Fais ce qui est bien et le mal ne te touchera point.


Apocryphes de Raphaël, Le Livre des Morts chrétien.


Moins d’une minute après s’être mis à l’eau, Twisp s’aperçut qu’il peinait, que ses longs bras étaient un handicap et que ses palmes battaient l’eau de manière peu efficace. Il voyait, impuissant, la distance augmenter entre Nakano et lui. Pourquoi le Sirénien filait-il si vite?


Comme la plupart des Iliens, Twisp avait appris à se servir, pour des raisons de sécurité, des équipements de plongée utilisés par les Siréniens. Il avait même envisagé, à un moment, de devenir l’un des rares Iliens à posséder un poisson à air. Mais les poissons à air valaient une fortune. Quant à ses bras, s’ils étaient parfaits pour remonter les filets, ils étaient peu adaptés à la nage.

Twisp luttait pour ne pas perdre Nakano de vue. Il rasait le fond, soulevant du sable avec ses palmes le long d’un défilé bleuté éclairé par des balises siréniennes scellées à la roche. Au-dessus de sa tête, la mer était un puits noir et silencieux.

Quand Panille avait amarré l’hydroptère à un rocher entouré de varech, il les avait mis en garde :

- Il y a un courant de deux à quatre nœuds. Je ne sais pas d’où il vient, mais il vous aidera à gagner l’avant-poste.


- C’est le varech qui leur envoie ce courant, avait dit Bushka.

- Quoi qu’il en soit, avait repris Panille, faites attention. A la vitesse où vous irez, toute erreur peut être fatale.


Brett, que la répartition des tâches ne satisfaisait toujours pas, avait demandé :


- Comment reviendront-ils?

- Nous volerons un engin, avait répondu Nakano.


Et tandis que le sas de plongée se refermait derrière eux et commençait à s’inonder, Nakano lui avait recommandé :


- Restez derrière moi, Twisp. Nous arriverons dans dix minutes environ. Pendant les derniers mètres, comportez-vous comme si vous étiez mon prisonnier.


A présent, Nakano avait disparu devant lui dans l’eau verte et glacée des profondeurs. Les bulles d’air qu’il rejetait créaient d’étranges effets de prismes dans la lumière artificielle. Le Sirénien était dans son élément. Twisp était comme une murelle hors de l’eau.


J’aurais dû le prévoir! se reprocha-t-il.


Brusquement, il aperçut la silhouette de Nakano qui opérait une puissante volte-face dans le courant et s’agrippait à un barreau scellé dans la paroi du défilé pour attendre qu’il le rattrape. Sa bouteille lançait des éclats jaunes dans l’eau glauque et son visage, derrière la paroi du masque, était grotesquement déformé.

Twisp, à présent rassuré, essaya de dévier sa trajectoire, mais il aurait raté Nakano si celui-ci ne l’avait pas saisi au passage par la valve de sa bouteille, à son épaule gauche. Ils continuèrent de nager ensemble. A l’approche de la falaise qui abritait l’avant-poste, le courant avait ralenti considérablement.

Twisp distingua devant eux une muraille de roche noire dont une partie semblait appartenir au soubassement normal de la mer, mais dont le reste avait été modifié par l’homme. Il y avait là de grandes formes sombres qui semblaient empilées les unes sur les autres. Un grand sas de plaz illuminé de l’intérieur faisait partie de la construction. D’une main, Nakano en commanda l’ouverture en agissant sur les commandes disposées sur le côté. Une porte circulaire leur livra passage. Ils entrèrent dans le sas, Nakano remorquant toujours Twisp par la valve de sa bouteille.

A l’intérieur, l’espace ovale était illuminé par des plaques bleues encastrées dans la paroi. Une deuxième porte de plaz laissait voir un couloir vide de l’autre côté.

La porte extérieure se referma automatiquement derrière eux et l’eau commença à s’échapper par une grille dans le sol. Dès que leurs têtes émergèrent, Nakano lâcha Twisp et retira son masque et son embout buccal.


- Vous êtes intelligent, pour un mutard, dit-il. J’aurais pu vous couper l’air à n’importe quel moment. Vous auriez servi de repas aux capucins.


Twisp retira son embout de sa bouche mais garda le silence. La seule chose qui comptait était de voir Gallow.


- Ne tentez rien, avertit Nakano. Je vous briserais en petits morceaux d’une seule main.


Espérant que ce qu’il disait était destiné à d’éventuelles oreilles ennemies, Twisp regarda le corps puissamment musclé du Sirénien. Il était sans doute capable d’exécuter sa menace, mais il aurait peut-être été surpris par la force que recelaient les bras d’un poseur de filets… même si ces bras semblaient être uniquement le résultat d’une mutation monstrueuse.

Nakano dessangla sa bouteille et la tint à bout de bras. Twisp attendit que l’eau ait entièrement disparu par la grille avant de se libérer de sa propre bouteille. Il la tint au creux de son long bras, conscient de son poids, en se disant qu’elle pourrait faire au besoin une arme s’il la lançait violemment.

La porte intérieure du sas s’ouvrit et une bouffée d’air chaud et humide parvint jusqu’à Twisp. Nakano le poussa vers le couloir aux murs nus, sans aucune autre issue visible. Brusquement, une voix glapit, issue d’une grille au-dessus de leur tête :


- Nakano! Envoie le mutard là-haut. Je t’attends au neuvième. Je veux savoir pourquoi tu n’es pas venu avec l’hydroptère.

- Gallow… fit Nakano en se tournant vers Twisp. Quand je serai descendu, continuez jusqu’en haut.


Twisp se sentit soudain un vide au creux de l’estomac. Combien d’hommes Gallow avait-il ici pour laisser un prisonnier se promener à sa guise ? Ou bien était-ce une ruse pour désarmer un « Ilien borné »?

Nakano leva la tête vers la grille. En examinant bien la structure du plafond, Twisp repéra l’ovale brillant d’un capteur Sirénien.


- Cet homme est mon prisonnier, dit Nakano. Je suppose qu’il y a des gardes là-haut?

- Le mutard ne peut pas se sauver, coupa brutalement Gallow. Mais qu’il attende près de l’ascenseur. Je n’ai pas l’intention de lui courir après partout.


Twisp se sentit alors devenir plus lourd puis se rendit compte que tout le couloir s’élevait. Quand l’ascenseur s’arrêta, une porte coulissa devant eux, révélant un palier brillamment éclairé où attendaient plusieurs Siréniens armés. Celui qui était le plus près tira brusquement la bouteille des mains de Twisp et celui-ci reconnut la voix de Gallow :


- Donnez-moi ça. Je ne voudrais pas que vous vous en serviez comme arme.


Twisp lâcha la bouteille sans rien dire. Gallow tourna les talons et la porte de l’ascenseur se referma. De nouveau, la cabine grimpa. Après une attente qui lui parut interminable, l’ascenseur s’immobilisa et la porte s’ouvrit sur une zone de pénombre. L’air était sec et chaud. En hésitant, Twisp quitta la cabine et regarda autour de lui. Il vit de hautes falaises noires et un ciel sombre. Le ciel de l’aube. Quelques étoiles étaient encore visibles. Pendant qu’il contemplait tout cela, ébahi, le Grand Soleil se leva derrière les falaises, illuminant un large cirque entouré de barrières rocheuses et occupé par plusieurs constructions siréniennes aux lignes géométriques. Plus loin, il aperçut une base d’aérostats.


De vraies terres émergées!


Il entendit le bruit d’une scie à proximité. C’était un bruit rassurant, qu’on entendait souvent dans les quartiers ouvriers des îles où les artisans devaient découper le plastique et le métal qui servaient à assembler quantité d’objets non organiques.

Les cailloux étaient pointus sous les pieds nus de Twisp et les rayons du Grand Soleil l’éblouissaient déjà.


- Abimaël, imbécile! Ne reste pas dans le soleil, viens ici!


C’était une voix d’homme qui provenait d’un bâtiment situé un peu plus loin devant Twisp. H vit quelqu’un marcher dans l’ombre. Le bruit de scie n’avait pas cessé.

L’air était sec et chaud dans ses poumons. Rien à voir avec l’arrière-goût métallique et froid des bouteilles de plongée ni avec les effluves moites qui enveloppaient si souvent Vashon. En outre, la surface inégale sur laquelle il marchait ne bougeait pas. Cela lui procurait une désagréable sensation de danger. Les ponts étaient faits pour se soulever et tanguer!

Toutes les arêtes sont dures, se dit-il.

Il s’avança prudemment dans l’ombre de la construction. Le bruit de la scie s’arrêta et Twisp distingua une silhouette dans un recoin plus sombre. C’était un homme à la peau foncée, vêtu d’une sorte de drap qui l’enveloppait comme un lange. De longs cheveux noirs frisés lui auréolaient la tête et une barbe parsemée de gris lui descendait jusqu’au nombril. C’était l’une des premières que Twisp avait l’occasion de voir. Il avait entendu dire que la chose n’était pas rare chez les Siréniens et que le gène existait aussi dans la population îlienne, mais une telle exubérance pileuse était une nouveauté pour lui.

Tandis que l’homme s’avançait dans la pénombre, Twisp constata qu’il était d’une stature particulièrement robuste. Ses épaules et ses pectoraux auraient fait de lui un excellent poseur de filets. Cependant, un embonpoint naissant accusait le poids d’une quarantaine bien passée.

Twisp trouvait qu’il avait la peau foncée pour un Sirénien. Dans la pénombre, elle luisait des reflets cuivrés.

- Viens tout de suite, Abimaël, répéta l’homme. Tu vas te brûler les pieds. Viens prendre un gâteau en attendant que ta maman t’appelle.


Pourquoi m’appelle-t-il Abimaël?


Twisp se tourna pour regarder le cirque entouré de hautes falaises noires. Au loin, un groupe de Siréniens était en train de balayer méthodiquement le sol au lance-flammes.

C’était une scène irréelle à la lumière brûlante du Grand Soleil qui grimpait rapidement dans le ciel. Twisp se demanda soudain s’il n’était pas sous l’effet de la narque. Panille l’avait mis en garde : « Ne descendez pas trop loin et faites bien attention de respirer à fond et sans précipitation. Sinon, la narque vous guette. »

La « narque », Twisp le savait, c’était le terme utilisé par les Siréniens pour désigner une narcose à l’azote. Ce phénomène se produisait de temps à autre chez les plongeurs qui utilisaient des bouteilles à air comprimé. De nombreuses histoires couraient sur des plongeurs narqués qui s’étaient noyés parce qu’ils avaient défait leur bouteille pour en offrir l’air aux poissons ou se livrer à d’euphoriques danses aquatiques.


- J’entends les lance-flammes, dit le vieux charpentier.


Cette banale confirmation de ce que Twisp venait de voir soulagea un peu ses angoisses.


C’est la réalité… je suis sur de vraies terres émergées… je vois le ciel et je ne suis pas en état de narque…


- Ils croient qu’ils vont stériliser cette terre et qu’ils n’auront jamais de névragyls ici, reprit le charpentier. Comme ils se trompent, ces idiots! Les œufs de névragyls sont partout dans la mer. Tant que les hommes voudront vivre ici, il faudra des lance-flammes.


Le charpentier se dirigea, sans quitter la zone d’ombre, vers un banc à l’extrémité duquel était posé un balluchon de tissu. Il s’assit sur le banc, ouvrit lentement le balluchon et en sortit une boîte en carton pleine de petits gâteaux d’un brun luisant. Twisp sentit leur odeur croustillante. Le charpentier prit un gâteau entre deux doigts aux articulations gonflées et le tendit à Twisp.

A ce moment-là seulement, Twisp comprit qu’il était aveugle. Ses yeux d’un gris laiteux étaient tournés vers lui sans le voir. En hésitant, Twisp accepta le gâteau et le porta à sa bouche. Il avait un goût de fruit suave.

De nouveau, Twisp se tourna vers le cirque en contrebas. U avait déjà vu des représentations holo de terres émergées dans les historiques, mais rien ne l’avait préparé au spectacle qui était devant lui. Il se sentait à la fois attiré et repoussé par ce qu’il voyait. Ces terres ne s’en iraient jamais à vau-l’eau sur un océan incertain. Il y avait là un sentiment de permanence rassurante, mais qui s’accompagnait d’une impression de liberté perdue. Comme un horizon limité. Un homme ne devait pas avoir une vision trop étroite.


- Encore un gâteau, Abimaël, et tu rentres chez toi, dit le charpentier.


Twisp fit un pas en arrière. Il espérait se retirer discrètement, mais son talon se posa sur un caillou pointu et il tomba en arrière, les fesses sur un autre caillou qui lui arracha un cri de douleur involontaire.


- Surtout, ne pleure pas, Abimaël! fit le charpentier.

- Je ne suis pas Abimaël, dit Twisp en se remettant sur ses pieds.


Le charpentier tourna vers lui ses yeux aveugles et ne dit rien pendant un long moment. Puis il murmura :


- Je m’en rends compte en vous entendant.


J’espère que vous avez aimé le gâteau. Avez-vous vu Abimaël?


- Je n’ai vu personne à part les hommes aux lance-flammes.

- Maudits imbéciles! fit le charpentier en mettant un gâteau entier dans sa bouche et en se léchant les doigts. Ils ont déjà commencé à amener ici des Iliens?

- Je… je crois que je suis le premier.

- On m’appelle Noé, dit le charpentier. Prenez ça comme une plaisanterie si vous voulez. Disons que je suis venu ici le premier. Etes-vous très difforme, Ilien?


Twisp réprima un subit accès de fureur devant la brutalité de cette question.


- Mes bras sont un peu longs, dit-il, mais ils sont parfaits pour remonter des filets.

- Les mutations utiles, ce n’est pas la même chose, dit Noé. Comment vous appelez-vous?

- Twisp… Queets Twisp.

- Twisp… répéta Noé. J’aime le son de ce nom. Vous voulez un autre gâteau?

- Non, merci. Ils sont excellents, mais je ne supporte pas trop les sucreries. Que fabriquez-vous là?

- Je travaille le bois. Songez un peu! Du vrai bois qui a poussé sur Pandore! Je façonne des pièces qui serviront à faire des meubles pour le nouveau dirigeant de ces terres. Vous le connaissez? Il s’appelle Gallow.

- Je n’ai pas encore eu le… plaisir de faire sa connaissance.

- Vous l’aurez bientôt. Il veut voir tout le monde. Mais il n’aime pas trop les mutards, j’en ai bien peur.

- Comment êtes-vous… c’est-à-dire… vos yeux?

- Je ne suis pas né ainsi. C’est arrivé parce que j’ai trop fixé le soleil. Je parie que vous ne le saviez pas. Quand vous êtes sur la terre ferme, que vous ne bougez pas, vous pouvez regarder le soleil en face. Mais cela rend aveugle.

- Oh! fit Twisp.


Il ne savait pas quoi dire d’autre. De toute manière, Noé semblait résigné à son sort.


- Abimaël! cria soudain l’aveugle. Il n’y eut pas de réponse.


- Il finira bien par venir, reprit Noé. Il sait que je lui ai gardé des gâteaux.


Twisp hocha la tête, puis se rendit compte de l’inutilité de son geste. Il se tourna pour regarder le cirque en contrebas. Tout était maintenant baigné par la lumière crue du Grand Soleil. Les bâtiments, d’une blancheur éclatante, étaient striés de brun. Au loin, dans un creux de la falaise opposée, miroitait un plan d’eau. A moins que ce ne fût une illusion. Les lance-flammes s’étaient tus et les ouvriers Siréniens étaient entrés dans un grand bâtiment au centre du cirque.

Noé retourna à son travail. Il n’y avait pas un souffle de vent, pas un cri d’oiseau de mer, pas le moindre indice de la présence d’Abimaël, censé répondre à l’appel de son père. Jamais Twisp n’avait été entouré d’un tel silence. Pas même sous la mer.


- Vous savez pourquoi on m’appelle Noé? reprit le charpentier. La réponse se trouve dans les Historiques. Et j’ai appelé mon premier-né Abimaël. Vous arrive-t-il de faire des rêves étranges, Twisp? J’ai rêvé autrefois d’un grand bateau, qu’on appelait une arche, à l’époque où l’ancienne Terre de nos origines était sous les eaux. L’arche sauva de nombreux humains et animaux… un peu comme les caissons hyber là-haut, n’est-ce pas?


Twisp était fasciné par la voix du charpentier. C’était un conteur né, qui avait l’art de trouver l’inflexion propre à captiver son auditoire.


- Ceux qui n’ont pas pu prendre place à bord de l’arche, ils sont tous morts, continua Noé. Et quand le niveau de la mer a baissé, ils ont trouvé pendant des mois leurs carcasses en putréfaction. L’arche était conçue de telle manière qu’aucune créature, ni humaine ni animale, ne pouvait grimper à bord si elle n’y était pas invitée et si la passerelle n’était pas baissée.


Noé essuya la sueur qui coulait à son front avec un chiffon mauve et grommela :


- Partout des carcasses en putréfaction.


Une brise légère grimpa au sommet des falaises, apportant à Twisp l’odeur de la terre brûlée par les lance-flammes. Û avait presque l’impression de sentir les chairs en décomposition dont parlait Noé.

Le charpentier prit dans ses mains deux pièces de bois assemblées et les suspendit à un râtelier derrière lui.


- Nef avait promis à Noé qu’il vivrait, reprit-il. Mais le spectacle de tous ces morts était déprimant. Quand tout le monde meurt et que les survivants sont rares, songez à ce qu’il peut y avoir dans la tête de ces derniers! Ils auraient eu besoin du miracle de Lazare, mais cela leur fut refusé.


Noé se détourna un instant et ses pupilles aveugles brillèrent dans la lumière indirecte. Twisp vit des larmes ruisseler sur ses joues puis sur son torse nu.


- Je ne sais pas si vous allez me croire, reprit-il, mais Nef m’a parlé.


Twisp contemplait, fasciné, le visage baigné de larmes. Pour la première fois de sa vie, il avait l’impression de se trouver en présence d’un authentique mystère.


- Nef m’a parlé, répéta le charpentier. J’ai senti la puanteur de la mort et j’ai vu la plaine jonchée d’ossements au milieu des charognes encore en train de pourrir. Et Nef m’a dit : « Je ne jetterai plus ma malédiction sur cette terre pour le bien de l’humanité. »


Twisp se sentit frissonner. Ces paroles dans la bouche de Noé avaient une force à laquelle on ne pouvait pas résister.

Noé observa un instant de silence, puis il reprit :


- Et Nef m’a dit : « L’imagination du cœur de l’homme est le mal de sa jeunesse. » Qu’est-ce que vous pensez de ça?


Pour le bien de l’humanité, était en train de songer Twisp.

Noé le fit alors sursauter en répétant la phrase à haute voix :


- Pour le bien de l’humanité! Comme si c’était nous qui l’avions demandé! Comme s’il n’avait pas existé de meilleure solution que toutes ces morts!


Twisp commençait à éprouver une profonde sympathie pour le charpentier. Ce Noé était un penseur et un philosophe. Pour la première fois de sa vie, Twisp avait l’impression que les Iliens et les Siréniens pouvaient trouver un terrain d’entente. Tous les Siréniens n’étaient pas des Gallow ou des Nakano.


- Je vais vous dire une chose, Twisp, reprit Noé. J’attendais mieux de la part de Nef que tous ces massacres. Et dire que Nef invoque le bien de l’humanité!


Il sortit de la pénombre où il avait son établi, contourna le banc comme s’il le voyait et s’arrêta exactement en face de Twisp.


- Je vous entends respirer, dit-il. Et je vous assure que Nef m’a parlé. Peu m’importe que vous me croyiez ou pas. C’est comme je vous le dis.


Il tendit le bras vers l’épaule de Twisp, la toucha, fit descendre sa main le long de son bras gauche puis remonta vers le visage qu’il explora d’un doigt.


- C’est vrai que votre bras est très long, dit-il. Je n’y vois pas d’inconvénient, si cela vous est utile. Et j’aime bien votre visage. JJ a beaucoup de petites rides. Vous vivez dehors la plupart du temps. Vous ne voyez pas trace d’Abimaël?

- Non, fit Twisp après avoir dégluti.

- N’ayez pas peur de moi simplement parce que Nef me parle, reprit Noé. Cette nouvelle arche où nous sommes est établie sur la terre ferme une bonne fois pour toutes. Nous quittons la mer définitivement.


Noé s’écarta de Twisp et retourna vers son établi. A ce moment-là, une main toucha le bras droit de Twisp. Sursautant, il fit volte-face pour se trouver nez à nez avec Nakano. Le Sirénien s’était approché sans un bruit.


- Gallow veut vous parler maintenant, dit Nakano.

- Où est donc passé cet Abimaël? demanda Noé.


L'effet Lazare
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