Ce matin-là, l'atmosphère semblait différente. Les Mongs ne se lancèrent pas à l'attaque comme d'habitude. Les cavaliers restaient hors de portée, ne cherchaient pas à provoquer une sortie des défenseurs, et les fantassins n'apparurent pas avec leurs longues échelles. Blade se demanda si le Khad Tambur n'avait pas soudain écouté la voix de la sagesse. Jusqu'à présent, il s'était montré singulièrement obtus, en perdant et en gaspillant jour après jour ses hommes devant le mur.
Lali, abritant d'une main ses beaux yeux, regardait fixement le camp des Mongs. Elle fronçait les sourcils.
— Quelque chose ne va pas, sir Blade. Ils ne viennent pas se battre comme d'habitude.
Blade sourit.
— Le Khad devient peut-être raisonnable. II va replier ses tentes et s'en aller. C'est ce que j'aurais fait depuis longtemps, à sa place. Il ne peut gagner de cette façon.
Lali mordilla sa lèvre pulpeuse.
— Ce ne serait pas bon, sir Blade. Nous devons tuer des Mongs. Tous les jours, nous devons tuer de plus en plus de Mongs. Comment le ferons-nous s'ils s'en vont?
Blade tendit le bras.
— Regarde! Ta réponse arrive peut-être. Il n'est pas bien grand, on dirait.
Un cavalier venait de quitter le camp et galopait vers la muraille. Quand il approcha, Blade ne put réprimer un sourire amusé. Le cavalier était un nain vêtu en guerrier. Il brandissait une petite lance au bout de laquelle dansait une queue de cheval. Blade se tourna vers Lali.
— Il vient parlementer. Mais pourquoi envoyer un nain, un infirme? Il ne peut pas être réellement un guerrier!
Elle était devenue très pâle, et ses yeux d'émeraude fulguraient de colère.
— C'est une plaisanterie dans le goût du Khad Tambur. Une plaisanterie injurieuse! Non... Ce doit être une idée de cette garce! Sadda, la sœur du Khad. C'est bien d'elle, d'imaginer pareille insulte!
Le petit homme, monté sur un poney, s'arrêta devant une poterne. Il agita sa queue de cheval, tout en criant d'une voix étonnamment grave et bourrue. Les soldats caths, obéissant aux ordres, ne tirèrent pas. Blade sauta à cheval et trotta vivement sur le mur jusqu'à ce qu'il soit juste au-dessus du petit cavalier. Queko était déjà là, souriant avec indulgence, au milieu d'un groupe d'officiers.
Le minuscule guerrier était solidement charpenté et parfaitement proportionné. Blade jugea qu'il ne devait pas mesurer plus d'un mètre et cependant ses jambes étaient bien musclées et ses biceps gonflés.