Dans le monde, vous aurez à souffrir; mais gardez courage : Moi, j’ai vaincu le monde.


Le Livre des Morts chrétien.


Vata se laissait bercer sur un matelas flottant de varech, la tête légèrement soulevée pour voir Duque endormi au creux de son gigantesque bras gauche. La lumière crépusculaire du Petit Soleil éclairait horizontalement la scène. La mer se soulevait et s’abaissait en vagues douces écrêtées par les thalles luisants.


Quand Duque ou elle avaient faim, de minuscules filaments du varech s’insinuaient dans leurs veines et les substances nutritives affluaient du varech à Vata et du varech à Duque. En retour, Vata livrait les informations génétiques stockées dans ses cellules sous leur forme la plus pure. Vata à Avata.


Quelle merveilleuse façon de se réveiller, se disait Vata.


Les filaments explorateurs du varech s’étaient glissés à travers la structure interne de Vashon, débouchant dans le fond du bassin en même temps qu’un geyser d’eau de mer qui avait balayé la Psyo et tous ceux qui se trouvaient à proximité. Les tentacules du varech, formant un cocon autour de Duque et d’elle, les avaient plongés dans les profondeurs de la mer pour les faire remonter un peu plus loin dans la nuit de Pandore. Un fort courant les avait aussitôt entraînés loin de la masse éventrée de Vashon. A quelque distance de l’île, des tentacules de gyflotte les avaient soulevés et transportés ici, où l’on ne voyait rien d’autre que l’océan et le varech.

C’était dans le berceau des tentacules de la gyflotte que l’éveil de Vata s’était accompli vraiment.

Quel prodige… toutes ces vies humaines accumulées… toutes ces voix… c’était miraculeux. Mais ce qui avait étonné Vata, c’était que quelques voix protestaient contre leur conservation. L’une d’elles, qui s’appelait Keel, avait reproché au varech :


- Vous avez effacé ma personnalité! Ma voix avait des imperfections que je connaissais bien. Elles faisaient partie de moi!


- Tu fais maintenant partie d’Avata.


Quelle voix magnifique que celle-là… quelle voix universellement apaisante…


- Vous m’avez donné une voix sans défaut! Je n’en veux pas!


Et en vérité, quand Vata avait entendu de nouveau la voix de Keel, elle avait une sonorité différente, un accent rauque et entrecoupé de raclements de gorge et de toussotements.


- Vous croyez parler le langage de mon peuple, avait accusé Keel. C’est ridicule!


- Avata parle tous les langages.


Bien envoyé, s’était dit Vata. Mais Duque, présent dans sa conscience durant cette conversation intérieure, s’était senti étrangement solidaire de Keel.


- Chaque planète a son propre langage et ses


propres moyens de communication secrets, avait répondu Keel.


- Tu ne comprends pas Avata ?


- Oh! vous connaissez bien les mots. Et vous connaissez le langage des actes. Mais vous n’avez pas pénétré mon cœur; sinon, vous n’auriez pas essayé de gommer ma personnalité pour l’améliorer.


- Que demandes-tu donc à Avata?


- De me laisser tranquille!


- Tu ne souhaites pas être préservé?


- Oh! j’ai encore assez de curiosité pour accepter cela. Vous nous avez fait le coup de Lazare et je suis bien content de ne plus souffrir dans ma vieille dépouille.


- Tu n’appelles pas ça une amélioration?


- Vous ne pouvez pas m’améliorer! H n’y a que moi qui puisse m’améliorer. Nef et vous, vos miracles, vous pouvez les mettre où je pense! Voilà l’un des véritables secrets de mon langage.


- Un peu incongru, mais compréhensible tout de même.


- Ce langage est né sur la planète où Lazare a passé sa vie, sa mort puis sa vie encore. C’est là que mon espèce a appris à parler. Le premier Lazare savait ce que je veux dire. Par tous les dieux, comme il le savait!


Quand Vata réveilla Duque pour lui faire part de sa perplexité, il éclata de rire.


- Vois-tu, s’écria-t-il, c’est que nous aimons bien savoir qui nous impose nos rêves!


L'effet Lazare
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