Le moi possède en quelque sorte le caractère d’un résultat, d’un objectif atteint; quelque chose qui s’est fait de manière très graduelle et qui est ressenti avec beaucoup de souffrance.
C.G. Jung, Archives de la Mnefmothèque.
Vata rêvait que quelque chose s’était emmêlé dans ses cheveux. Quelque chose qui n’avait pas de pattes rampait sur sa nuque en la chatouillant puis s’installait au-dessus de son oreille droite. Cette chose était noire, luisante et protégée par une carapace comme un insecte.
Dans son rêve, comme dans tant de rêves précédents, Vata entendit des bruits de souffrance, et elle les projeta sur Duque, chez qui ils prirent l’ampleur d’une chose vécue. Elle reconnaissait à présent certaines de ces voix comme des vestiges d’autres rêves. Elle avait fait plusieurs incursions dans ce vide. Il y avait là quelqu’un qui s’appelait Scudi Wang et la chose qui glissait dans la chevelure de Vata faisait claquer de redoutables mandibules en direction de la voix de Scudi.
Duque comprit que Vata n’aimait pas cette chose. Elle se contorsionnait et secouait sa chevelure pour s’en débarrasser. Mais la chose se cramponnait, mordait les cheveux à belles dents et les arrachait par touffes à la racine. Vata grogna. C’était un grognement rauque, un peu comme si elle toussait. Elle arracha la malfaisante petite créature de ses cheveux et la broya dans la paume de sa main.
Les morceaux s’effritèrent entre ses doigts et quelques glapissements étouffés s’éloignèrent dans la pénombre. Duque eut soudain l’idée que cette créature de cauchemar était peut-être réelle après tout. Il avait perçu en elle, l’espace d’un instant, d’autres pensées. Des pensées humaines terrorisées. Vata s’installa dans une position plus confortable et mit son esprit en devoir de changer le cauchemar en quelque chose de plaisant. Comme d’habitude, ses pensées retournèrent aux premiers jours de cette vallée que les siens avaient baptisée : « Le Nid ». En moins de quelques battements, elle se retrouva plongée dans la luxuriante végétation de l’endroit sacré où elle était née. C’était ce que Pandore avait eu de mieux à offrir, mais ces terres étaient maintenant submergées par plusieurs mètres d’océan glacé et furieux. Cependant, les choses pouvaient être différentes en rêve et le rêve était la seule géographie que retenait Vata. Elle se disait qu’il était bon de pouvoir de nouveau marcher, sans s’avouer que ce n’était qu’un rêve. Duque, toutefois, n’était pas dupe. Il avait entendu ces cris humains terrorisés au moment de la mort et les rêves de Vata ne signifiaient plus pour lui la même chose.