elle. Si nous réussissons ce soir, j'ai l'intention de faire de vous mon premier lieutenant. Les fardeaux seront nombreux, et vous en ajoutez d'autres. Si jamais Sadda cause des ennuis, complote, s'évade, si par quelque manière que ce soit elle compromet l'ordre que j'instaurerai, il en ira de votre tête! Je vous avertis à temps. Ne l'oubliez pas!
Blade s'inclina légèrement.
— Je ne l'oublierai pas, capitaine. J'accepte cette responsabilité. Jusqu'à la naissance de l'enfant. Ensuite, je vous livrerai volontiers Sadda.
Rahstum grimaça un sourire.
— C'est bon. Je compte sur vous, sir Blade!
Ils causèrent encore pendant une demi-heure. Au-dehors, le camp devenait de plus en plus bruyant. De temps en temps on entendait un cri aigu de femme, et les rires avinés ne cessaient jamais.
Le nain refusa d'expliquer à Blade comment il entendait empoisonner le Khad.
— Mais tu dois goûter ses plats, Morpho, protesta Blade. Comment t'y prendras-tu?
— J'y parviendrai. Mais je ne puis te dire comment. Je ne l'ai pas dit au capitaine. Si les choses tournent mal, si vous êtes pris et torturés, je ne veux pas que vous connaissiez ce secret. Il pourra ainsi me servir une autre fois.