XLIV

Solal se réveilla. Du soleil dehors. Il regarda l’heure à la pendule. Midi bientôt. Il avait donc dormi toute la nuit et toute la matinée dans la chambre d’une femme à laquelle il n’avait jamais parlé et qui ne se doutait de rien, gorgée d’hypnotique.

Il se leva. Toucher ses cheveux ? Non, même pas cela. Elle dormait, belle et découverte et nue comme lui. Il s’assit doucement au bord du lit et regarda dans la psyché le groupe merveilleux du bel homme nu et de la belle femme nue qui tournait le dos à la glace et ne savait pas. Il se pencha pour voir la merveille des merveilles, le visage de la plus belle femme du monde. Elle dormait avec le petit sourire pur et confiant des enfantelets.

Il la regarda longtemps dans la glace. Non, il ne fallait pas toucher le beau corps. Il fallait accomplir l’exploit fou. Personne au monde n’avait fait ce qu’il allait tenter. Il eut peur de l’absurde projet, s’accorda une heure de répit. Oui, dans une heure.

Exquis, ils avaient dormi dans la même chambre, fraternellement. Et même il lui avait pris du véronal pour dormir aussi profondément qu’elle. Voici, il était assis auprès d’elle et elle ne savait pas. Cette heure était grave. Ils étaient fiancés et elle ne le savait pas. Cette femme, qu’il avait aperçue l’autre soir dans une réunion d’importants imbéciles, cette femme était l’unique de sa vie. Il l’avait su immédiatement.

Courage. Dans une heure il accomplirait l’acte le plus ridicule de sa vie. Était-ce la résurrection ? Le temps de folie et des belles gaffes de vie serait-il revenu ?