— C'est d'accord. Vous pouvez appeler votre agent, maintenant.
J décrocha le téléphone vert. Il forma un seul chiffre.
Blade arriva à Londres au petit jour. Il alla droit à la Tour, et trouva J qui l'attendait vêtu de son Burberry et fumant sa pipe. Le jour gris le faisait paraître plus vieux que ses soixante ans et accentuait les cernes de ses yeux las.
Deux solides agents de la Spécial Branch les prirent en charge, leur firent franchir une poterne et les conduisirent le long d'une rampe et d'un long tunnel qui traversait un labyrinthe de sous-sols et s'arrêtèrent enfin devant la porte de bronze de l'ascenseur que Blade se rappelait si bien. J lui-même n'avait pas le droit d'aller plus loin lorsqu'une expérience « Dimension X » était en cours.
Blade et lui se serrèrent la main. J paraissait fatigué et plus soucieux que Blade ne l'avait jamais vu. Il ne lui dit que quelques mots :
— Bonne chance, petit. Ne vous inquiétez de rien.
Vous avez signé tous lés papiers nécessaires et vos affaires sont en ordre. Je m'occuperai de tout au cas où... Allons, voilà votre ascenseur. Au revoir, mon garçon.
Dix minutes plus tard Richard Blade, uniquement vêtu d'un pagne, suivait Lord Leighton dans la grande salle des ordinateurs. Le vieux savant bossu, en blouse blanche fripée, trottinait sur ses jambes difformes entre les appareils. Blade, avec une certaine répulsion, écouta le chant du futur : Un-oh,. un... oh... un-oh- un-oh... Logique binaire. Be-bop-be-bop-be-bop... Des millisecondes qui seraient bientôt des nanosecondes. Un milliardième de seconde...
Ils entrèrent dans la petite pièce où l'ordinateur dimensionnel attendait comme un grand Moloch gris. Rien n'avait changé depuis la première fois. Il y avait toujours les milliers de fils multicolores passant par les minuscules hublots dans les entrailles du monstre, le petit carré de sol recouvert de caoutchouc, la cabine de verre et le fauteuil qui ressemblait tant à une chaise électrique...
Et cependant tout avait changé. Lord L, tout en appliquant sur le corps musclé de Blade un onguent qui sentait le goudron, désigna d'une main maigre l'énorme appareil.
— Complètement reconstruit. Des changements radicaux. L'ancien était de la sixième génération seulement, celui-ci de la huitième. J'en ai sauté une, voyez-vous.
Blade, qui savait que les ordinateurs ordinaires n'étaient que de la troisième génération, fut impressionné. Ce vieux génie infirme avait déjà cinq générations d'avance sur le reste du monde, en cybernétique. Rien que cela, avec toutes ses implications, devrait remettre l'Angleterre dans la course. Ce voyage était-il vraiment nécessaire?