XL

Mon cher petit père Deume se réveilla, mit son lorgnon et, comme il le faisait chaque matin depuis plus d’un demi-siècle, consulta, de ses ronds yeux effarés et saillants, la montre à verre grossissant, posée sur la table de nuit.

— Six heures trente. Décidément z’ai un réveil dans la tête, comme Napoléon.

Il sourit puis, comme à l’ordinaire, éternua en prononçant distinctement le mot sacré. Il aimait beaucoup dire atsoum et appuyait avec satisfaction sur la dernière consonne.

— Atsoumme !

Après un regard destiné à s’assurer que l’éternuement matinal n’avait pas réveillé sa chère épouse qui continuait à ronfler avec certitude et légitimité, il tâcha de se rappeler les incidents de la nuit et la qualité de son sommeil.

— Oui, murmura-t-il, ze crois que z’ai bien dormi. Du moins, ze l’espère.

En chemise de nuit et pieds nus, mais ne s’appuyant que sur les talons afin de prendre le moins de froid possible, il se dirigea vers la fenêtre en boitillant. Il ouvrit doucement les volets et son bon visage barbu s’éclaira de contentement. Les arbres étaient vêtus de neige. Exposition de blanc.

— Quel bonheur ! De la neize !

Fallait-il réveiller Antoinette pour lui annoncer cette importante nouvelle ? Non, tout de même non, Antoinette ne serait pas contente d’être réveillée plus tôt que d’habitude.

— De la neize le trente avril ça n’est pas ordinaire ! Les cordes poétiques de M. Deume vibrèrent. Ce petit sexazénaire (il m’embrouille avec son défaut de prononciation) au doux visage ahuri avait une adoration enfantine pour la bonne chère neige qui lui permettait de mieux savourer la tiédeur de sa villa.

— D’ailleurs c’est bien le moins puisqu’on n’a pas eu de neize à Noël, ce qui a été bien décevant.

D’impatience il fit de petites grimaces. Oh, quel bonheur de dire tout à l’heure à Antoinette : « Bicette, il y a une surprise ! Devine ! » Oui, il se mettrait en écran devant elle pour l’empêcher de voir les petites plumes blanches qui tombaient ! « Tu ne devines pas ? Tu donnes ta langue au çat ? Eh bien regarde ! » Et il s’écarterait et elle serait bien stupéfaite ! De la neize le trente avril ! Il fallait remonter à quarante-deux ans ! Il se réjouit de lire l’article du « Journal de Genève » à ce sujet.

— Diable, diable, diable, il fait bon çaud.

Ce chauffage central au mazout, quelle merveille de régularité et de douceur ! Ah, celui qui avait inventé le chauffage au mazout n’était pas le premier venu et méritait bien une statue !

Il tapota le baromètre qu’il aimait beaucoup parce qu’il était dans la famille depuis près d’un siècle. Oui, il avait remonté et le ciel était sans nuages. À travers les vitres il regarda le thermomètre. Brr, il faisait zéro. De la neize le trente avril ! Mais le ciel était bleu. Il y aurait donc du soleil. L’hygromètre aussi annonçait le beau temps car c’était le pâtre qui était sorti du chalet et non le socialiste, une figurine en bois, tenant un couteau entre les dents.

— Ça sera cic de faire une bonne petite promenade au soleil bien çaud en allant à la banque pour nos petits coupons, murmura-t-il. Et puis après z’irai attendre Adrien au Secrétariat et on ira voir un peu où en sont les travaux de la nouvelle plaze. Z’adore ça, moi. Et on ira à pied, comme ça on fera de l’exercice et pas de tram à payer ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières, comme disait papa.

Il regarda avec respect la photographie de son cher père dont le visage, encadré de favoris notariaux, semblait lui dire comme autrefois : « Dépense cent francs tant que tu voudras mais ne me dépense pas tout le temps des cinquante centimes ! »

— Ze n’en suis pas absolument certain mais il me semble que z’ai bien dormi. En tout cas z’ai bonne mine, dit M. Deume en considérant dans la glace de l’armoire la tête de phoque posée sur le petit corps.

Il mit de l’ordre dans ses moustaches tombantes, pour mieux les mêler à la barbiche. Puis il gratta la petite lie vineuse de sa joue qu’il appelait son gros grain de beauté et qu’il aimait tout autant que son ventre rondelet. Il adorait tout ce qui lui appartenait – sa fortune, sa femme, sa barbiche, ses bibelots, son uniforme suranné de lieutenant de réserve.

Il sortit de la poche de sa chemise de nuit les lorgnons que retenait un cordonnet noir passé autour du cou, prit sur l’étagère placée au-dessus de la table de nuit le petit flacon qui contenait un liquide merveilleux pour le nettoyage des verres. Ceux-ci dûment humectés, il les essuya avec le pan violet de sa blanche chemise de nuit. (En matière de réparations, Mme Deume se préoccupait d’économie plus que de beauté.) Il campa ses lorgnons et son regard se fit intelligent.

Après avoir consulté le thermométrographe et inscrit sur un petit carnet les températures maximum et minimum de la nuit, il ouvrit la porte, descendit avec précaution les premières marches de l’escalier.

— On va se faire un bon petit café au lait.

(Il se méfiait des domestiques et, depuis de nombreuses années, préparait son café lui-même. Ces filles étaient incorrigibles. Il leur avait tant de fois expliqué qu’il fallait bien tasser la poudre de café, que l’eau devait être versée bouillante et que, durant le « filtraze », la cafetière devait être mise dans un bain-marie. Mais ces filles étaient sans conscience. Il y avait quelque chose de changé dans leur mentalité depuis que les bandits rouges s’étaient emparés de la Russie. M. Deume établissait des rapports entre l’avènement de Lénine et le café saboté par les domestiques. Tout se tenait. Dans les salles de bal, ces filles entendaient des propos subversifs ou lisaient des journaux de cinéma. Bref, depuis la Révolution d’Octobre, M. Deume faisait son café lui-même.)

— Ah, si ze les tenais, ces bolcéviks ! En tout cas, puisque le caviar vient de Russie eh bien ze n’en manzerai plus ! Ça leur apprendra.

Il s’arrêta brusquement. Décidément ces communistes lui faisaient perdre la tête. Voilà-t-il pas qu’il allait à la cuisine en chemise de nuit et en pantoufles ! Il revint dans la chambre à coucher. Oh, sûrement il s’était enrhumé ! Enfin peut-être que non puisque le thermomètre marquait vingt. N’empêche, une précaution ne coûtait rien. Il enfourna dans ses narines une chère vaseline à l’acide phénique qui faisait merveille.

— Espérons que ce n’est qu’une fausse alerte.

Tout en enfilant son pyzama en poil de çameau, le vieux petit bonhomme considéra, placée au-dessus du lit conjugal et entourée d’un cadre aux fioritures dorées, la photographie en couleurs de sa première épouse, dont il avait inscrit, au bas du cadre et en belle gothique ombrée, les nom et prénoms ainsi que les dates de naissance et de mort.

— Elle avait une vraie taille de guêpe.

Il sifflota car décidément il se rendait compte qu’il avait bien dormi. Et puis, il était content de n’être plus en vacances. Ce voyage à Nice l’avait éreinté. Il était mort de froid à Nice ! Il faisait meilleur en Suisse où on savait se chauffer, où les bureaux de poste étaient propres. Il avait le frisson rien que de penser à ces douaniers français avec leurs pantalons en tire-bouchons, leur képi de travers et leur mégot socialiste à l’oreille. Tandis que les bons douaniers suisses, si gentils, avec leurs beaux uniformes en belle étoffe verte et leur col impeccable et bien raide, à la bonne heure !

Et les employés des chemins de fer suisses donc, si obligeants, si confortablement chaussés, si corrects ! Et les trains suisses si propres, si bien chauffés, qui arrivaient à l’heure, qui marchaient à l’électricité et dont on descendait aussi pimpant qu’on y était entré. Et les ouvriers si raisonnables qui ne demandaient pas tout le temps des augmentations ! La petite Suisse avec son franc solide, à la bonne heure ! Et les conseillers fédéraux une fois élus, eh bien on leur laissait faire leur travail en paix pendant de longues années, jusqu’à leur mort. Ils étaient honnêtes et on leur faisait confiance. Tandis qu’en France, tous les trois mois, un nouveau ministère ! Et puis en France, ces bureaux de poste mal aérés avec leurs murs sales et toutes ces employées qui jacassaient derrière leurs guichets, armées de ciseaux et de pinceaux à colle et qui vous regardaient de travers si on leur demandait un formulaire de changement d’adresse. Et tous ces curés et toutes ces femmes rouges de vin rouge et en voiles de deuil et tous ces grévistes qui vous rançonnaient sur les routes, il frissonnait rien que d’y penser ! Et leurs allumettes soufrées qui vous asphyxiaient ! Et leur chocolat tellement moins bon qu’en Suisse ! Il admira M. Tobler de mettre sur le paquetage de son exquis chocolat au rhum : « Pour adultes seulement ». On était consciencieux en Suisse. Et puis ce gruyère qu’ils avaient en France, du caoutchouc sans saveur et sans odeur ! À leur retour de Nice, il avait mangé du bon vrai gruyère toute la journée pour bien sentir qu’il était en sécurité dans sa chère Genève où l’on pouvait en paix perdre son parapluie, sûr qu’on était de le retrouver le lendemain au bureau des objets trouvés.

— Ah qu’on est bien, qu’on est bien cez nous ! chantonna le vieil Helvète. (Il virevolta soudain.) Mais qu’est-ce que z’ai ce matin ? Ze fais tout de travers. Rien que de penser à ces grévistes français, ça m’a tourné la tête. Z’allais faire comme eux et oublier de prendre mon bain. Enfin, la France c’est quand même la France, le premier pays du monde, ze ne sors pas de là. C’est un pays çarmant. Dommaze qu’il n’y ait pas plus d’ordre. Et puis ce n’est peut-être pas vrai l’histoire des grévistes qui vous rançonnent. Bref, déshabillons-nous pour prendre notre cer petit bain.

Tout en ôtant son pyjama il regarda avec tendresse sa chère moitié belge qui, interminable et osseuse, ronflait avec courroux dans le lit conjugal. Ses mains couvertes de verrues brunes étaient jointes sur la courtepointe.

— Oh, que nous sommes bien dans notre petit nid, murmura-t-il.

Antoinette Deume fut en son jeune âge une demoiselle Leerberghe, de Mons. À la mort de son père, un notaire ruiné, elle fut hébergée par les riches van Offel avec lesquels elle avait de vagues liens de cousinage. Plus tard, elle fut engagée comme demoiselle de compagnie par Mme Rampal. Les van Offel et les Rampal étaient les deux fleurons de la couronne sociale d’Antoinette. Depuis plus d’un siècle, les Leerberghe étaient les vassaux belges, notaires et gérants, des Rampal, agents de change parisiens qui possédaient de nombreuses propriétés en Belgique.

La veuve Rampal passait la plus grande partie de l’année dans sa villa de Vevey, sur les rives du lac de Genève. C’était une tyrannique créature à tête de mort qui réveillait plusieurs fois par nuit la pauvre Antoinette pour lui demander des compresses chaudes ou de somnifères gratouillis sur la plante des pieds. La vieille fille – elle avait trente-cinq ans à cette époque – supportait tous les caprices de la Rampal parce qu’elle avait charge d’âme : Adrien Janson dont le père, un dentiste à barbiche de mousquetaire, était mort quelques années après son mariage avec la sœur d’Antoinette Leerberghe. Sa femme l’avait suivi peu après dans la tombe. L’orphelin n’ayant hérité que d’une somme insignifiante, la tante assuma courageusement le rôle de mère et subvint à l’entretien du petit Adrien qui, conformément aux dernières volontés du père, fut envoyé à Paris pour y continuer ses études en qualité d’interne dans un lycée. (Ceci requiert explication. Feu Janson père avait la toquade de croire qu’on ne pouvait faire de solides études qu’en France. Lui-même avait été interne à Condorcet. Et il en tira gloire toute sa vie. Chacun de nous a ainsi une petite couronne chimérique.)

Antoinette Leerberghe souffrait de ne voir son cher Adrien qu’aux vacances. Elle se consolait en pensant qu’à Paris Adrien avait l’occasion d’aller deux fois par mois chez les chers riches Rampal et, Dieu voulant, de se faire apprécier d’eux. La vieille fille n’avait pas de dot et la nature ne l’avait pas pourvue d’attraits particuliers : peu de chair mais par contre beaucoup d’os et de verrues ; et une gueule de dromadaire. Elle sentait bien qu’elle ne se marierait jamais et avait reporté toute sa soif d’amour sur son neveu. C’était pour lui qu’elle grattait les pieds parcheminés de la vieille Rampal, qui mourut trois ans plus tard en léguant à sa bonne Antoinette la jolie villa de Vevey.

Ne parvenant pas à vendre cette villa au prix qu’elle « s’était fixé », elle prit la décision de la transformer en pension de famille qu’elle dénomma « Pension de santé Béthel », lugubre asile pour convalescents pieux et légumivores. (Mlle Leerberghe appartenait à une famille protestante qui, depuis deux siècles, dégageait de forts parfums de sainteté. Elle était elle-même très bigote et, à ce titre, aussi pénible que certaines bigotes catholiques ou juives.) L’aimable institution marcha tant bien que mal et Mlle Leerberghe plaçait au nom d’Adrien ses maigres bénéfices.

Adrien passait les grandes vacances chez sa tante. À la fin de septembre, il repartait pour Paris où il faisait de brillantes études. Il allait déjeuner deux fois par mois chez les mirifiques financiers et servait de secrétaire bénévole à un vieux Rampal, général en retraite. « Mon chéri, écrivait Antoinette, ne manque pas tes visites aux chers messieurs Rampal pour lesquels je prie chaque jour. Sois prévenant et respectueux. »

Souvent, dans sa pension peu achalandée, elle broyait du noir à l’idée de mourir vierge. À plusieurs reprises elle avait espéré qu’un de ses pensionnaires neurasthéniques ou dyspeptiques, qu’elle entourait de soins souriants et parfumés de lavande, se déclarerait. Mais rien, jamais rien ! Elle avait surtout beaucoup compté sur un professeur de Lausanne qui l’appelait très chère. Mais l’inconstant s’était épris d’une gourgandine fardée.

Et les années passaient. Antoinette avait quarante ans lorsque le petit père Deume vint faire un séjour à la pension de santé. Il avait cinquante ans et venait de perdre sa femme. Comme il mélancolisait beaucoup, les médecins lui avaient conseillé un changement d’air. Aimables entretiens. M. Deume, qui avait été pendant trente ans employé dans une banque privée de Genève, avait hérité de sa femme un bon petit immeuble de rapport qui lui assurait un revenu assez confortable. De plus, il avait des obligations Jura-Simplon et CFF série A. K. Il venait de donner sa démission et ne s’occupait plus que de son petit travail bénévole de collecteur, pour le canton de Genève, de l’Asile protestant de La Force. Il avait donc de quoi passer le temps.

Le brave homme confia ses soucis à Antoinette, parla des tracas que lui donnait la gérance de son immeuble. Elle lui proposa aimablement de l’aider à tenir ses comptes et à préparer les quittances. Plein de reconnaissance, M. Deume parla avec émotion de la défunte Clarisse. La maîtresse de pension s’approcha, prit la main de l’affligé, lui parla remarquablement de Dieu. M. Deume, un peu gêné, s’écarta. Le lendemain, il eut une crise de lumbago et fut soigné merveilleusement par cette chère Mlle Leerberghe qui venait lui sourire toutes les heures. Guéri, le petit père Deume crut de son devoir, dès sa première sortie, d’apporter un bouquet de fleurs à la bonne demoiselle pour lui témoigner sa gratitude. La vierge quadragénaire défaillit, ferma les yeux, se jeta dans les bras du petit bonhomme épouvanté auquel elle murmura qu’elle consentait, que sa réponse était « oui » et qu’elle acceptait de devenir sa femme parce qu’elle sentait que c’était la volonté de Dieu.

L’hymen fut célébré quelques semaines plus tard et le petit père Deume fut désormais pourvu d’un souriant tyran femelle qui s’évanouissait ou pleurait ou avait mal à la tête lorsqu’il ne filait pas droit, ce que la nouvelle Mme Deume appelait être indulgent avec elle. Les premières semaines, il avait bien essayé de réagir. Le trentième jour du mariage, il alla jusqu’à dire « z’exize ». Mais la nouvelle épouse ayant pleuré, boudé et prié à haute voix pendant plusieurs jours, M. Deume n’alla pas plus loin et abdiqua. Il devint ce que ces dames appellent un mari charmant, c’est-à-dire un esclave constamment approbateur. Telle est la puissance des scènes féminines, que ces dames baptisent de noms plus doux, tels que tristesse, désespoir ou affolement. Pauvres de nous, mes frères.

La villa de Vevey fut louée et les Deume s’en furent à Paris rejoindre Adrien qui venait de passer la première partie du baccalauréat avec la mention « bien ». Hippolyte se prit d’une vive affection pour le jeune homme, d’ailleurs très gentil avec son nouvel oncle. Peu après, le vieux couple adopta le neveu d’Antoinette, désormais Adrien Deume.

Mais M. Deume dépérissait à Paris au charme duquel il était résolument insensible. Il ne songeait qu’à Genève, enrageait d’être obligé de manger du chocolat français, s’indignait contre les fabricants. « Mais enfin, bon sang, pourquoi est-ce qu’ils ne sont pas capables de faire du çocolat au lait aussi bon que cez nous. Enfin quoi, le lait est le même partout. Oh, tout ça c’est du manque de conscience ! » Et puis ce Bois de Boulogne plein de papiers et de boîtes de conserves vides ! Et ces ministres socialistes ! Et cette Seine noire ! Et toutes ces cheminées d’usines ! Oh, retrouver les rues de Genève si nettes et« ordrées », les beaux jardins publics, l’eau propre du cher lac !

M. Deume maigrissant toujours plus, les médecins prescrivirent de nouveau un changement d’air. Il fut décidé qu’Adrien irait préparer sa licence ès lettres à Bruxelles. Mme Deume en voulait au père défunt d’avoir obligé son fils à faire ses études secondaires en France. Le pauvre petit allait se sentir dépaysé à Bruxelles. Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Et par-dessus le marché, ce mari suisse qui se mourait de langueur ailleurs qu’à Genève et qui refusait, avec la ténacité obscure du mouton, d’aller à Bruxelles ! Adrien partit donc pour la Belgique et les Deume pour la Suisse.

À Genève, Mme Deume ne tarda pas à s’apercevoir que son petit mari était un zéro social. Elle s’occupa avec zèle de diverses œuvres de bienfaisance où elle rencontra des dames charmantes, c’est-à-dire appartenant à la bonne société, ce qui ne la consola pas d’être séparée d’Adrien. Elle aurait aimé le voir entrer à la Société des Nations dont elle savait que le personnel était convenablement rétribué.

Fièvre typhoïde d’un van Offel. Mme Deume vola à Bruxelles, soigna merveilleusement la malade. Un jour, pendant qu’elle bichonnait la convalescente, elle s’évanouit. Questionnée, elle dit sa souffrance : son cher mari ne pouvait pas vivre loin de Genève et son cher Adrien devait faire sa carrière en Belgique, dans l’enseignement secondaire, toujours loin de sa mère adoptive ! Elle pleura, pauvre mère et épouse écartelée. On lui demanda s’il n’y avait pas quelque possibilité pour Adrien de trouver une situation à Genève. « Il y a bien la Société des Nations, soupira Mme Deume après s’être mouchée. Mais il faut des protections. »

Un beau-frère de la van Offel était chef de service au ministère belge des Affaires étrangères. Adrien fut nommé.