La colombe revint vers lui sur le soir et voici qu’elle avait dans le bec un rameau tout frais d’olivier!
Genèse VIII, 11, Le Livre des Morts chrétien.
Duque ignorait les réactions des témoins assemblés dans la pénombre qui entourait constamment le bassin de Vata. Ses centres auditifs n’enregistrèrent pas le gémissement étouffé qui sortait nettement de la gorge flasque et agrandie de la Psyo. La poigne solide que Vata avait refermée sur ses parties génitales captivait entièrement son attention. La ferveur de Vata avait douloureusement tiré Duque de son pseudo-sommeil, mais le contact devenait plus doux à chaque instant. Les gémissements au bord du bassin furent remplacés par des murmures sporadiques et quelques rires étouffés. Quand la main de Duque se mit à caresser complémentairement l’énorme corps de Vata, le silence tomba sur l’assistance. Vata gémit. Ceux qui étaient les plus proches furent éclaboussés par l’onde qu’avaient créée les mouvements rythmiques des énormes hanches.
- Ils vont s’accoupler!
- Elle a les yeux ouverts! Regardez, ils changent de place!
Les lèvres de Vata s’étaient écartées, laissant voir le bout de sa langue rose. Clouant Duque au fond du bassin, elle l’avait enfourché, ses épaules crevant la surface du bassin, sa tête rejetée en arrière laissant entendre une succession de longs halètements.
- Ouiii! dit Vata.
Son premier mot depuis près de trois cents ans, enregistra la Psyo. Mais comment expliquer aux fidèles les circonstances de ce premier mot?
C’est pour me punir! Elle a tout vu…
Cette pensée hantait l’esprit de Simone Rocksack. Et elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander quelle sorte de punition était réservée à Gallow.
C’est alors que la Psyo s’aperçut que les mouvements de l’eau dans le bassin ne résultaient pas uniquement de ce que Vata et Duque étaient en train d’y faire. Le sol lui-même tremblait au même rythme lent.
- Que se passe-t-il donc?
La Psyo venait de se rendre compte qu’elle avait formulé cette question à mi-voix. Elle regarda furtivement autour d’elle, espérant que personne ne s’en était rendu compte.
Une nouvelle série de grognements sortit de la gorge serrée de Vata, puis le même « ouiii » culminant. Duque était pratiquement invisible sous les flancs géants et les bras épais comme des jambons.
Les yeux de la Psyo s’agrandirent d’horreur et d’humiliation tandis qu’elle constatait que le spectacle donné par Duque et Vata n’était qu’une grotesque parodie des dernières heures qu’elle avait passées avec Gallow. Elle était placée de telle manière qu’elle ne pouvait même pas s’esquiver discrètement pour échapper à la chaleur qui montait du décolleté austère de sa robe bleue pour lui enflammer la poitrine et les joues. Des gouttes de transpiration perlaient à ses tempes et à sa lèvre supérieure.
A ce moment-là, quelqu’un entra en courant dans la salle et cria d’une voix perçante qui couvrait à peine les murmures de l’assistance déjà en proie à une quasi-hystérie :
- Le varech! Il fait trembler toute l’île! Il secoue l’océan comme une putain de mascarelle!
Le messager aux jambes courtaudes porta un moignon de main à sa bouche lorsqu’il s’aperçut de la présence de la Psyo.
Trois cris soudains firent courir un frisson le long de l’épine dorsale de la Psyo. Les cuisses de Vata, agrippant Duque comme un étau, se contractèrent convulsivement puis Vata retomba dans l’eau du bassin, les yeux ouverts et le sourire béant, encore reliée à Duque par un court mais puissant orin.
Les secousses rythmées du sol s’apaisèrent. La foule au bord du bassin s’était tue devant l’explosion de Vata. La Psyo ne pouvait laisser passer ce moment. Elle déglutit très fort, souleva le bas de sa robe et s’agenouilla face au bassin où les eaux se calmaient.
- Prions, dit-elle en baissant la tête. Dépêche-toi de penser! songea-t-elle, les yeux plissés contre la peur, la réalité et cet ennemi beaucoup plus sournois qu’étaient ses propres larmes.